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Ce livre ne vaudrait rien s'il n'était introduit par l'exquise petite préface de Michel Houellebecq. A l'époque, encore piètre inconnu, Michel Houellebecq se passionnait pour l'aspect taré des oeuvres des créateurs les plus angoissés. Fort d'un premier essai sur H. P. Lovecraft (qu'il faut lire à tout prix), il décide plus tard de ramasser quelques-uns des poèmes de l'oeuvre de Rémy de Gourmont. Sa passion pour ce poète se justifie moins pour ses poèmes en eux-mêmes que pour le paradoxe qui maintient la tension entre l'oeuvre intellectuelle de Rémy de Gourmont et cette oeuvre poétique, sensible voire carrément mièvre et gerbante. Alors que Rémy de Gourmont est surtout connu pour ses essais pointus qui examinent de manière critique les valeurs, le sentimentalisme et l'amour, il jette les armes dans ses poèmes et « renonce à être un intellectuel ». A quoi ça sert ? « Il est bien des choses dans la vie que l'on peut réduire à leur représentation dans le cerveau ; dans un deuxième temps, cette représentation elle-même en viendra à être préférée : inutilité de la vie vécue, qui coûte tant d'efforts pour aboutir à des images mentales tellement plus pauvres, monotones, tellement inférieures à ce que l'imagination peut concevoir. […] Mais [Rémy de Gourmont] en prendra vite conscience : l'amour résiste à cette tentative de réduction. » Plus loin, Michel Houellebecq ajoute : « Résignons-nous : Rémy de Gourmont n'est pas un poète intelligent. Il n'y a pas de poète intelligent. Même s'il est, par ailleurs, essayiste. » Et nous devons bien le reconnaître, Rémy de Gourmont se montre parfois vraiment con. Vieux monsieur qu'on imagine aigri la plupart du temps, il nous parle de sa vague Simone qu'il emmène se promener dans les vergers, avec qui il va cueillir les châtaignes, et il nous parle de son odeur de foin, du petit moulin dans le pré, des oiseaux et de toutes ces choses qu'on croyait réservées aux histoires de bonnes femmes. Certes, ça ne fornique guère dans ces poèmes, Rémy de Gourmont préférant consacrer ses vers aux instants qui précèdent peut-être, qui remplacement sûrement, toute agitation frénétique. Mais il y a aussi des poèmes plus hérétiques qui associent le désir et la crypte, la malveillance florale à l'insouciance sentimentale, la confession à l'effeuillage. Michel Houellebecq nous apprend à lire Rémy de Gourmont en nous rappelant sa grande idée, « qu'il exprime dans l'Esthétique de la langue française, par cette formule d'apparence paradoxale : le vers est un mot. Une « unité de sens ». » Ainsi : « Un vers achevé, […] bien qu'il se compose d'unités sémantiques plus petites (les mots au sens habituel), formera cependant une unité nouvelle et « indéchirable ». » On pourra donc, bien à profit, s'amuser à lire un poème dans son ensemble, mais aussi vers par vers, pour se laisser porter par une histoire différente. On comprend ce qui plaît à Houellebecq dans cette poésie : Rémy de Gourmont lui ressemble en ce qu'il démissionne de l'intelligence pour exalter l'amour, comme Houellebecq rêve, dans ses poèmes, de dépouiller la vie de sa médiocrité quotidienne pour retrouver la valeur absolue de l'amour. Et on se souvient alors qu'un amour a parfois déferlé suite à un simple instant en suspension vers un autre, ou un souffle un peu plus lent et ténébreux. + Lire la suite |
« Toutes les pensées et maximes qui ont quelque valeur sont fortement pessimistes. Quand on étudie ses semblables et soi-même avec quelque sincérité, on en rapporte rarement des observations avantageuses. »
Henry Maret
(1837-1917)
« […]
L'art des maximes est vieux comme l'homme. de tout temps […], l'homme aima ces formules, concises, abstraites peu ou prou, dans lesquelles il porte un jugement sur lui-même, sur ses semblables ou sur le monde. […]
[…] les Français, parmi les autres peuples, se sont signalés dès le XVIe siècle, par un goût très prononcé pour cette manière spéciale de s'exprimer qui, par ailleurs, trouvait sa formule naturelle dans les proverbes, manifestation générale de la pensée humaine qui est de toutes les époques, de tous les climats, de toutes les races.
[…] la profondeur, l'originalité De La Rochefoucauld, de Pascal ou… de l'Ecclésiaste ne seront vraisemblablement jamais dépassés ni même égalées. Mais, ce que ces penseurs de génie ont dit autrefois peut-être redit sous une forme nouvelle, à la mesure du temps présent. […]
[…] nous avons recueilli une grande quantité d'ouvrages de maximes, nous les avons lus attentivement et sans parti-pris et nous avons constaté […] qu'il en était très peu qui fussent absolument médiocres. Pas un où le lecteur ne pût découvrir une valeur, une note sérieuse, quelque observation typique. Pas un, surtout, qui ne décelât de la sincérité et quelque sensibilité. […] Près des héros, dans leur ombre parfois, se pressent des hommes qui les valent, qui valent mieux, souvent, et qui, cependant, par quelque défaut de caractère ou, simplement, par quelque cruauté des événements, demeurent voués aux seconds rôles. Philosophes par goût naturel ou par dépit, joyeux ou bien amers selon leur tempérament, ils se consolent de ne point agir en pensant ou en jouant au penseur : ainsi sont nées, naissent et naîtront encore bien des maximes !
[...]
« L'homme est toujours le même ! » Tant qu'il sera nécessaire de proclamer cet axiome, le genre des maximes ne sera pas épuisé !
[...] »
0:00 - Remy de Gourmont
0:15 - Courteline
0:26 - Jules Laforgue
0:52 - Albert Guinon
1:08 - Louis Dumur
1:21 - Paul Brulat
1:34 - Princesse Karadja
1:44 - Aurel
1:54 - Georges Faillet
2:05 - Marcel-Lenoir
2:14 - Jeanne Landre
2:29 - Natalie Clifford Barney
2:42 - Charles Régismanset
2:51 - Étienne Rey
3:01 - Albert de Bersaucourt
3:10 - Henry Asselin
3:23 - Alain Chauvilliers
3:33 - Jean Ythier
3:45 - Lucie Paul-Margueritte
3:54 - Jeanne Broussan-Gaubert
4:12 - Pierre Aguétant
4:33 - Générique
Images d'illustration :
Remy de Gourmont : https://leseditionsdeparis.com/collection/litterature/le-chateau-singulier-et-autres-textes-rares
Georges Moinaux, dit Courteline : https://www.edition-originale.com/fr/litterature/envois-autographes-dauteurs-manuscrits/courteline-photographie-originale-dedicacee-de-1925-60004
Jules Laforgue : https://www.babelio.com/auteur/Jules-Laforgue/2537/photos
Albert Guinon : https://www.abebooks.com/LILLUSTRATION-SUPPLEMENT-3119-SAMEDI-DECEMBRE-1902/30869087159/bd#&gid=1&pid=1
Louis Dumur : https://www.tdg.ch/societe/histoire/geneve-redecouvre-louis-dumur/story/25740549
Paul Brulat : https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Brulat#/media/Fichier:Paul_Brulat,_1918.jpg
Princesse Mary Louise Smith Karadja : https://sv.wikipedia.org/wiki/Mary_Karadja#/media/Fil:Princesse_karadja_1899.png
Aurélie Octavie Gabrielle Antoinette de Faucamberge, dit Aurel : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/35/Aurel_writer_photo.png
Georges Faillet : https://www.youtube.com/watch?v=J2IrgM3yyms
Jules Oury, dit Marcel-Lenoir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Marcel-Lenoir#/media/Fichier:Mrs._Julian_