- Alors, ça ne sert à rien. Ça ne peut pas avoir de résultat.
- On ne sait jamais. Une fois sur cinquante ça sert à quelque chose. Le ministre ramasse des papiers et il aperçoit un nom qu'il connait. Quelquefois, c'est ce nom, simplement qui l'arrête, et pas du tout celui de l'intéressé, mais ça le fait regarder une seconde fois et réfléchir un peu. Ou bien, il sort d'un grand meeting où il a pris la parole et où il a été applaudi, et il se sent plein de démocratie et trouve que c'est le peuple qui a raison. Ou il a bien dîné. Peut-être même a-t-il trop bu. Peut-être qu'en vingt ans il est le seul ministre qui boive trop. Mais ça change tout. On ne sait jamais. Il faut essayer. Aucun de nous ne sait quels motifs ils peuvent avoir pour pendre Drover ou le relâcher.
Les autobus tournaient sans cesse autour de Trafalgar Square, comme des chevaux de cirque. Le cri perçant de la sirène de la Wolsely leur ouvrit un passage à travers un encombrement de voitures ; des freins grincèrent, un agent de police leva la main et après quelques soubresauts, ils furent emportés dans Charing Cross Road momentanément déblayée de toute circulation. Le flot de prostituées aux aguets descendait la rue sur un trottoir et la remontait sur l'autre ; des visages plats de métèques imprimés sur des chansons en feuillets emplissaient la vitrine d'un marchand de musique et, à l'intérieur du magasin, un vendeur jouait avec une mélancolie passionnée : My Baby don't care.
Le directeur de la Police répondit avec lenteur :
"Je prendrai un whisky et...de l'eau de seltz."
Il se sentait brusquement vieux, et poussiéreux, comme s'il venait de rentrer d'une de ses marches torrides et monotones, ayant laissé dans la jungle, accroché à un arbre, un homme que les oiseaux allaient déchirer à coup de bec, et trouvait au quartier général un messager jeune et frais envoyé par le gouverneur.
Plus l’on est seul, plus l’on s’accroche à son travail, à l’unique chose qu’il est certainement bien de faire, l’unique valeur humaine dont la validité résiste à tout changement de gouvernement comme à tout changement de cœur.
Tout mouvement rapide lui donnait un léger vertige. Sa seule maladie était son âge. Cinquante-six ans de séjour sur la terre suffisent à donner le vertige à n'importe qui.
Des tranchées d'Argonne à Monrovia en passant par Dakar, New York et Paris, une fresque romanesque puissante qui court d'une guerre mondiale à l'autre, rythmée par les accents vibrants du jazz.
1918. Percussionniste virtuose à l'école des djembés de Gorée, Jules, interprète du régiment de Noirs américains sur le front de cette France ravagée qu'il ne connaît qu'à travers Maupassant, vit à l'aube de l'armistice un amour éphémère avec l'épouse d'une « gueule cassée ». Ce souvenir indélébile l'accompagnera après la guerre dans son long périple à travers l'Amérique bouillonnante des Années folles, quand il rejoint le jazz-band de ses anciens compagnons de guerre, en tournée dans le Sud raciste, puis triomphe au célèbre Cotton Club de New York.
Sa vie croise celle de Joséphine Baker qui l'emmène, avec sa Revue nègre, à Paris où l'amitié qu'il scelle avec l'écrivain-espion Graham Greene les entraîne dans une périlleuse expédition en Afrique. Ils iront jusqu'à Monrovia, capitale du Liberia, sur les traces de Julius Washington, l'arrière-grand-père de Jules, premier grand reporter photographe noir américain. Alors que de nouveau une guerre s'annonce, Jules s'installe à Mamba Point, dans la maison de Julius, l'homme qui a tenté de révéler la véritable histoire de ce pays : celle de ces esclaves affranchis envoyés en Afrique pour bâtir une nation libre. Un rêve devenu cauchemar.
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