Le titre original de ce recueil est en anglais « The faces of Blood kindred » nom emprunté à l'une des nouvelles du recueil, « Les liens du sang », dont je trouve qu'il correspond bien mieux au fil conducteur de ces nouvelles où le poids, la fatalité des liens familiaux et de l'hérédité sont partout présents ; « Zamour et autres nouvelles », le titre français n'a pas de signification par rapport à celui de la nouvelle dont il est issu « Zamour ou une histoire d'héritage ».
La devise de la petite ville où est né et a vécu 7 ans
William Goyen, Trinity dans le Texas , est "You'll never want to leave ! » (« vous ne voudrez jamais (la) quitter »). Et elle est toujours présente sous le nom de Charity, ou même sans être nommée, dans les textes de cet auteur, marquant ceux qui y restent comme ceux qui l'ont quittée.
Une fatalité poursuit les êtres qui hantent ses nouvelles, qu'ils soient restés ou qu'ils aient fui loin de la contrée qui les a vu naître et grandir, souhaitant rompre des liens familiaux et un environnement pesant ou s'en sentant rejetés. Mais à la faveur d'un incident, d'une rencontre surgie dans leur existence, ils sont ramenés, en songe ou en réalité, vers leur enfance dont l'enchantement a été brisé par une tragédie. Un sentiment de culpabilité rejaillit car le passé a continué son chemin au fond d'eux. Cette culpabilité, en les poussant à se retourner, peut permettre une purification et offrir le germe d'un commencement, la fleur vulnérable de la rédemption.
« L'existence est à la fois conspiration tendant à prouver notre inanité, et agencement d'événements et d'images qui suscitent notre renaissance. Il y a la force constante, douce et inébranlable de la petite générosité loyale, la pure bienveillance d'un minuscule Commencement qui attend en nous tous d'être soulevé,… » p 170 (Le cheval et la phalène)
Tous ces textes communiquent une profonde émotion, ils sont empreints d'une grande fragilité et d'une grâce qui vient d'une écriture qui sait rendre essentielles et magnifie les plus petites choses même celles qui pourraient paraître laides.
De ces onze nouvelles dont aucune ne m'a laissée indifférente, j'en citerais deux pour illustrer la beauté de tout ce recueil :
« Vieux bois sauvage »,
bouleversante rencontre entre un grand-père et son petit fils
Le petit fils reçoit à Rome une lettre lui annonçant la mort de ce grand-père qu'il avait revu pour la dernière fois à l'âge de 21 ans. Il se souvient dans cette ville étrangère qu'il avait vraiment connu son aïeul au pied difformeà l'occasion d'une partie de pêche à Galveston : « Il y avait quelque chose de profondément bon et tendre chez ce vieux grand-père racé, pieds nus sur le rocher, qui buvait du bourbon à la bouteille.. le petit fils avait l'impression que l'homme était souvent sur le point de lui parler de choses graves, mais qu'il retournait toujours à sa bouteille par timidité ou respect. (…) le petit-fils se disait qu'il avait peut-être affaire à un homme des bois qui aurait grandi dans une forêt vierge, aussi grossier, primitif que l'arbre d'un bois sauvage. Il en possédait un peu la sève et la semence.» p 48
« Un peuple d'herbe » , « souvenir d'un après-midi de mai ensoleillé dans le lointain Texas. Une douce brise berçait les sapins majestueux de Woodland Park où l'école avait aménagé une clairière à l'occasion de la fête du premier mai. » Cette fête est attendue avec impatience par un frère et une soeur qui seront costumés, lui sera le roi des fleurs et elle un coquelicot.
« Tout donnait l'impression de brièveté et de délicatesse extrême en cet après-midi fugace, un moment de mai vulnérable que la pluie pourrait faner et flétrir , le vent déchirer et emporter. » p 111
Joie d'une fête qui se terminera dans les larmes et dont le frère revit l'humiliation en voyant soudain apparaître à Rome, dans les jardins Borghèse, un groupe de petites filles qui dansent et tourbillonnent sur l'herbe.