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Critique de YvPol


Clovis, François et Samia se sont connus en 1982, sur les cendres des camps de Sabra et Chatila, les deux hommes faisaient leur métier de journaliste, Samia était une victime de la barbarie la plus sauvage : "Notre guide a finalement retrouvé les siens dans un charnier à ciel ouvert. Des dépouilles lacérées et emmêlées. [...] La plupart des corps étaient amputés. Des nourrissons avaient été éventrés. Les phalangistes s'en étaient donné à coeur joie au nom de Dieu, violant, tuant à bout portant tout ce qui vivait dans ces bidonvilles." (p. 21) Ils ne se sont plus quittés, aussi Clovis ne peut que partir à la recherche de son ami. Et sa trace le mène sur les chemins de l'église catholique espagnole et sa frange la plus dure, ceux qui veulent la béatification de soeur Encarnacion, directrice à l'époque de la maternité qui organisait un trafic d'enfants : "Les tenants du régime répondaient alors à l'injonction de Vallejo-Nàjera, un psychiatre dément mais encensé par le Caudillo, qui prétendait qu'il existait un gène communiste et qu'on pouvait combattre cette saloperie en retirant les bébés de leurs familles "rouges". Sous le prétexte d'une loi promulguée en 1939 qui confiait à l'Etat les enfants nés sous X, on avait subtilisé, dans les maternités et les prisons, les enfants de républicains. Les nourrissons étaient alors placés dans des familles phalangistes qui allaient les éduquer selon les principes moraux du régime." (p.42) Ce trafic au départ pour la cause franquiste perdurera après la mort du Caudillo pour de viles raisons pécuniaires, puisque les nouveaux parents pouvaient acheter un bébé entre cent mille et trois cent mille pesetas. L'enquête est délicate surtout lorsque Clovis est à son tout victime d'agressions, d'intimidations.
Après un début un rien long et lent lorsque Maurice Gouiran nous promène dans les rues de Barcelone, la Marseille de l'Espagne -ou Marseille la Barcelone de France-, il nous fait visiter une ville qu'il connaît et aime. le mieux serait sans doute de connaître soi-même un peu la ville, mais finalement, ce n'est pas un problème, on se balade. de même, parfois, une allusion est faite à un personnage qu'on ne connaît pas si l'on n'a pas lu les livres précédents de l'auteur, d'ailleurs le nom même de Clovis n'est pas vraiment su dès le départ, mais, ce qui pourrait être un handicap n'est pas vécu comme tel ; c'est un peu comme un copain avec qui l'on parle : on ne sait pas tout de sa vie, mais ça ne nous empêche pas de le comprendre, de l'apprécier et de s'intéresser à lui. Ce qui me fait penser à cette comparaison, c'est sans doute le langage de l'auteur qui s'adresse à ses lecteurs comme s'il leur racontait une histoire, dure certes, mais les personnages qu'il crée font passer le message plus sûrement qu'un essai sur le sujet.
L'intérêt principal du roman est de mettre le doigt sur un sujet sensible et dont on parle assez peu, le traitement des enfants sous les dictatures, les enfants volés d'Espagne ou encore les Lebensborn nazis censés faire naître de bons aryens pour repeupler l'Europe, des soldats nazis engrossaient des jeunes femmes blondes, véritables esclaves. Puis, le rendement étant jugé insuffisant, des enfants correspondant aux critères aryens furent enlevés dans les territoires occupés par Hitler et déportés dans ces Lebensborn. Très documenté, ce roman noir est dérangeant, met mal à l'aise parce qu'il concerne un nombre d'enfants de l'époque encore en vie aujourd'hui, tant ceux qui sont nés ou ont été déportés dans les Lebensborn -qui ont entre 70 et 80 ans- que ceux qui ont été pris dans la spirale du trafic espagnol qui a perduré jusque dans les années 80 et qui ont donc pour les derniers une petite trentaine d'années. Tous sont victimes d'un système morbide, immonde -on pourrait aligner les qualificatifs-qui les laisse sans racines, parce qu'en plus, Maurice Gouiran le montre très bien, les recherches sont difficiles et freinées plus qu'aidées par les autorités notamment religieuses -mais pas seulement- qui voient d'un mauvais oeil qu'on puisse mettre en cause leurs pratiques répugnantes et leurs accointances avec des régimes pourtant infréquentables pour qui se prévaut de valeurs humanistes, fraternelles (cf. un article du Huffington post). Clovis Narigou est un dangereux anticlérical, un libre-penseur (Maurice Gouiran sans doute aussi) c'est sûrement ce qui me le rend éminemment sympathique ! On partage des valeurs.
Lien : http://lyvres.over-blog.com
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