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Martin Rueff (Autre)Maxime Rovere (Traducteur)
EAN : 9782743660055
416 pages
Payot et Rivages (17/05/2023)
3.6/5   5 notes
Résumé :
« Ce qui unit les essais de ce livre n’est rien de moins qu’un idéal utopiste. » (David Graeber)
Ces pensées sur l’origine de notre désarroi actuel, sur l’origine du capitalisme, la démocratie, l’anarchisme et le désir, ouvrent des fenêtres sur d’autres formes possibles d’existence sociale. Comment le capitalisme s’est-il imposé au point de paraître naturel ? Les possibilités humaines sont toujours plus vastes que ce que nous imaginons. En quatre essais novat... >Voir plus
Que lire après Possibilités : Essais sur la hiérarchie, la rébellion et le désirVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Bien que je n'aie pas vraiment trouvé « La Rébellion » mentionnée dans le sous-titre de ce recueil, j'ai quand même apprécié cette lecture. Elle est assez ardue et pourtant très inspirante.

Ardue et érudite parce que David Graeber était avant tout un anthropologue et qu'il faut se mettre « au niveau » de son vocabulaire et de ses pensées complexes. Parce que l'anthropologie est une discipline qui convoque la plupart des sciences humaines : Ethnologie, Histoire, Sociologie, Science Politique, Psychologie, Linguistique... Graeber, militant anarchiste, veut nous démontrer ici que le capitalisme n'est pas insurpassable, ni universel, comme une majorité des penseurs d'aujourd'hui voudraient nous le faire croire.

A partir de quatre grandes thématiques : La hiérarchie (relations d'évitement ou de « plaisanterie »), la consommation (désir et consumérisme), les modes de production matérielle et sociale (esclavage et salariat), et enfin le fétichisme (créativité et contrat social), il décrit les structures à l'origine du capitalisme.
Puis il démontre et démonte le système actuel, fondé sur l'aliénation de cette humanité qui est la nôtre, ainsi que sur la destruction cyclique de ses propres créations et productions. Et cette possibilité même (celle du titre) lève un voile, jusqu'ici opaque, et prouve que l'utopie, donc l'anarchie, est comme un espoir.

C'est peut-être ça, alors, la Rébellion : la prise de conscience des possibles et l'action consécutive, car les potentialités humaines sont plus grandes que nous le supposons et un jour peut-être, nous changerons de paradigme pour un monde meilleur.

Allez, salut.

P.S. : Je remercie les éditions Payot-Rivages et la merveilleuse M.C.B. pour cet enrichissant cadeau.

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Merci aux maisons d'édition, en l'occurrence ici, Rivages, qui acceptent les sollicitations de Babelio et participent aux opérations Masse Critique.

Avant de commencer le livre, je vous suggère de lire l'instructive postface de l'un des traducteurs, Martin Rueff, car elle éclaire et recadre le travail de David Graeber. Celui-ci fait de la philosophie à partir de la discipline qu'il a choisi, l'anthropologie, « parce qu'elle ouvre des fenêtres sur d'autres formes possibles d'existence humaine sociale, parce qu'elle peut servir à garder à l'esprit que la plupart des choses dont nous considérons qu'elles n'ont jamais évolué jusqu'à aujourd'hui, ont été, en d'autres temps et en d'autres lieux, configurées de manière complètement différentes, et, par conséquent, que les possibilités humaines sont presque toujours plus grandes que celles que nous imaginons d'ordinaire» (p. 7, et repris p. 302). L'anthropologie, écrit M. Rueff, « est la discipline qui, plus que tout autre, s'applique à étudier la manière dont les sociétés et les individus inventent les institutions du sens ». Graeber trouve dans l'anthropologie politique, le moyen de s'extraire, d'aller voir dans des cultures et des sociétés hors des sphères européennes et anglo-saxonnes ; pratiquer « le grand pas de côté » (p. 303), l'éloignement, et le traducteur d'inventer cette belle image, « entreprendre de voyager pour ne pas se mêler de philosopher » (p. 303), soit une philosophie, qui, n'étant pas technique ou pure scolastique, invente des possibles, « un idéal utopiste » dit Graeber (p. 9).

A travers ces quatre essais, Graeber réinterroge des concepts marxistes (mode de production, fétichisme de la marchandise), et il utilise à cette fin les travaux de nombreux collègues et chercheurs, certains non traduits en français, Campell, Culianu, des auteurs classiques, Hegel, Spinoza, ou d'autres, moins inconnus pour nous : Alain Caillé, Marcel Mauss, John Holloway, Giorgio Agamben.
Si l'ouvrage m'a semblé par moments ardu – les phrases sont parfois longues, et l'anthropologie euh !! est une nouveauté pour moi [c'est l'intérêt des opérations Masse Critique !]- sa lecture procure, allez disons le, le plaisir de l'émulation intellectuelle, surtout si les possibles pour inventer autre chose que le monde actuel est ce qui vous motive.

Dans ce premier essai, dont le sous titre donne l'ambition, « éléments pour une théorie générale de la hiérarchie », David Graeber s'intéresse aux comportements et aux coutumes qui encadrent les relations sociales et établissent des hiérarchies, s'interrogeant sur les qualités et la justesse de ces hiérarchies. [Sont très intéressantes ces pages où utilisant deux catégories d'ethnographie, les relations de plaisanterie et d'évitement, il évoque les corps, leur coupure ou leur inscription dans le monde, la standardisation des relations sociales et l'intériorisation des principes de bonne conduite - cela au détriment des cultures populaires, fêtes et carnavals par exemple]. Hiérarchies, qui écrit-il ne sont pas éternelles, et ne sont pas des structures inévitables.

Dans le second, il s'interroge sur l'idée de consommation, et au-delà sur le désir comme essence de l'être humain. Critiquer le consumérisme ne l'intéresse pas, il se demande simplement pourquoi toute conduite relèverait de la consommation et de pratiques de consommateurs. Ceux-ci ne seraient que des créations artificielles manipulées ? Certains ne créeraient-ils pas leurs identités à partir de significations qu'ils se donneraient à partir de produits dont ils choisissent de s'entourer ? (p. 111) [on retrouve ici l'importance pour David Graeber de la créativité, et qu'on retrouvera ailleurs dans le livre]. Si l'activité humaine est, quand elle n'est pas travail, de consommer des choses, qu'est-ce qu'alors que le désir humain et sa satisfaction ? Il faut pourtant sortir du schéma production/consommation, car la consommation comme idéologie, nous fait oublier que la vie sociale est avant tout construction mutuelle d'êtres humains.

Dans le troisième, il reprend le concept de « mode de production », concept pour lui peu élaboré et tombé comme en désuétude. Il entend l'utiliser autrement que dans une classique forme économique (créer de la plus-value matérielle), mais essentiellement comme une manière de façonner les êtres humains, un moyen d'accomplissement. En dehors d'un système voué à l'accumulation de richesses et de croissance du PIB, les modes de production produisent à part égale, en plus des objets matériels, des personnes et des relations sociales via des processus d'action. Si l'on réduit ces processus d'action en objets distincts, on permet de les réduire à une propriété, et d'affirmer qu'on possède des objets, mais aussi des hommes. Graeber insiste sur la proximité entre esclavagisme et capitalisme, le second étant une transformation du premier.

Enfin, les fétiches sont le sujet du quatrième essai. Ici aussi l'auteur veut aller plus loin que Marx : partant des mêmes points, la créativité et l'imagination comme essence de ce qui signifie être un humain, Graeber s'intéresse non pas tant à ce qu'elles peuvent produire, mais à leur rôle dans le « changement social radical ». Pour ce qui s'invente, nouvelles institutions, nouvelles relation sociales, Graeber s'inspirant des travaux de William Pietz (publié aux éditions de l'éclat) utilise l'anthropologie pour analyser la manière dont ces nouveautés apparaissent, et notamment le fétichisme. A savoir, comment un objet matériel se transforme pour devenir un objet de désir ou de valeur. Mais ces objets peuvent aussi servir à autre chose, et cela dans un système en constante transformation : tout acte de créativité sociale, n'est pas figé, et donc, non mesurable. Ces objets « apparemment fixes font en réalité partie d'un processus continu de construction ». Attention à ce qu'ils ne se figent ! et ne deviennent des dieux !
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Possibilité regroupe quatre essais de David Graeber. En 300 et quelques pages, ce livre poche permet d'avoir une vue d'ensemble de certains des thèmes explorés par l'anthropologue.
Pour moi, c'était une première introduction à la pensée de Graeber. J'ai apprécié de pouvoir le faire dans un livre court, bien organisé et proposant des versions synthétiques de théories développées plus largement par l'auteur ailleurs. Chaque essai est structuré en plusieurs parties annoncées, ce qui rend le propos plus facile à suivre. le tout s'accompagne d'abondantes notes explicatives et/ou bibliographiques qui laissent la possibilité d'aller approfondir la réflexion par d'autres lectures. le langage clair et le ton parfois malicieux de Graeber m'ont aussi plu. Pour quelqu'un comme moi qui a très peu lu d'ouvrages d'anthropologie, il est toujours agréable de ne pas se retrouver assommée par les concepts ou un style trop académique.
J'ai aussi trouvé très bienvenue la postface de Martin Rueff. Elle offre une synthèse claire et appréciable à cet essai.
C'est avec plaisir que j'ai pu découvrir un bout de la pensée de David Graeber par cet ouvrage, et je remercie Babelio et les éditions Rivages de m'en avoir envoyé un exemplaire. J'ai hâte de lire les titres pour lesquels l'anthropologue s'est principalement fait connaître.
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Je me garderai bien de donner une note à ces Possibilités de David Graeber tant la lecture m'a perdue ! Je ne sais pas si les théories et concepts manipulés par Graeber ont un sens, font système ou éclairent le monde, car le propos est vraiment obscur. Aucune volonté de pédagogie juste le déploiement d'une pensée que je devine riche mais qu'on ne peut saisir qu'avec un bagage déjà costaud. J'aurai tenté, peut-être que la lecture va infuser d'une manière ou d'une autre...
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Bourdieu me demanda un exemplaire de mon travail, et le lendemain il m'appela pour m'annoncer qu'il avait trouvé l'argument extrêmement original, il me poussait à en donner une version abrégée pour le publier en France. Le problème ne manqua pas d'apparaître rapidement : ce texte était très difficile à abréger (l'argument en était passablement emmêlé et compliqué), et bien que nous tombâmes d'accord sur le fait que la meilleure solution serait de s'asseoir ensemble et de s'y mettre, je n'ai jamais réussi à économiser assez d'argent pour me rendre à Paris. En fait, voilà un exemple parfait de ces mécanismes de reproduction des classes sociales au sein de I'université que Bourdieu avait passé tellemnent de temps à exposer : ce n'est certes pas un hasard s'il me paraissait impossible, à moi qui étais un des rares étudiants du département issu d'un milieu ouvrier, de mettre la main sur le moindre financement venu de l'université ou de l'extérieur de l'université alors que ces financements s'offraient comme par enchantement à tous ceux dont les parents étaient docteurs, avocats ou eux-mêmes universitaires. (À dire la vérité, Bourdieu lui-même me laissa entendre, une fois qu'il pourrait me trouver de l'argent afin que je puisse venir à Paris, mais cette proposition finit par se révéler une illustration d'un autre de ses principes : à savoir que le prestige intellectuel ne à coïncide en rien avec le pouvoir universitaire. Des gens bien introduits me firent comprendre que Bourdieu n'était pas dans une position qui lui permettait de garantir que l'argent arriverait un jour).
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Et c'est bien cela la structure qui permet de définir la société de consommation comme on la décrit habituellement : une société qui écarte toute valeur durable au nom du cycle sans fin de l'éphémère. Il s'agit d'une société du sacrifice et de la destruction...
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On pourrait soutenir que dans la sphère de la plaisanterie, le corps est constitué pour l'essentiel de substances – de trucs qui entrent et qui sortent. On ne saurait dire la même chose du corps dans la sphère de l'évitenment, dès lors qu'il se trouve séparé du reste du monde. Dans une très large mesure, le corps physique lui-même se trouve nié, la personne transportée vers une sphère plus haute, plus abstraite. En effet, je voudrais soutenir que tandis que les corps de la plaisanterie font nécessairement corps avec le monde (on est presque tenté d'écrire avec « la nature ») et sont issus de la même matière, le corps, dans les relations d'évitement, se construit à partir de facteurs complètement différents. Il se construit à partir de la propriété.
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L'Université de Chicago n'octroie jamais la moindre subvention à ceux qui se trouvent en phase d'écriture. Voilà pourquoi, pendant plusieurs années, j'ai passé le plus clair de mes journées à travailler pour le prêt interbibliothèques ou à faire d'autres petits boulots, alors que j'essayais de me consacrer à mon propre travail pendant la nuit, et que je faisais tout pour ne pas prêter attention au fait que, tandis que je perdais mes dents faute de soins appropriés, la plupart de mes tuteurs à l'université m'évitaient soigneusement.
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[...] Je venais à peine de l'achever quand Pierre Bourdieu fut invité par le département d'anthropologie de I'Université de Chicago. Bourdieu était au faîte de sa popularité, et tout le monde voulait le rencontrer, mais son intérêt le portait davantage vers les étudiants que vers les professeurs de la faculté puisque, comme il ne manqua pas de le faire remarquer à quelques-uns d'entre nous : « avec les étudiants, on peut parler d'idées. Les collègues, eux, ils veulent vous flinguer. »
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Videos de David Graeber (14) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de David Graeber
Extrait du livre audio « Au commencement était...» de David Graeber et David Wengrow, traduit par Élise Roy, lu par Cyril Romoli. Parution numérique le 28 septembre 2022.
https://www.audiolib.fr/livre/au-commencement-etait-9791035409968/
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