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Critique de lalahat


La phrase est un peu longue, mais tellement bien rythmée! le choix des mots révèle l'amour que porte Julien Gracq à la langue. On se laisse d'emblée happer par le charme un peu désuet de sa poésie. Dans une ville balnéaire à l'automne, le fantomatique narrateur traîne sa mélancolie. Les premières lignes offrent une sorte de travelling aux couleurs pastel qui part de la plage pour emprunter les avenues qui s'enfoncent dans les pins. L'écriture est très cinématographique, mais sans "chabadabada". L'atmosphère devient vite angoissante.
Julien Gracq situe son roman à Kérantec, toponyme imaginaire, mais évidemment en Bretagne. C'est le journal de Gérard qu'il nous livre, après le magnifique prologue, du 29 juin au 24 août. Gérard a un double féminin : Christel. A l'hôtel des Vagues, ils observent un groupe de jeunes gens turbulents, ils contemplent la plage du haut de la fenêtre de sa chambre pour l'un, et de son balcon pour l'autre, tel Palomar d'Italo Calvino qui de sa terrasse assiste au spectacle du monde. Leur attention va se trouver focalisée sur un homme extraordinaire, Allan. L'imminence d'une catastrophe est très vite annoncée. Comme dans les tragédies grecques, la course vers la mort ne peut être empêchée.
L'écriture de Julien Gracq dévoile un être au tempérament de feu sous une apparente retenue, elle est très sensuelle et s'attache par exemple souvent à décrire les parfums ambiants. Elle est aussi très sensible et pleine d'une poésie mélancolique. Au prétexte de souvenirs évoqués par son personnage, il confie, comme un secret, l'attachement qu'il a conçu pour un site des bords de Loire qu'il contemple du train, à son passage entre Angers et Nantes. On devine une grande part de projection de l'auteur et de son vécu intime dans ces pages de fiction. Il s'agit de son deuxième roman seulement, publié en 1945. le beau ténébreux, c'est bien évidemment Julien Gracq lui-même.
Le roman semble porter l'héritage des auteurs fin de siècle et baigne dans une atmosphère très sombre, souvent onirique. Les personnages, sans qu'on sache pourquoi, sont sur le fil du rasoir, au bord d'un gouffre. Quel profond désenchantement a pu dicter ces lignes d'où émane pareille désillusion? Sont-ce les effets de la guerre encore récente?
Aucun suspense ne soutient le récit puisque la fin est clairement énoncée au travers de rêves et de prémonitions des personnages. Si l'ouverture du roman est superbe, la troisième partie en revanche est plutôt pesante et grandiloquente. Elle est certainement moins appréciée du lecteur moderne.
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