J'ai connu
Michel Goussu, par -10, je veux dire par -10 mètres, au club d'apnée. Ami avec mon fils aîné, à travers la pratique du surf, c'est Thomas qui un jour m'avoua que Michel avait pondu un roman.
Découvrir qu'il a fait un burn-out lui l'excellent apnéiste, c'était comme m'annoncer que Monsieur
Mélenchon se retirait dans un couvent, improbable, totalement impensable.
L'immense intérêt du livre est sans doute de montrer que les mécanismes qui conduisent au burn-out sont si particuliers qu'ils peuvent enrayer toutes les personnalités, toutes sauf, sauf ce salarié à la carcasse lissée à la paille de fer, Samir, sur lui tout glisse.
Les autres collègues sont des victimes potentielles qui s'ignorent. du moins ceux qui n'auront pas encore lu l'excellent texte, souvent drôle, à l'humour décapant de Michel, " le Poisson Pourrit par la Tête".
En relevant chaque événement trouble, disséquant chaque réflexion de ses chefs, il déplie avec minutie l'engrenage du harcèlement qui mène à la dépression. Chaque étape est "épluchée, décortiquée comme une langoustine, démontée comme un carburateur", on mesure avec une patience de religieuse le déroulement des jours où peu à peu le corps lâche, les défenses tombent, la vue fuit.
Samir en bon philosophe me glisse, " si tu ne viens pas, tu vas te faire lyncher pendant des mois, j'y suis allé et je me suis quand même fait lyncher pendant des mois." page 62.
Avenir futur a réuni l'ensemble du personnel, les chefs pérorent, "Thibault était fier comme Artaban, Catogan avait l'air aussi impressionné qu'un ours devant un grillon, Gilbert Loir le DRH se disait la cheville ouvrière." page 62.
Michel Gossu est au point de rupture, Jacques son chef se marre de voir son Power-Point ( pauvre point, ou slides, ou transparents...) présenté par quelqu'un qui ne répond jamais à ses mails.
Comment ne pas évoquer l'idée de mépris à travers ces quelques lignes.
"Dans l'écrin bleu marine, et qui laissait augurer d'un véritable trésor on ne trouvera qu'un presse-papier en plexiglas au sein duquel le sigle d'Avenir Futur semblait flotter pour l'éternité. C'était ça le cadeau des 25 ans! "p 66.
Après six mois c'est le retour en mi-temps thérapeutique. Son retour dans l'entreprise Avenir Futur, est une valse à 6 temps, six cadres qui ne sont jamais en phase, incapables de valider le moindre cahier des charges, et une fois encore prompt à condamner le salarié.
Samir se marre, je te l'avais dit que c'était du lourd. L'outil moderne lancé, est un intranet, vecteur d'informations libres et décomplexées, qui a reçu ce nom merveilleux My Avenir Futur, en abrégé My-A comme Maya l'abeille qui fera de l'entreprise une ruche joyeuse et bourdonnante.
Comment réconcilier, les salariés, il y a le haut et il y a le bas, il y a ceux qui regardent vers le haut, et ceux qui cherchent à comprendre le travail de ceux qui sont en bas, deux mondes souvent non miscibles.
Oui il en faudrait des Samir, pour rendre le travail cool, il est blindé. Il vient d'une autre entreprise d'une autre culture, il est devenu incontournable car il a la clé de milliers de dossiers, de contrats, qu'il faut retrouver s'il y a réclamation !
Mais les autres ?
Il est d'ailleurs passionnant dans ce livre, de se rendre compte que les plus fragiles sont souvent les plus scrupuleux, les plus acharnés à faire tourner l'entreprise, mais sont-ils entendus alors à leur juste valeur.
Ce livre devrait être mis entre les mains de tous les DRH, de tous les décideurs et notamment dans le tertiaire. La description minutieuse qu'il fait de cette entreprise donne le frisson, autant sur la crédibilité des produits vendus que sur l'éthique qui semble être suspendue un élastique qui fait le yo-yo.
Michel Gossu a suivi la procédure de licenciement amiable. L'entreprise a tout fait pour que celui-ci démissionne purement et simplement, pour ne pas jeter le discrédit sur ses dirigeants.