Ce livre de l'écrivain-voyageur et traducteur Marc de Gouvenain (qui a notamment traduit "Millenium" de Stieg Larsson en français pour Actes-Sud) est composé de trois récits portant sur l'Éthiopie. le premier relate le premier séjour que l'auteur y a effectué en 1970 (il avait alors 23 ans), comme professeur de français à Debré Zeït, localité au sud d'Addis-Abeba. J'imagine qu'il y effectuait son service militaire au titre de la coopération, comme je l'ai fait moi-même mais en Tunisie. C'est un récit très "impressionniste" - avec très peu de repères factuels - que j'ai trouvé magnifique. Le deuxième récit, très bref, nous raconte comment l'Éthiopie est restée présente en lui dans les années qui ont suivi, jusqu'à son "retour en Éthiopie", en 1988 et 1989, retour qui fait l'objet du troisième récit. Celui-ci revêt une forme plus classique de récit de voyage et l'on peut y suivre assez grossièrement le parcours qu'effectue l'auteur, qui est venu cette fois en tant que guide touristique pour faire le repérage d'un nouveau circuit pour l'agence qui l'emploie (Terre d'Aventure). La nostalgie du premier voyage est présente mais reste maîtrisée. Entre temps, une révolution politique a eu lieu a Addis-Abeba et le régime est devenu "socialiste". Les coopérants russes, cubains et chinois ont remplacé les français et les italiens. Marc de Gouvenain est curieux de cette nouvelle Éthiopie mais aussi désireux de trouver les traces d'une Afrique plus ancienne et de s'enivrer des parfums et des couleurs de cette terre. Même s'il est de facture plus classique que le premier, ce dernier récit recèle lui aussi quelques pages magnifiques.
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Marc de Gouvenain, qui fut entre autres professeur de français durant deux ans en Ethiopie, guide pour Terres d'aventure et directeur de collection chez Actes Sud, nous livre ici le récit de deux voyages effectués en Ethiopie, avec vingt longues années d'intervalle.
On y découvre les marchés, la pauvreté ambiante, les femmes splendides et les randonnées à l'affût d'un insecte, d'un animal, d'une plante ou d'un lieu saint. L'auteur nous livre ses impressions, ses souvenirs et ses réflexions sur le voyage, et ce qui l'a poussé à revenir en Ethiopie, pays gouverné par l'Empereur Haïlé Sélassié, puis, lors de son deuxième voyage, conquis par le communisme.
L'amour qu'a l'auteur pour ce vaste pays se ressent à chaque page, la lecture est agréable sans pour autant être un chef d’œuvre ; peut-être est-ce le côté un peu égocentrique de la narration.
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J'ai eu tellement de mal à terminer ce livre ! J'ai pas du tout accroché... Une écriture trop brève et sans aucune attache ou narration, on a l'impression d'un amas de notes fragmentées et éparpillées. Moi qui croyais découvrir quelque chose sur l'éthiopie ou retrouver cette atmosphère africaine, c'est le contraire absolu. L'auteur se fait une image dépassée de l'Afrique, un peu trop condescendante à mon goût. Et puis tout ce livre donne l'impression d'un brouillon dont l'auteur est un européen en manque de sensationnalisme, gîtant au fond d'une compagne européenne se morfondant dans un atroce ennui et mal de vivre.
Bref, d'un ennui mortel.
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Métahara, dix heures du soir [...]. L'air chaud sent bon le gas-oil, un camionneur penché à sa portière échange une dernière plaisanterie avant de repartir, deux autres bricolent dans le noir un amortisseur de la remorque. La nuit est douce, les filles étaient gentilles. Demain matin, lasses et soucieuses, elles traîneront les pieds et auront mis un fichu sur leurs cheveux défaits. Profiter de la nuit pour traîner de bar en bar, pendant qu'elles sourient encore, pour prendre goût à leurs robes de nylon fleuri et éteindre les passions à la bière. Puis je dormirai ici, bercé par le ronflement des camions.
Non loin, au pied du Fantale - cette montagne qui fume encore et qu'entourent d'immenses coulées de lave noire, stérile, comme à peine refroidie -, dans des huttes cernées de branches épineuses pour protéger des hyènes leurs quelques chèvres, et d'un cercle de pierre pour se protéger eux-mêmes des mauvaises influences, les Caraïous eux aussi doivent entendre le ronflement d'un monde qui avance d'un pas qui n'est pas le leur.
Les épines grises, pourtant, ont un moment tourné au vert et, dans les racines, d'intenses processus de montée de feuilles se préparent tandis que la poussière se couche sur le sol. Certaines vaches ont trouvé un bol d'eau entre deux pierres. Les hommes marchant au pas des dromadaires sentent la fraîcheur sous leur pieds. Les femmes, profitant d'un nuage qui cache le soleil, ouvrent grands leurs yeux noirs, redressent la tête, et tendent leurs seins sous la chasuble de peau rance.
Dans quelques semaines, je serai dans un lieu semblable, au Yémen, sirotant un thé au girofle, remué par la mélopée d'un chanteur s'accompagnant au luth. Gargotes, bouis-bouis, bunna-bëts du monde entier, lieux où s'arrêtent le passage et le paysage, où commence la rencontre des êtres. Et la musique et les odeurs pour dissimuler et oublier qu'on n'est pas toujours à l'aise.
Les femmes surtout : larges pièces d'or, boules rouge, boules vertes sur la poitrine. L'une d'elles, au galop sous la pluie, farouche, une cape de peau gris pommelé sur ses épaules, coiffée d'un large voile noir serré sur le front par un cordon rouge qui, derrière la nuque, flottait en deux longues ondulations.
Le jour est là puis soudain on éteint la lumière. Il fait nuit puis soudain le soleil éblouit, bondit dans le ciel et déjà cogne. Pays désolant pour ceux qui aiment la variété des saisons mais plus encore pour les adorateurs du matin. Jamais Rimbaud n'aurait pu écrire "Aube" en Abyssinie.
Entretien avec Marc de Gouvenain, éditeur et traducteur de Millénium à Actes Sud.