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EAN : 9782714303073
257 pages
José Corti (01/08/1989)
3.7/5   110 notes
Résumé :
"Un beau ténébreux" est un roman des astres et de la catastrophe, c'est-à-dire du destin sur fond de vacances et de dérive du temps ; vacuité des personnages en attente, dans un théâtre vide.

L'arrivée d'Allan va déclencher un maelström où tous les personnages vont perdre la tête. Allan est venu sceller le destin. Tout dorénavant se déplacera par rapport à lui. [Revue 303]
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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Ce roman est une construction littéraire subtile et élaborée reposant sur une trame narrative simple : l'histoire d'un homme venu rejoindre un groupe de jeunes gens en villégiature dans un hôtel en bord de mer, se finissant par son suicide probable. Il me semble que le vrai sujet de ce roman est la littérature. A partir d'une intrigue ténue et par la magie de son écriture et de ses multiples références, Gracq nous montre comment peu à peu un roman prend forme. Pour cela, il s'attache à rendre singulier ce qui pour le commun des mortels n'est que banalité voire même indiscernable. Les éléments fournis par l'auteur au lecteur sont souvent peu aisément déchiffrables et ouvrent grand la porte des suppositions romanesques. Tout semble enveloppé ou isolé dans la brume. Et le lecteur est plongé dans l'incertitude. La construction du roman renforce ce sentiment : aux trois-quarts du livre, le journal écrit à la première personne par le premier narrateur Gérard fait place à un récit reconstitué par un nouveau narrateur indéterminé. Gracq joue avec le temps (le rythme du journal intime et la durée prolongée de ces vacances d'été) et avec l'espace. Dans les deux cas, la notion de vacance est importante. Souvent les personnages se retrouvent face au vide des grands espaces (typiquement face à la mer). Cette situation est selon moi une façon pour Gracq de montrer comment des personnages se retrouvent en situation d'échapper à la toile d'araignée de la vie non romanesque, comment ces personnages sont placés face à la tentation de l'évènement , face à l'exaltation d'une autre vie. Ce roman peut paraître parfois étrange et vide. Il est en tout cas soutenu par la langue magnifique de Julien Gracq.
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Peut-être vais-je me faire huer mais tant pis : il faut avoir le courage de ses opinions et on ne peut pas tout aimer. Peut-être aussi ai-je trop de goût pour les morceaux de bravoure et les fresques en tous genres pour être à même de savourer comme il se doit ce genre d'intrigues plus que ténues.

Car je suis désolée : l'intrigue d'"Un Beau Ténébreux" est si ténue qu'on peine à l'apercevoir. Ca se passe en Bretagne, dans un très beau coin qui s'appelle "La Torche", dans le Finistère - et que je vous recommande chaudement d'aller visiter si vous en avez l'occasion. le premier narrateur, Gérard, y est descendu à l'Hôtel des Vagues. Comme c'est l'été, il y a là beaucoup de vacanciers, des jeunes essentiellement, la bande "straight".

Gérard noue connaissance avec Christel - une Romantique revue à la sauce moderne car nous sommes dans l'immédiate après-guerre. Celle-ci se veut un personnage à l'Emily Brontë, entière, pleine de mépris pour qui ne l'est pas, etc, etc ... Ils vont se promener au clair de lune et c'est là d'ailleurs que Gracq commence à comparer les plages bretonnes aux blancheurs sahariennes ! (Au début, ça m'a estomaquée. Mais comme il continue tout au long du roman, ça a vraiment fini par m'énerver ! ...)

Puis arrive un couple, Allan Murchison et sa maîtresse, Dolorès. Déjà, quand ils pénètrent pour la première fois dans le restaurant, le ton est donné : les gens s'arrêtent de bavarder tant ils sont beaux. Avec ça, Allan a déposé un million de francs - en liquide - dans le coffre de l'hôtel : c'est vous dire le statut et que ce soit le dernier million d'Allan ne change rien à l'affaire.

Non seulement Allan est beau mais en plus, il est Romantique - avec la majuscule, c'est-à-dire que déjà, enfant, il n'y avait qu'une seule chose qui l'attirait : la Mort. A lire les descriptions de son séjour en pension, on évoque le Steerforth de Dickens - mais "Un beau ténébreux" n'est pas "David Copperfield", hélas !

Donc, on comprend très, très vite que - pour des raisons que je n'ai pas saisies car enfin, se compliquer autant l'existence que le fait cet Allan, franchement, on ne peut le faire que si on n'a pas d'autres soucis - le "Beau Ténébreux" a choisi l'Hôtel des Vagues pour marquer son mépris absolu de tous et de tout en se suicidant. (Il choisit, pour se trucider, un mode assez peu viril à mon sens mais très Romantique : il s'empoisonne.)

Il y a de superbes descriptions de paysages (hormis les visions sahariennes, je n'ai rien contre) et beaucoup d'intériorisation avec des passages sur le christianisme et Jésus. le style est remarquable même si Gracq donne parfois l'impression - un peu comme Huysmans - de trop rechercher l'adjectif non pas rare mais inattendu pour obtenir un effet de décalage forcé avec le substantif.

Seulement, le problème, avec un style pareil, c'est qu'il faut lui donner des personnages et une histoire à sa mesure, toute en recherche de la perfection classique. Or, tel n'est pas le cas dans "Un Beau Ténébreux" dont les personnages et la trame s'oublient aussitôt qu'on a refermé les pages de l'ouvrage.

Ce roman m'a évoqué l'univers de Delly, celui de Sagan et, également, celui de Mauriac ou de Julien Green. Avec cette différence, pour moi flagrante, que tous ces auteurs, chacun dans un genre différent, parviennent à des dialogues naturels. A l'opposé, les personnages de Gracq souffrent d'un manque total de naturel et cela n'est jamais aussi apparent que dans les dialogues. A haute voix, c'est encore pire : on dirait que le romancier s'écoute écrire !

Vraiment, je suis déçue par ce roman qui m'a paru superficiel et rien que cela, mais je le suis tout autant par ma propre réaction. Difficile à comprendre mais c'est ainsi ... ;o)
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Après le château d'Argol, roman monolithique dans son élégante noirceur, Gracq joue des contrastes. Son théâtre est maintenant un hôtel balnéaire à l'affiche commerciale, l'Hôtel des Vagues, où la bande « straight » s'offre deux mois de vacances et les divertissements convenus : bains, golf, soirée dansante, bal masqué, échecs, jeux d'argent. Aussi la rêverie baudelairienne : « L'orchestre jouait Stormy Weather et je me suis senti soudain un incroyable vague à l'âme. Goût d'une ville d'Asie dévalant sur les eaux dans le fouillis de ses jonques, comme la cale d'un port dans sa crème de bouchons et de bois flottés, clapotante au soleil du soir avec la marée, le labyrinthe de ses toits, de ses mâts, de ses vérandas branlantes, ses parfums tout puissants où se résout l'effort de vivre — ses parfums noirs. Les parfums : Une des rares choses qui pour moi enrichissent la vie. L'incroyable timidité de notre civilisation devant les odeurs. Un parfum de grand couturier : à cela seul on peut mesurer l'amaigrissement de la sensualité moderne. Il faut toute l'épaisseur de la tradition catholique pour imposer encore sans scandale un arôme aussi corpulent, d'une présence aussi assurée que celui de l'encens » (p 48-49). (Lire aussi « la rumeur de voyage » p 121, trop longue pour être citée).

Surviennent Allan, le coeur du récit, et sa parèdre Dolores « cette femme d'une si rare, d'une si extravagante beauté » (p 75) dont nous ne saurons rien, et la promenade prémonitoire au château de Roscaër, réminiscence d'Argol où commencent le mystère et la prise de risque. Mystère pour les comparses, car le lecteur reçoit toute une série d'avertissements, le calendrier, le révolver, le costume tâché de sang, la mortelle perfection d'un Allan érotisé qui excelle en tout, échecs, piano, sports, pilotage, culture, perspicacité, tous les indices d'une « sortie héroïque » quand les autres, dont le rédacteur du journal, sont des admirateurs aveuglés : « C'était sur cette sauvage esplanade, toute crépitante au matin gris des décharges marines, comme le lit d'une femme qui se retourne après la nuit, lourde et fatiguée, que j'avais donné rendez-vous à Allan. Comme sept heures sonnaient, je le vis venir de loin par le bord de la mer, longue silhouette nonchalante, élégante — insolite de vivacité dans le matin blême. Un demi-sourire ironique sur les lèvres tandis qu'il m'abordait : j'avais en face de moi, fermé, désinvolte et tendu, le joueur de poker décidé à mener jusqu'au bout ses chances » (p 173).

À l'aise dans les ambiances incertaines, les mouvements d'humeur du ciel et de la mer, la confidence, les correspondances, en fait dans le poème en prose, trop généreux dans les citations, Gracq est curieusement maladroit dans le dispositif romanesque. le journal de Gérard constitue les trois quarts du livre, chargé de longues lettres et de dialogues où les interventions d'Allan — et celles de Gérard soi-même — dépassent largement la page, avant de s'interrompre abruptement p 192 (« Ici finit le journal de Gérard »), pour laisser place au narrateur omniscient, sans doute pour s'approcher au plus près du suicide attendu. Gracq trouvera sa dimension romanesque dans le Rivage des Syrtes avant de se consacrer à la nouvelle, à l'analyse, à la critique.
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L'argument du roman est faible et toujours développé à zéro à l'heure comme dans " le rivage des Syrtes". Mais, ici les belles phrases et le maniement parfait de la langue française qui font le bonheur du lecteur dans "Le rivage des Syrtes" sont noyés dans des digressions à n'en plus finir qui ressemblent fort à un étalage de culture générale artistique voire même à de la pédanterie. Et, je me suis ennuyé à cette lecture qui renvoie à une forme de composition ultra surannée.
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Beau ? Je ne saurais dire car l'auteur ne s'étend pas sur le physique d'Allan. Ténébreux ? Alors là oui ! Cet aspect de l'énigmatique Allan est développé à profusion, de la perception qu'en ont les autres personnages jusque dans ses mémorables discours. Doté d'une personnalité sombre mais magnétique, il arrive comme un cheveu sur la soupe et viens chambouler les habitudes d'un groupe de jeunes gens ayant développé une complicité lors de leur séjour dans un lieu de villégiature au bord de la mer. Le roman m'a semblé avant tout psychologique, explorant la dynamique du groupe de personnages. Ces camarades s'échangent des propos d'une profondeur inouïe. Il y a peu d'action, mais c'est très intense. La lecture est un peu ardue ; l'écriture de Julien Gracq, que je découvre avec ce livre, est cérébrale, d'un niveau relevé et hautement poétique. L'histoire m'a plu et je ressors admiratif de cette lecture.
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Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
Nous avons souvent parlé de littérature et vous vous rappelez, je pense la rencontre de Juliette et de Roméo :

What lady's that,which doth enrich the hand

Of Yonder Knight

C'est, n'est-ce pas, l'exemple classique, exceptionnel, du coup de foudre. Mais il y a toujours un coup de foudre. Mais je pense que sur un plan qui n'est pas forcément tragique, qui souvent est bien loin d'être tragique, le premier coup d'oeil qu'échangent deux êtres, certaine inflexion de voix qui s'impose à eux, aussi insidieuse, aussi fatale qu'une inspiration de poète, les engage pour jamais, pour le meilleur et pour le pire – ou pour l'indifférence complète.

Les journaux sportifs parlent quelque fois du "signe indien", celui qui dès la première rencontre entre deux athlètes établit pour toujours entre eux une hiérarchie secrète, une fascination de la défaite inévitable, une défaillance subite de l'espoir. "A quoi bon?" c'est joué d'avance – ce sera ainsi – ce sera toujours ainsi. Celui-ci sera un jouet pour que je m'en amuse, – sur celui-ci je serai roi, à cette connaissance de hasard je devrai rendre compte de mes actes comme l'intendant à son maître et les plus assurées de mes actions, je les sentirai creuses si elles ne reçoivent le sceau de son regard, d'un certain coup d'oeil qui me met le coeur à l'aise. – Celui-ci est un puissant de la terre, mais je n'en parlerai jamais sans une pointe de dérision qui lui percerait le coeur, s'il savait. Ce potentat dans mon code secret, se déchiffre bouffon, ce tâcheron prince. Celui-ci est un invisible – à jamais mon regard le traversera comme une vitre – il parle, mais il est à cent lieues, – un certain froncement de sourcil à son approche l'a rayé de mon univers.

- Et le jugement serait sans appel?

- Il n'a jamais d'appel. Personne ne songe à en faire. Quelle question pourrait jamais formuler l'inexprimable? D'ailleurs, ce serait à faire périr de honte, l'humilité ne descend pas jusque là. Chacun connaît d'instinct ce jeu de massacre et chacun le respecte, et, c'est assez remarquable, s'en sent même obscurément ennobli. Chacun jonche sa route de cadavres et de dieux, et personne ne ressuscite, et la Bible même veut que l'archange ne puisse tomber qu'en gardant son imprescriptible couronne.
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Ce matin tout à coup, en me levant, j'ai senti au plein coeur de l'été, comme au coeur d'un fruit la piqûre du ver dont il mourra, la présence miraculeuse de l'automne. c'étaitsur cette journée, douce, chaude encore, à la merveilleuse lumière voilée ( mais je ne sais quoi d'un peu atténué, d'un peu lointain: cet affinement vaporeux d'un beau visage aux approches de la consomption) un grand flux d'airrais, régulier, salutaire...
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Qui est vraiment capable de se convertir, il possède un grand pouvoir. J'envisage essentiellement ce pouvoir comme étant celui de se retourner, de prendre conscience d'un coup d'oeil des ornières tracées, celles que l'homme normal continuera jusqu'au dernier fossé sans plus s"en sentir l'esclave que le boeuf de labour, - de briser les rênes d'une vie tant bien que mal cohérente qui le maintiennent et le ligotent. Qui a le courage de rompre avec tout ce qu'il a fait, avec tout ce qui l'a fait, au point que la continuité de la personnalité rompue, il ne sache plus, mais plus du tout ce qu'encore à nouveau il peut être, ce ne peut être sans doute qu'un héros, et c'est peu dire.
(p. 157, éd José Corti, 1972)
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La fenêtre s'ouvre sur une nuit de lune trop belle, une nuit insomnieuse, alarmée de souffles inhabituels, une turbulence silencieuse, de corolles blêmes, une nuit pleine de présages, où les fleurs bougent.
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La traversée d'une forêt, je n'ai jamais pu m'imaginer autrement l'approche d'un pays de légende. Il me semble qu'après elle la vision se décape, devient autre, que les champs découverts étincellent plus tendrement, plus doucement, dans la lueur levée derrière ce crépuscule des branches.

[Juilen GRACQ, "Un beau Ténébreux", 1945, librairie José Corti, page 73 -- extrait cité dans l'article "La mythologie de la forêt dans l'oeuvre de Juliuen Gracq" de Marc Eigeldinger, pages 236-245, "Cahier de L'Herne numéro 20 : Julien Gracq", L'Herne/Fayard, 1972, 1997, 406 pages]
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Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
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