Maître Shonglang
Polit tendrement un pipeau de merisier
Et l’instruit à voix secrète :
- Pour celui qui viendra dans la lumière
Chante comme la source.
- Pour celui qui viendra dans les ténèbres,
Chante comme l’oiseau.
- Pour celui qui ne viendra pas,
Chante les plus profondes musiques
De ton âme.
Pourrais-je un jour atteindre la perfection ?
Demande l’apprenti.
(il est inquiet, ses yeux sont tristes
Son hautbois chante pauvrement.)
Maître Shongland caresse avec délices
La planche bouclée de copeaux.
Que son rabot vient de lisser.
La tranquillité dans le désordre du monde,
Dit-il, telle est la perfection.
De grand matin :
- Où est mon ciseau fin ?
Grogne l’apprenti,
Bousculant mailles et varlopes.
- Dans la poche de ton tablier,
Jeune amoureux,
Répond maître Shongland.
Il glousse, amusé,
Chausse ses lunettes
Et sur le banc, devant la porte,
Ouvre son journal jauni
Vieux de sept ans.
L’apprenti se met à l’ouvrage.
Remuements. Soupirs excédés.
- Et ma râpe à bois, Seigneur Dieu,
Où ai-je perdu ma râpe à bois ?
- Dans l’herbe, derrière l’atelier,
Chantonne le vieux luthier.
(un rire silencieux maintenant le secoue.)
Le garçon sort à grands pas,
Chasse un corbeau qui croasse dans l’amandier,
Revient, l’outil au poing,
Se remet à l’établi,
Pousse bientôt un cri rageur,
Agite en grimaçant sa main.
Son pouce saigne.
Maître Shongland.
Riant aux larmes,
Plie son journal,
Essuie ses lunettes embuées.
- Vous vous moquez, c’est mal,
lui dit aigrement l’apprenti.
Tandis que Petite Vertu accourt,
Joyeuse, par le sentier :
- Non, je m’émerveille,
Répond le vieil homme,
Et je savoure d’avance l’instant parfait
Qui ne saurait tarder.
L’apprenti vient se planter roidement devant lui et d’un air de défi demande :
- Qu’est-ce à dire,
Nous sommes aujourd’hui dimanche,
Ton jour de congé,
Répond Maître Shongland.
Elle était si pure,
Dit l’apprenti, sanglotant,
Si limpide et fidèle !
Pourquoi s’est elle enfuie ?
Dites le moi, mon maître
Avant que je meure de son absence.
Maître Shonglang chausse ses lunettes,
Prend son cahier de maximes
Sur l’étagère poussiéreuse,
L’ouvre,
Pique de son crayon pointu le bout de la langue
Et inscrit :
« Dans une source bienfaisante
On peut aussi se noyer.
Maître Shonglang demeuré seul
Près de la lampe qui faiblit
Affûte son crayon,
Disperse les copeaux,
Se penche,
Et trace ces mots appliqués :
« Petite Vertu,
Cette feuille jaunie où j’écris pour toi ce poème
Est la dernière page de ma vieille clé des songes.
Le jour tombe.
Le vent pâle emporte
Les feuilles du chêne.
L’apprenti mélancolique
Frissonne le long de la route déserte.
Il espère ta rencontre.
Comme j’aimerais avoir froid moi aussi ;
Mon épaule contre la sienne !
Toi
Dans la chaleur robuste de ta cuisine
Tu attises les braises sous le chaudron
Et ton visage rougeoie, tes yeux brillent.
Dès que la première étoile paraîtra
Pour l’amour de toi
J’ouvrirai la lucarne de l’atelier
Et la cage de l’oiseau
Dont j’envie le chant.
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Rencontrer Jésus aujourd'hui
Emmanuel Gougaud
Éditions Salvator
« Rencontrer Jésus aujourd'hui, voilà un titre qui peut paraître assez banal et pourtant, c'est un livre neuf et très stimulant que nous propose le père Emmanuel Gougaud. le père Emmanuel Gougaud est curé de paroisse. Il a longtemps été au service des relations oecuméniques à la conférence des évêques de France. Il part en fait d'un constat qu'on fait un peu tous. Beaucoup de nos contemporains sont intéressés par la figure de Jésus, comme maitre de sagesse, comme philosophe. Mais bien peu entretiennent avec lui une relation intime, une relation d'amitié, une relation de croyant. »
Guillaume, libraire à La Procure de Paris
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