Je ne suis d'aucune croyance. Je n'ai, pour m'aider à penser, que des aventuriers de l'âme, des astronautes de l'esprit, des explorateurs de la vie, des poètes de tous les temps et parfois même des enfants qui ne savent pas ce qu'ils disent. J'aime le mystère et le doute, ils laissent ouverts tous les chemins. Les certitudes font toujours un bruit de porte qui se ferme.
« Je n’ai pas de passé, je n’ai que des mémoires. »
L’importance d’une parole ne saurait être mesurée au bruit qu’elle fait à nos oreilles, mais à ce qu’elle sait éveiller dans le silence de nos cœurs.
Je ne suis d’aucune croyance. Je n’ai, pour m’aider à penser, que des aventuriers de l’âme, des astronautes de l’esprit, des explorateurs de la vie, des poètes de tous les temps et parfois même des enfants qui ne savent pas ce qu’ils disent. J’aime le mystère et le doute, ils laissent ouvert tous les chemins. Les certitudes font toujours un bruit de porte qui se ferme.
Un beau soir de printemps, mon frère Jean et moi revenons de l’école. Nous sommes d’humeur turbulente. J’ignore qui des deux a l’idée saugrenue de jouer un tour aux parents. Nous trottons en catimini le long de l’allée du jardin (il ne faut pas que l’on nous voie) et sur le seuil, à grosse voix, nous vociférons des « Achtung » et nous cognons à quatre poings la porte soudain grelottante. On tarde évidemment à venir nous ouvrir. Nous étouffons des rires bêtes. Ma mère enfin paraît. Elle reste suffoquée. Nous lui bondissons dans les bras. Je vois mon père, au loin, enjamber la fenêtre. Mes parents étaient pacifistes. Ils ne nous ont jamais battus, mais leur silence, ce soir-là, me fut un poids inattendu. J’aurais mille fois préféré un lot de gifles furibardes à leur tristesse fatiguée.
J’ai l’imagination simpliste. J’ignore encore que la vie passe son temps à inventer des évidences imprévisibles.
Juin, juillet [1968], été, automne, un à un les lampions s'éteignent. Les avions-nous crus éternels ? Bien sûr que non, et pourtant oui. Les mots renâclent tout à coup. Ils n'ont pas envie d'éveiller les souvenirs au sommeil lourd qu'il me faut pourtant remuer. Le grand vent du printemps nous a changé de monde, nous ne pouvons pas revenir, comme après un mois de vacances, à notre ordinaire ici-bas. L'âge d'or n'était qu'un mirage, mais on ne veut pas le savoir, on ne peut pas s'y résigner, on refuse de retourner, après la lumière entrevue, à nos grisailles quotidiennes. Ils ne mesurent pas, ceux du monde banal, la profondeur de la blessure, d'autant que la machine à gouverner les gens, à peine l'alerte passée, s'empresse d'étouffer, entre autres manigances, ce cri de mutant nouveau-né qui oppose l'amour à la loi du plus fort. « Faites l'amour, pas la guerre ! ».
Pourquoi suis-je là, dans ce monde par hasard ? Je n’en sais pas plus qu’à l’instant où j’ai vu le jour. J’ai posé la question mille fois au ciel vide, aux dunes du désert, à quelques vieillards de rencontre au regard d’enfants éternels. Nul ne m’a jamais répondu.
Je l'avoue volontiers, l'art estimé des riches et des intelligents me laisse tiède, sinon froid. Je connais des chansons qui m'embrument de larmes, ce que je n'a jamais fait aucune symphonie.
Ma mère est là, muette. Elle me tient par la main. Il ne peut donc rien m'arriver.