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EAN : 9782262049829
400 pages
Perrin (26/08/2015)
3.83/5   9 notes
Résumé :
Frédéric II Staufen (1194-1250), l'empereur qui stupéfia le monde, selon les mots d'un chroniqueur contemporain, exerça son pouvoir dans une époque riche en mutations. Au cours d'un règne tumultueux, il déploya des qualités qui le placent parmi les souverains les plus fascinants de toute l'histoire médiévale occidentale.
Héritier des rois normands de Sicile et des souverains germaniques, ce monarque réformateur et d'une volonté de fer apparaît comme l'une de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Je vais commencer par un aveu : je ne connaissais que vaguement Frédéric II avant de m'y intéresser de près suite à une discussion avec BazaR je ne sais plus où, sur le forum des Trolls de Babel ou bien sur un avis sur Babelio...
Et encore, je me souviens, ce n'était pas sur Frédéric II mais sur la société en Sicile au moyen-âge, cosmopolite et, semble-t-il, assez tolérante pour permettre à tout ce beau monde de vivre "ensemble", qui a ensuite dérivé sur Frédéric II...
Bref, je partais sans idée préconçue, et bien m'en a pris...

Car le livre de Gouguenheim est d'une neutralité très "scientifique". Elle satisfera les chercheurs et les gens comme moi, beaucoup moins les "romantiques rêveurs", lol !
C'est, en fait, une étude très poussée de l'ensemble des documents, biographies, écrits sur et de Frédéric II, de toutes les époques, quasiment exhaustive, je pense.

Ce n'est pas une biographie telle qu'on se l'imagine, temporellement linéaire, mais une étude des différents "domaines" de compétence (ou pas, ou, comme dit souvent M. Gouguenheim, en gros "pas impossible mais pas prouvé", (comme le fait qu'il parlait l'arabe, par exemple) lol) de Frédéric II. Sur sa politique, sa vision du pouvoir, de la société et de la justice à son époque, ses convictions, ses combats, son intelligence, ses constructions, ses destructions, son désir d'un empire unifié, etc...

Du fait de la construction même du livre, il y a beaucoup de répétitions de dates et d'événements. Mais ce n'est pas un mal, ça permet aux choses de se clarifier et de s'affiner (et de se mémoriser, aussi), au fur et à mesure qu'on avance dans le livre.

Je pense que du coup, étant entrée dans ce livre sans idée préconçue, j'en ressors avec une image assez "réaliste" du souverain qu'il fut. Pas aussi tolérant ni ouvert que certaines biographies ont bien voulu le dire, pas aussi cruel ou diabolique que d'autres l'ont décrit, il était juste un homme de pouvoir aux capacités politiques bien affinées, qui avait une vision très précise de son rôle et de "l'empire", qui a tout fait pour arriver à le mettre en oeuvre, mais a été contrecarré par les papes successifs, les rébellions permanentes des villes lombardes, et la nature humaine, qu'il faisait l'erreur de mesurer à l'aune de ses propres exigences...

Je l'ai trouvé fort sympathique sur sa vision de la justice (et totalement irréaliste), dans sa volonté de séparer l'église de l'Etat (d'où sa guerre permanente et quasiment personnelle avec les papes. J'ai bien aimé le fait qu'il pointait les grosses incohérences cathos, notamment l'indécente richesse de l'église, lol...), dans sa capacité à la diplomatie. Il me parait avoir été plutôt intelligent. Bon il a fait déplacer des populations entières, a saigné la Sicile, a réglé avec cruauté certaines rébellions, mais cela, à dire vrai, c'est compréhensible, pour "l'exemple"... Le pire étant la façon dont il a traité son propre fils, Henri VII, qu'il fit d'abord couronner, ensuite emprisonner, et qui mourut après avoir été trimbalé d'une prison à l'autre.
Il apparait ici comme inscrit "dans son temps", ni visionnaire ni particulièrement "en avance sur son temps". Très impliqué et habité par sa "destinée de droit divin", ce me semble, il ne s'embarrassait pas de scrupules, ni de tergiversations...

A noter : Louis IX, Saint Louis, n'a JAMAIS pris parti contre Frédéric II et pour les papes. Il s'est toujours prudemment abstenu de s'impliquer dans cette inimitié (qui m'apparaît comme totalement démesurée de la part des papes... Un peu l'impression qu'ils avaient la grosse tête et qu'ils étaient assez cinglés, complètement bornés, (Sauf Honorius III), mais c'est que mon avis, hein...
Je trouve ça très mal "joué" de la part, en tout premier lieu, d'Innocent III, trop habitué sans doute à ce qu'on fasse la moindre de ses volontés, et peu habitué à traiter avec un esprit plus libre que la moyenne. Il aurait plié un peu, ça aurait été très différent, Frédéric II aurait pu être un formidable "champion" de la papauté... Mais bon, j'y étais pas, lol, et avec des "si", c'est bien connu... Et comme j'ai dit au départ je connaissais pas, donc je suis très loin d'avoir un avis de "pro", c'est juste mes réflexions à la volée, suite à la lecture de ce livre... Après ils ont "gagné". Mais leur en reste une fort belle image (c'est ironique, bien sûr).)

Bref, c'est un très bon bouquin "impartial" sur Frédéric II, exhaustif dans ses références, très riche sur les multiples aspects du règne de Frédéric II, empereur de légendes, mais qui ne fut qu'un homme, au-delà de tous les fantasmes, positifs ou négatifs, que les chroniqueurs ultérieurs lui ont collé sur le dos.

"Même délivré des mythes et des légendes qui le rendent multiforme et intemporel, Frédéric II demeure un personnage étonnant, en aucun cas un souverain médiocre."

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Un passionnant ouvrage
Voici un livre d'histoire un peu original car on n'a pas ici une biographie traditionnelle de Frédéric II, l'un des plus célèbres hommes d'État du Moyen-âge, roi de Sicile, empereur d'Allemagne, roi de Jérusalem entre autres. Une biographie traditionnelle aurait d'ailleurs sans doute été diffcile à faire compte tenu de nos sources.
L'auteur choisit donc ici d'analyser tel ou tel aspect de son exercice du pouvoir, ses représentations, son combat avec la papauté, ses liens avec l'Allemagne etc...
L'auteur est paraît-il un excellent spécialiste (professeur à Normale Sup cela se pose là), je ne le connaissais que par un ouvrage de lui qui avait fait polémique sur l'apport du monde musulman à l'Occident au Moyen-âge (pas besoin de faire un dessin pour comprendre que par les temps qui courent cela peut constituer un sujet sensible). On en trouve peut-être quelques traces ici ou là dans le livre sur les relations Islam-Occident, mais ce n'est pas le sujet central. Et malgré cela j'ai trouvé le livre très intéressant et synthétique.
Par contre ce n'est pas, à mon sens une biographie grand public entre guillemets, car c'est un ouvrage d'histoire tout de même relativement austère !
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Lectrice de Gouguenheim depuis longtemps, j'avais fait l'impasse sur ce titre qui ne m'a impressionnée qu'à moitié. J'ai une critique négative et une critique positive à formuler. La critique négative porte sur une méconnaissance assez dramatique des traditions de l'imaginaire impérial tel qu'il a été repris d'Auguste - lequel exploitait des traditions magiques d'une très grande antiquité - et transmis aux empereurs du SERG à travers les institutions carolingiennes. Il serait beaucoup trop long de parler de ça. Mais le caractère "organique" - ou "méthectique" comme dit Legeard (pour reprendre un élément tiré de mes échanges récents avec Aléatoire et Moravia*) - de l'empire tel qu'il s'est nécessairement, vitalement opposé à la réforme grégorienne et à la théocratie papale (dont l'Etat royal de France est un sous-produit), tout cela est laissé de côté, passé sous silence, alors que c'est essentiel.

Le mot "empire", imperium, est tiré d'un très vieux vocabulaire dont la racine indo-européenne (*perh2‑) signifie "pourvoir, équiper". Il est essentiellement relié aux notions de protection et d'enfantement. L'Empereur injecte dans son peuple, et fait circuler en lui un fluide vital, le numen, l'énergie qui l'anime et le porte à la grandeur, au dépassement, la force de vie. Voir, à ce sujet, Dumézil, ses prédécesseurs et ses continuateurs (notamment concernant la lance de Mars, le silex de Jupiter, etc.) Par la grâce du Kaiser (César), qui est un ordonnateur et un dispensateur de vie, non un conquérant, les éléments de l'Empire jouent les rôles d'organes différenciés dans un organisme dont le bon fonctionnement permet le développement intense, et in fine la sublimation. Car les principes de l'Empire sont spirituels et non matériels. La confrontation du Saint-Empire romain germanique et des Papes traduit la lutte eschatologique de deux visions cosmiques absolument, radicalement incompatibles. Là-dessus, Gouguenheim, zéro.

Bien, passons maintenant au positif. Gouguenheim démonte (déconstruit, comme on dit aujourd'hui) les légendes qui se sont tissées autour de la personne de Frédéric II, et ça, c'est de la bonne ouvrage. On peut néanmoins regretter, encore une fois, que SG - par méconnaissance du fonds légendaire proprement germanique ? - croie ou feigne de croire que l'importance de Frédéric II fut capitale dans les traditions populaires et littéraires. Il n'en est rien. Les empereurs légendaires adoptés par la tradition littéraire "allemande" du MA à l'époque romantique (surtout, d'ailleurs par le pré-romantisme et le romantisme d'Iéna), furent essentiellement Dietrich von Bern, Karl der Grosse, et - pour le SERG - Friedrich I. Barbarossa. Soient, en français: Théodéric de Vérone, Charlemagne et Barberousse.

=Note=
*"Méthectique", c'est-à-dire participatif au sens où un élément participe organiquement d'un ensemble en exploitant à fond ses qualités spécifiques, et par opposition à "mimétique", c'est-à-dire imitatif dans le sens où il s'agit d'imiter le roi qui lui-même imite Jésus, etc. (cas français à partir des Capétiens du XIIIe siècle). Dans un empire, personne ne demande d'imiter l'empereur. L'Empire a une vision communautaire, personnaliste, "organique". L'Etat (-royal, puis -nation) au contraire s'appuie sur l'homogénéité, la concurrence, le "contrat social" (source rousseauiste et libertaire) et "l'insociable sociabilité des sociétés" (source kantienne et libérale). Sans doute, c'est ici la vision d'EL, mais elle est fortement étayée, et j'y adhère pleinement.
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Les malheurs de Sylvain Gouguenheim aux prises avec le journalisme intello islamobéat, quand parut son "Aristote au Mont Saint-Michel", inclinent le lecteur à l'indulgence et à l'intérêt pour son oeuvre. Sagement, il n'a pas voulu rivaliser avec de brillants biographes qui illustrèrent le mythe et la figure du grand empereur germanique Frédéric II, mais, s'en tenant aux faits et aux institutions, consacre trois parties de son livre aux actes politiques de celui qui fut empereur germanique élu, roi héréditaire de Sicile et d'Italie du Sud, concurrent et ennemi du Pape, et enfin croisé paradoxal. Ces parties combleront l'amateur d'histoire, mais décevront le lecteur s'il ne fait le deuil de sa fascination pour l'homme légendaire qu'il recherche, et que l'historien lui dérobe. Seule la quatrième partie, qui retrace l'histoire de la figure, du mythe de Frédéric II, déchiffre la construction d'une figure historique qui n'a rien à voir avec la réalité : précurseur des Lumières pour les uns, patriote allemand héros des Luthériens pour les autres, ami de l'islam pour d'autres encore, le véritable Frédéric II n'est rien de ce que l'on a rêvé, mais l'histoire de ces rêves est pleine d'intérêt.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Les textes d'Ibn Wâsil et d'al-Gauzi sont animés d'intentions politiques. L'un voulait disculper al-Kamil ; le second entendait démontrer que Frédéric II n'était pas un chrétien mais un impie, irrespectueux de sa propre religion, ce qui rendait encore plus scandaleuse la politique d'al-Kamil. L'image donnée par ces deux chroniqueurs concorde toutefois sur un point : celui d'un empereur bien disposé envers l'islam, soucieux que lui soient rémoignées les marques de respect nécessaires. Elle trace le portrait hors du commun d'un homme dégagé de l'hostilité des chrétiens à l'égard des musulmans.
Vérité ou fiction ? [...]
Ces anecdotes auraient donc été inventées pour servir la cause de leurs promoteurs ? Dans le cas contraire, il y a deux possibilités : ou Frédéric II était sincèrement admiratif de l'islam - tout en le combattant -, ou il agissait avec un grand sens de la diplomatie, de façon à ne pas mettre en danger l'accord conclu à Jaffa. Ainsi, lorsqu'il s'emporte contre le prêtre du Dôme du Rocher, il n'agirait pas par respect de l'islam, comme le pense Ibn Wâsil, ni par antichristianisme, comme le veut al-Gauzi, mais par souci de préserver les dispositions de la trêve, évitant tout geste qui pourrait être interprété comme une provocation.
Chez lui, comme chez al-Kamil, dominait le réalisme politique, conclut L. Atrache.
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L'exercice du pouvoir exige une représentation. Il faut construire et diffuser une image de puissance, si possible par des éléments durables, palais, forteresses, statues, sans négliger les actes que sont les entrées solennelles, les visites et les triomphes, ni oublier d'exhiber lorsque nécessaire les signes spécifiques de l'autorité. Frédéric II mit en place, au fil des années, une symbolique du pouvoir en partie inédite.
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L'absence de politique impérialiste ne signifie pas l'absence de politique impériale. L'empereur est un dispensateur de libertés - au sens médiéval du terme -, non un conquérant.
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Héritier de deux royaumes, porteur de deux couronnes mais très tôt orphelin, confié à la tutelle du pape et en butte aux ambitions des régents, Frédéric II détenait, en théorie, un pouvoir immense, résultat des politiques menées par ses ancêtres ; mais il dut s'en emparer.
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"Il serait indigne que quiconque vende à vil prix le très saint ministère de la Justice", proclamait le "liber augustalis". La mise en demeure fut bafouée. L'empereur ne put, malgré de fréquents rappels à l'ordre, empêcher les actes d'arbitraire et le développement de la corruption, qui fut tel que des accusés, même innocents, payaient les juges par sécurité. Ce fut peut-être là son plus lourd échec.
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Videos de Sylvain Gouguenheim (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Sylvain Gouguenheim
Quel fut le rôle de l'empire byzantin dans l'essor culturel de l'Europe latine à l'époque de l'art roman ? C'est à Byzance, en effet, que fut recopiée la quasi-intégralité des œuvres de l'Antiquité grecque. Et c'est dans la cité impériale que la culture antique continua pendant des siècles à servir de socle à l'enseignement scolaire, la paideia παιδεία certes réservée à une élite. Ce bagage byzantin fut transmis aux cours royales et aux abbayes de l'Europe à l'époque romane. On rencontre ainsi les influences artistiques byzantines à travers toute l'Europe des Xe-XIIe siècles, dans les vallées de la Meuse ou du Rhône, en Allemagne, jusque dans les royaumes scandinaves. De nombreux textes antiques furent alors traduits en latin puis commentés. Les routes et les intermédiaires humains par lesquels cette transmission s'est effectuée montrent un couloir de circulation reliant la Sicile, l'Italie du Sud, la vallée du Rhône, la cour de Champagne, les abbayes d'Île-de-France et de Normandie, le monde rhénan... C'est toute l'influence byzantine sur le monde latin, visible dans les fresques et les enluminures, dans la transmission d'ouvrages, d'abord religieux, puis savants que retrace dans cet essai magistral Sylvain Gouguenheim.
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