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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
L'argument du roman est faible et toujours développé à zéro à l'heure comme dans " le rivage des Syrtes". Mais, ici les belles phrases et le maniement parfait de la langue française qui font le bonheur du lecteur dans "Le rivage des Syrtes" sont noyés dans des digressions à n'en plus finir qui ressemblent fort à un étalage de culture générale artistique voire même à de la pédanterie. Et, je me suis ennuyé à cette lecture qui renvoie à une forme de composition ultra surannée.
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Peut-être vais-je me faire huer mais tant pis : il faut avoir le courage de ses opinions et on ne peut pas tout aimer. Peut-être aussi ai-je trop de goût pour les morceaux de bravoure et les fresques en tous genres pour être à même de savourer comme il se doit ce genre d'intrigues plus que ténues.

Car je suis désolée : l'intrigue d'"Un Beau Ténébreux" est si ténue qu'on peine à l'apercevoir. Ca se passe en Bretagne, dans un très beau coin qui s'appelle "La Torche", dans le Finistère - et que je vous recommande chaudement d'aller visiter si vous en avez l'occasion. le premier narrateur, Gérard, y est descendu à l'Hôtel des Vagues. Comme c'est l'été, il y a là beaucoup de vacanciers, des jeunes essentiellement, la bande "straight".

Gérard noue connaissance avec Christel - une Romantique revue à la sauce moderne car nous sommes dans l'immédiate après-guerre. Celle-ci se veut un personnage à l'Emily Brontë, entière, pleine de mépris pour qui ne l'est pas, etc, etc ... Ils vont se promener au clair de lune et c'est là d'ailleurs que Gracq commence à comparer les plages bretonnes aux blancheurs sahariennes ! (Au début, ça m'a estomaquée. Mais comme il continue tout au long du roman, ça a vraiment fini par m'énerver ! ...)

Puis arrive un couple, Allan Murchison et sa maîtresse, Dolorès. Déjà, quand ils pénètrent pour la première fois dans le restaurant, le ton est donné : les gens s'arrêtent de bavarder tant ils sont beaux. Avec ça, Allan a déposé un million de francs - en liquide - dans le coffre de l'hôtel : c'est vous dire le statut et que ce soit le dernier million d'Allan ne change rien à l'affaire.

Non seulement Allan est beau mais en plus, il est Romantique - avec la majuscule, c'est-à-dire que déjà, enfant, il n'y avait qu'une seule chose qui l'attirait : la Mort. A lire les descriptions de son séjour en pension, on évoque le Steerforth de Dickens - mais "Un beau ténébreux" n'est pas "David Copperfield", hélas !

Donc, on comprend très, très vite que - pour des raisons que je n'ai pas saisies car enfin, se compliquer autant l'existence que le fait cet Allan, franchement, on ne peut le faire que si on n'a pas d'autres soucis - le "Beau Ténébreux" a choisi l'Hôtel des Vagues pour marquer son mépris absolu de tous et de tout en se suicidant. (Il choisit, pour se trucider, un mode assez peu viril à mon sens mais très Romantique : il s'empoisonne.)

Il y a de superbes descriptions de paysages (hormis les visions sahariennes, je n'ai rien contre) et beaucoup d'intériorisation avec des passages sur le christianisme et Jésus. le style est remarquable même si Gracq donne parfois l'impression - un peu comme Huysmans - de trop rechercher l'adjectif non pas rare mais inattendu pour obtenir un effet de décalage forcé avec le substantif.

Seulement, le problème, avec un style pareil, c'est qu'il faut lui donner des personnages et une histoire à sa mesure, toute en recherche de la perfection classique. Or, tel n'est pas le cas dans "Un Beau Ténébreux" dont les personnages et la trame s'oublient aussitôt qu'on a refermé les pages de l'ouvrage.

Ce roman m'a évoqué l'univers de Delly, celui de Sagan et, également, celui de Mauriac ou de Julien Green. Avec cette différence, pour moi flagrante, que tous ces auteurs, chacun dans un genre différent, parviennent à des dialogues naturels. A l'opposé, les personnages de Gracq souffrent d'un manque total de naturel et cela n'est jamais aussi apparent que dans les dialogues. A haute voix, c'est encore pire : on dirait que le romancier s'écoute écrire !

Vraiment, je suis déçue par ce roman qui m'a paru superficiel et rien que cela, mais je le suis tout autant par ma propre réaction. Difficile à comprendre mais c'est ainsi ... ;o)
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Après le château d'Argol, roman monolithique dans son élégante noirceur, Gracq joue des contrastes. Son théâtre est maintenant un hôtel balnéaire à l'affiche commerciale, l'Hôtel des Vagues, où la bande « straight » s'offre deux mois de vacances et les divertissements convenus : bains, golf, soirée dansante, bal masqué, échecs, jeux d'argent. Aussi la rêverie baudelairienne : « L'orchestre jouait Stormy Weather et je me suis senti soudain un incroyable vague à l'âme. Goût d'une ville d'Asie dévalant sur les eaux dans le fouillis de ses jonques, comme la cale d'un port dans sa crème de bouchons et de bois flottés, clapotante au soleil du soir avec la marée, le labyrinthe de ses toits, de ses mâts, de ses vérandas branlantes, ses parfums tout puissants où se résout l'effort de vivre — ses parfums noirs. Les parfums : Une des rares choses qui pour moi enrichissent la vie. L'incroyable timidité de notre civilisation devant les odeurs. Un parfum de grand couturier : à cela seul on peut mesurer l'amaigrissement de la sensualité moderne. Il faut toute l'épaisseur de la tradition catholique pour imposer encore sans scandale un arôme aussi corpulent, d'une présence aussi assurée que celui de l'encens » (p 48-49). (Lire aussi « la rumeur de voyage » p 121, trop longue pour être citée).

Surviennent Allan, le coeur du récit, et sa parèdre Dolores « cette femme d'une si rare, d'une si extravagante beauté » (p 75) dont nous ne saurons rien, et la promenade prémonitoire au château de Roscaër, réminiscence d'Argol où commencent le mystère et la prise de risque. Mystère pour les comparses, car le lecteur reçoit toute une série d'avertissements, le calendrier, le révolver, le costume tâché de sang, la mortelle perfection d'un Allan érotisé qui excelle en tout, échecs, piano, sports, pilotage, culture, perspicacité, tous les indices d'une « sortie héroïque » quand les autres, dont le rédacteur du journal, sont des admirateurs aveuglés : « C'était sur cette sauvage esplanade, toute crépitante au matin gris des décharges marines, comme le lit d'une femme qui se retourne après la nuit, lourde et fatiguée, que j'avais donné rendez-vous à Allan. Comme sept heures sonnaient, je le vis venir de loin par le bord de la mer, longue silhouette nonchalante, élégante — insolite de vivacité dans le matin blême. Un demi-sourire ironique sur les lèvres tandis qu'il m'abordait : j'avais en face de moi, fermé, désinvolte et tendu, le joueur de poker décidé à mener jusqu'au bout ses chances » (p 173).

À l'aise dans les ambiances incertaines, les mouvements d'humeur du ciel et de la mer, la confidence, les correspondances, en fait dans le poème en prose, trop généreux dans les citations, Gracq est curieusement maladroit dans le dispositif romanesque. le journal de Gérard constitue les trois quarts du livre, chargé de longues lettres et de dialogues où les interventions d'Allan — et celles de Gérard soi-même — dépassent largement la page, avant de s'interrompre abruptement p 192 (« Ici finit le journal de Gérard »), pour laisser place au narrateur omniscient, sans doute pour s'approcher au plus près du suicide attendu. Gracq trouvera sa dimension romanesque dans le Rivage des Syrtes avant de se consacrer à la nouvelle, à l'analyse, à la critique.
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Un beau ténébreux, Julien Gracq, Editions Corti, publication originale 1945

***

La vie, selon Gracq, est une fête… sans lendemain.
Formellement, le texte se présente comme un portrait psychologique rétrospectif. L'histoire, elle, en soi assez convenue, tient dans l'archétype du beau ténébreux dans la littérature européenne. Elle se présente, sans surprise ni coup de théâtre, pour ce qu'elle est. Dans la poétique romanesque gracquienne, l'économie dramatique, la temporalité et le rythme sont comme abolis, relégués derrière l'imagerie romantique de la noirceur désirable et derrière la force d'aimantation d'un seul être.

Une bande d'estivants fortunés brûle la vie par les deux bouts dans une station balnéaire quelque part en Bretagne, multipliant les plaisirs faciles de la haute société, sans pour autant chasser l'ennui. le casino, les soirées mondaines, la baignade et le golf n'y changeant rien, ce qui sort vraiment de l'oisiveté la « bande straight » c'est la séduction trouble exercée par l'arrivée d'Allan Murchison indifféremment sur les deux sexes. Si bien que ce paradis élitiste de happy few intronise ce dandy néo-arrivant chef de file, l'échine courbée à renforts de génuflexions devant les poncifs de la supériorité et du magnétisme inégalables. Et, ces singulières vacances sans fin se prolongent au-delà du raisonnable dans les écumes froides de septembre, personne ne parvenant à se défaire de son charme spongieux.

Ce qui tient du prodigieux en revanche, c'est la scénographie qui ordonne les bruissements de la géographie et des corps, laquelle semble devoir suppléer une trame cousue de fil blanc dans les Ténèbres : un style somptueux étourdissant de lyrisme qui porte jusque sur la rive droite du Tibre dans le château de Saint-Ange offrant son triste final à la Tosca, des descriptions qui tiennent de la révélation de mystères sacrés ou de l'éloge de la Mer, l'espace clos de l'Hôtel des Vagues haut lieu de la vacuité propice à la disponibilité des personnages à vivre le drame annoncé !

Une fois ce decorum posé, la surprésence du symbolisme romantique (rêveries lasses et désenchantées des personnages, décompte des heures usées sans but, contemplation du fracas des vagues, vision du bûcher du poète Shelley, inconstance de la lune The inconstant moon qui alarme Roméo chez Shakespeare…) conduit inéluctablement à l'exaltation du désordre et des grandes passions. S'ennuager dans le monotone ou rêver d'en extraire l'extraordinaire ? Sans avoir cure du lendemain, l'incandescence et l'enivrement font salle comble une saison entière.

Les portes de l'imagination et de l'intertextualité sont laissées ouvertes et ballantes au lecteur, qui de description n'aura que celle du paysage. Il est libre de se représenter le personnage éponyme… d'y voir un successeur digne dans le mystérieux visiteur du Théorème (Teorema) de Pier Paolo #Pasolini qui bouleverse un à un les membres d'une famille bourgeoise italienne et les condamne par son départ à un dérèglement de tous les sens … ou d'y trouver un illustre prédécesseur dans le personnage de Julien Sorel jouissant par avance de son exécution. Bénédiction accordée par Stendhal.

Gracq donne ainsi à lire une conception tragique de l'existence humaine frappée de désenchantement, menée par une poétique de l'abjection et de la déviance «Le diable c'est toujours l'oblique ».
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Livre envoûtant, assez mystérieux, d'inspiration (presque) proustienne, où l'inspiration littéraire de ce qui nourrira plus tard ses prochains écrits se lit déjà en germe. Bien qu'articulé autour d'une intrigue, le livre, axé sur la notion d'attente, (comme la plupart de ses écrits) emprunte déjà une impersonnalité que l'on retrouvera dans ses ouvrages de maturité. C'est un ouvrage à aborder (à mon sens) lorsqu'on a déjà lu les chefs d'oeuvre de Gracq, notamment « Le rivage de Syrtes » ou « Un balcon en forêt », parce que le recul et le compagnonnage préalable de l'auteur permettent sans doute de mieux en saisir la pertinence littéraire.
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On pourrait caractériser ce roman par la fameuse formule "le mieux est l'ennemi du bien", ou encore par celle-ci "entre le trop et le trop peu est la juste mesure".

Car il s'agit bien d'un roman trop écrit, comme on en trouve bien peu. Non que la prose soit mauvaise, bien au contraire ! Julien Gracq excelle dans l'art de la comparaison, dans l'exercice de la métaphore, et plus d'une de ses formules est magistrale ! Mais à vouloir trop décrire, trop comparer, trop illustrer par mille images dans chacune de ses phrases, à vouloir associer mille qualificatifs à chaque idée, on peut vite décrocher dans la lecture et on peut assez facilement, dans les 200 premières pages, passer à côté de l'intrigue qui est en train de s'installer. Quand l'écriture voile le fond de l'histoire, quand le style distille le propos...

La forme y est également pour beaucoup, et le choix d'une écriture de journal intime, pour les 200 premières pages, n'aide guère : le personnage se perd souvent dans des réflexions à n'en plus finir, ce qui n'aide pas à cerner où l'auteur veut nous mener. Seules les 50 dernières pages se détachent du roman - la prose retourne à une narration de type troisième personne offrant la possibilité d'aller et venir de personnages en personnages. Plus captivant, et bien plus clair. On regrette que tout le roman n'ait pas été écrit entièrement ainsi, d'autant que l'intrigue se tient et qu'elle aurait pu être, du début à la fin, vraiment très passionnante (si tant est que l'auteur eut fourni quelque autre élément pour mieux comprendre les actes et choix des personnages).
Quand à la fin, je ne dis rien.
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J'avais lu il y a plus de 20 ans, le rivage des Syrtes - dont il ne me reste aujourd'hui que la beauté du titre et une vague impression d'une ambiance étrange et poétique - et un balcon en forêt, sorte de frère ardennais du Désert des Tartares de Dino Buzzati et où là encore subsistait une ambiance poétique et étrange. Ici j'ai retrouvé cette ambiance quasi onirique - Gracq a été en relation avec André Breton et donc le surréalisme - et ai été impressionné par une puissance poétique - à la fois juste et audacieuse, rare, que je trouve chez un Giono - à décrire, évoquer, l'ambiance de lieux balnéaires "en début de saison"(estivale) et "hors saison" (l'automne) qui se situeraient quelque part en Bretagne (mais que je ne suis pas parvenu à situer, justement, bien que connaissant ma région. On a parlé de la Torche. Est-ce donc la région de Concarneau ? Mais j'ai pensé tour à tour à la Baule - plus proche des lieux de vies de Gracq -, à la presqu'île de Crozon..).
Mais alors , l'histoire, l'intrigue.. les relations, via les dialogues, entre les personnages ..! Incompréhensibles (pour moi), pas réalistes ("sur-réalistes ?), pas "naturels".. Qu'a voulu raconter Gracq ? Est-ce la manière dont il a tenté de décrire la préparation - en se mêlant étrangement à d'autres et dans des lieux qui ne sont pas de son "standing" - préméditée du suicide d'un personnage fort, romantique à la façon d'un Dorian Gray ? J'avoue que je n'ai pas compris et que je n'ai tenu cette lecture que dans l'espoir de savourer les descriptions poétiques de ces atmosphères de "vacances" (vacances de l'âme aussi) face aux rivages (des Syrtes), descriptions qui sont présentes essentiellement au début et à la fin du roman, mais dans ces passages, quel talent, quelle originalité ! Tout ça pour ça, ai-je envie de dire, d'où mon appréciation très mitigée. Je suis passé à côté de la probable véritable intention (ou influence ?) de l'auteur : le surréalisme et, comme l'explique Chabybde2 (ici), " sur la possibilité, théorique et pratique, de changer de vie, de laisser entrer le hasard dans la nécessité", ce que dit aussi pleasantf (un autre "collègue" de Babelio) : " une façon pour Gracq de montrer comment des personnages se retrouvent en situation d'échapper à la toile d'araignée de la vie non romanesque, comment ces personnages sont placés face à la tentation de l'évènement , face à l'exaltation d'une autre vie".
Comme dans les 2 autres livres de Gracq, ce qui me restera, peut-être, c'est le vague souvenir d'une atmosphère mélancolique, poétique, d'un spleen romantique.
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Le style formidable est toujours, par contre l'histoire ne m'a pas attirée plus que ça, mais ça reste du Gracq, un chef d'orchestre du vocabulaire Français.
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