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Critique de madameduberry


Se perdre, se trouver, ou assembler les fragments pour donner du sens aux rencontres, de la consistance au vide, une présence à l'absence. L'héroïne quinquagénaire part sur les traces d'un amour perdu, qui n'a jamais été aussi présent que depuis qu'il est devenu du passé, mais qui l'obsède par son caractère inachevé ou plutôt inabouti. Doublement abandonnée, par le père et l'amant de jeunesse , elle vit sa vie avant de chercher à la comprendre .Puis un jour elle renoue plusieurs fils de son existence et décide de remonter chacun d'eux jusqu'au bout. Elle suit alors les traces laissées par son ancien amant, que ce soit les traces matérielles laissées sous forme de documents dans une malle, ou les souvenirs déposés dans la mémoire des personnages qu'il a croisés et qu'elle rencontre donc à son tour, aux antipodes, les îles Salomon. Cette quête n'a rien d'une errance, au contraire elle a toutes les caractéristiques d'un voyage non pas touristique, mais organisé pour la découverte ou les retrouvailles virtuelles avec la personne qu' elle (pour)suit. En lisant ce livre, j'ai ressenti souvent la même frustration que celle que je ressentais, enfant, à la mention « à suivre » qui repoussait à un futur toujours plus lointain la conclusion de l'énigme. Ce récit en effet entremêle l'imaginaire de l'héroïne et la déception, , la tristesse du voyageur qui se cogne au vide des désillusions (le voyage finit là où il commence) et à l'étroitesse du lieu où il se trouve, puisqu'il ne peut être mesuré qu'à l'aune du voyageur. Ce qui redouble l'impossible de faire du présent à partir du passé. Et l'incompréhension du lecteur qui ne voit que les touches du tableau semble devoir croître au fil des pages.
Le leurre du dépaysement qui se réduit à la difficulté d'adaptation à un lieu inconnu mêlé d'ennui et de jetlag, le vide de soi-même face à une oisiveté forcée, le rétrécissement des possibles face aux contraintes imposées par l'état de voyageur, coincé dans un état de transit permanent, pourrait faire conclure hâtivement, paraphrasant Levi Strauss et Tristes tropiques ; « Je hais les voyages, et les explorateurs »…de soi-même.
Mais par plusieurs torsions successives l'auteur nous permet d'accompagner la recherche de cette voyageuse et finalement d'admirer son parcours dont plusieurs métaphores très poétiques nous donnent la signification et l'épaisseur. C'est finalement le rapport à l'autre qui ordonne le rapport à soi-même et cette découverte permet de relier les fils épars d'une vie. Les rencontres ou les découvertes peuvent brièvement désopacifier le réel, en prenant la forme de signes, voire de signes de reconnaissance, qui ordonnent l'absurde de toute existence.
Mais n'espérez pas, lecteurs, trouver là les images technicolor des plages bordées de cocotiers. A moins que votre imaginaire ne soit une fois pour toutes construit sur ce mode, le dépaysement ne sera pas ici la réplique d'une brochure touristique.
On peut trouver en revanche dans ce beau livre une réflexion déclinée sous forme littéraire, sur nos vies bordées par différents rivages, délimitées par le champ des possibles et les bornes de l'impossible, ordonnées et étrécies par les tabous qui déterminent notre repérage symbolique.
Cet ouvrage est d'une qualité d'écriture remarquable, l'ouverture en particulier est d'une beauté rare, tant sur la forme que sur la force d'évocation.
Merci à Babelio et Masse Critique, Merci aux éditions Arthaud Poche, Merci à Marc de Gouvernain, sans qui je n'aurais pu rencontrer le Témoin des Salomon.
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