Parlons d'un temps que nous avons oublié : l'année de l'élection de
Bill Clinton, repère temporel donné au début du roman. Sous sa présidence, tout devait aller mieux. Oui, l'espoir existait encore, alors que j'ai l'impression que bien trop d'événements ont passé depuis pour que l'on puisse croire que tout pourra s'arranger providentiellement.
L'action se passe dans le Wisconsin, état tranquille. Nous suivons plusieurs personnages, qui sont tous liés les uns aux autres, plus ou moins profondément. Les deux premiers personnages auxquels nous pouvons nous attacher – je parle bien ici d'attachement, et pas de rencontres – sont Bread et Fish. Ils ont dix ans, ce sont encore des enfants si l'on se fit à leur âge. Leur vécu, leur quotidien, font qu'ils sont loin d'être insouciants. Fish est en vacances chez son grand-père, avec lequel il s'entend très bien : ils s'apportent l'un à l'autre beaucoup de choses, sans véritablement penser consciemment à tout ce que le grand-père transmet à son petit-fils, à tout l'apaisement que Fish peut apporter à son grand-père. Les liens entre eux deux sont très forts.
Bread n'a pas autant de chance. La violence de son père est connue, mais pas suffisamment visible pour que quelqu'un agisse. Et agir comment ? C'est la question que le grand-père de Fish se pose – parce qu'il sait bien qu'un enfant n'aime pas que l'on se mêle de ce qu'il vit dans sa famille.
Tout aurait pu continuer ainsi, si Fish n'avait tiré sur le père de Bread. Les deux enfants ont pris la fuite tous les deux à travers bois, au milieu duquel coule une rivière. Les recherches commencent, pour les retrouver au plus vite. Qui a envie de savoir que son enfant passe la nuit dans une forêt, même volontairement ?
Le sherif Cal, Tiffany, Miranda, Jacks, quatre personnages que nous avons déjà croisés au début du récit, quatre personnages qui participent à cette quête. Je pourrai faire des rapprochements binaires, Tiffany et Miranda sont deux femmes, si ce n'est que Miranda est la mère de Fish, que sa foi, inébranlable et détonnante, la guide. Vu de France l'on peut oublier à quel point la religion est omniprésente aux Etats-Unis. Tiffany a essayé de pratiquer la religion, elle a très vite renoncé. Elle se rapproche de Miranda parce qu'elle aussi veut retrouver Fish, et prouver aussi au shérif Cal qu'elle peut faire quelque chose de bien. Tiffany, c'est une jeune adulte, et une ancienne enfant à qui personne n'a fait attention, que personne n'a regardé, pas même ses propres parents. Et vu ce qu'elle a vécu, l'on peut se dire qu'elle ne s'en est pas mal sorti, elle travaille, elle aime la poésie, elle écrit aussi, et l'on peut rêver à ce qu'aurait été sa vie si elle avait pu grandir avec un regard bienveillant posé sur elle.
Le shérif Cal, lui, voulait lire de la fierté, ou du moins de l'approbation dans le regard de son père. Lui n'est pas du Wisconsin, mais du Texas, et son accent peut faire rêver – ou pas. Il a dû se mettre au vert parce qu'à Houston, il avait pris un peu trop à coeur son métier de flic. Il le prend toujours à coeur mais il est un homme de la ville, des procédures – parce qu'il a un peu oublié les procédures, un jour – et ne se montre pas franchement adroit au cour de ses recherches. Reste Jacks. le chien du shérif. Lui sait parfaitement ce qu'il veut et ne veut pas, il sait ce qu'il doit faire – suivre son instinct.