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Alberto Manguel (Préfacier, etc.)
EAN : 9782369145066
224 pages
Libretto (18/10/2018)
4.23/5   330 notes
Résumé :
Au printemps, la rivière et les bois s'animent : les animaux sortent de leur terrier et redécouvrent les joies de l'amitié et de la vie en plein air. L'hiver revenu, ils goûtent à la douceur des longues soirées passées devant un feu de cheminée. Rat, Taupe et Blaireau coulent des jours heureux, et tout serait tranquille dans cette société en miniature si leur ami Crapaud, victime de sa vanité, ne se comportait pas comme un voyou et ne s'attirait pas toujours des enn... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (80) Voir plus Ajouter une critique
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Qui connaît Kenneth Grahame en France, en Belgique, en Suisse ? Avez-vous entendu parler d'un seul de ses livres en dehors du Vent dans les saules ? Dans l'édition du roman chez Libretto, on nous le présente comme "issu d'une grande famille de l'aristocratie" et secrétaire de la Banque d'Angleterre ; ça ne correspond pas tout à fait aux infos que j'ai pu trouver sur lui - même s'il fut bien un temps secrétaire de la Banque d'Angleterre - et, surtout, ça ne nous avance guère. Il a bel et bien écrit avant le Vent dans les saules, à la fin du XIXème, le thème de l'enfance lui ayant été cher. le Vent dans les saules fut d'ailleurs le dernier texte publié de son vivant. Difficile d'en apprendre beaucoup plus. Il semble l'homme d'un seul succès - on pourrait dire l'homme d'un seul roman, en fin de compte. Et pourtant, la notoriété du Vent dans les saules, publié en 1908, ne se dément pas. Roman pour la jeunesse, il est largement plébiscité par les adultes.


Je viens de le lire pour la seconde fois, et je dois bien avouer que j'avais ressenti une pointe de déception à la première lecture. Il faut dire que j'avais auparavant découvert l'univers du roman grâce à la très savoureuse adaptation en BD par Michel Plessix, qui l'a à mon avis sublimé. J'étais notamment déçue par un personnage, Blaireau, que je trouvais bien moins intéressant dans sa version originelle. Mais que raconte donc le Vent dans les saules (se demandent les pauvres malheureux qui ne l'ont pas lu) ?


Le Vent dans les saules, c'est un peu Bilbo le Hobbit qui ne serait jamais allé plus loin que la Comté. Un Bilbo qui aurait bel et bien vécu des aventures, tout en restant dans un cadre familier. Or, nous savons que l'envie d'aventures de Bilbo - trait de caractère curieux pour un hobbit - le conduisit bien loin de chez lui. Taupe, Rat, Crapaud et Blaireau, eux, sont doués pour vivre des aventures à deux pas de chez eux - c'est cependant à nuancer pour Crapaud. C'est déjà tout un monde que découvre Taupe au début du roman, alors qu'il décide d'arrêter de faire le ménage - c'est mal, c'est mal ! - et d'aller plutôt se promener. Ce monde, c'est celui de la Rivière, qu'il ne fréquente guère.


Ni une, ni deux, à peine a-t-il fait la connaissance de Rat - un rat d'eau - que le voilà dans une barque - une barque ! -, bourrée de victuailles plus appétissantes les unes que les autres, en route pour un pique-nique. Taupe n'est pas un habitué des pique-nique en plein air, c'est le moins qu'on puisse dire - forcément, c'est une taupe. Et le voilà qui passe la nuit chez Rat, puis qui s'y installe carrément (bon, on va pas se mettre à émettre des hypothèses farfelues sur les relations entre Rat et Taupe, je vous le dis tout net). la Rivière est pleine de tentations (nan, pas d'hypothèses farfelues !) pour Taupe. Qui ne va pourtant pas se contenter de ça. Ne voilà-t-il pas qu'il veut absolument rencontrer deux personnages qui l'intriguent, dont l'un particulièrement haut en couleurs. J'ai nommé Blaireau, qui vit dans la Forêt sauvage (et la Forêt sauvage, c'est effrayant !), et Crapaud l'artistocrate, l'extravagant, l'infernal, l'intenable, le délirant, l'inénarrable Crapaud - le préféré de la majorité des lecteurs. Et on les comprend !


Toute la saveur du Vent dans les saules est autant dans cette douceur de vivre que cultivent Rat, poète de surcroît, et Taupe, dans les habitudes et les siestes de Blaireau, qui se conforme un peu moins aux normes sociales que les deux autres, que dans les aventures de Crapaud, qui, lui, ne peut tenir en place, aime à se pavaner, se jette avec passion dans une activité et la laisse tomber presque aussitôt pour une autre, et, surtout, pousse le dynamisme et la pétulance au point d'en devenir un danger public ; on pourra s'étonner que Crapaud ne tue personne lorsqu'il prend le volant d'une automobile, mais on sombrerait alors dans le drame social à la Zola, donc c'est aussi bien comme ça - soit dit sans vouloir offenser Zola, que je respecte tout à fait, mais je m'égare... de plus, on ne passe pas très loin du drame, excepté qu'avec Crapaud, tout tourne à la joyeuse excentricité et qu'il se sort des pires situations avec "panache" (même déguisé en blanchisseuse), pour reprendre l'expression dont il use - c'est un fait que Crapaud est la plupart du temps très content de lui-même, et comme nous sommes très contents de lui, tout ça est pour le mieux.


Malgré les pique-nique en plein air, l'incursion dans la forêt à l'arrivée de l'hiver, les mystérieux souterrains de la maison de Blaireau, le réveillon de Noël passé chez Taupe, et ce moment mémorable d'onirisme sur l'eau, la nuit, dont je ne dirai pas plus, il faut bien se rendre à l'évidence : sans Crapaud, le Vent dans les saules perdrait tout son piquant - il est d'ailleurs à noter que Kenneth Grahame s'est inspiré de son jeune fils plein de vitalité pour le personnage de Crapaud.


J'ai versé quelque peu dans le dithyrambe jusqu'à présent. Pourquoi donc, alors, ai-je parlé d'une petite déception plus haut ? C'est qu'à mon avis, on peut faire une lecture quasiment sociologique de ce roman (et là, je sens que je risque d'énerver tout plein de gens). Je n'ai pas choisi par hasard la comparaison avec Tolkien. Je crois bien que Tolkien s'était lui-même comparé aux hobbits (je ne retrouve pas la source). Les hobbits sont à la fois très anglais et très bourgeois, au sens large du terme. de même, il y a chez Taupe, chez Rat et chez Blaireau une conception très bourgeoise de l'existence - cette aspiration au confort, à la vie douce et tranquille qui sommeille - ou qui est très éveillée - en chacun de nous. Crapaud est un aristocrate, il est donc hors-normes, extravagant, fréquentable mais à remettre dans le droit chemin. Ceux qui vivent dans la Forêt sauvage - les belettes, les renards, les furets, et même les lapins - sont considérés comme peu sociables, pas très comme il faut, voire dangereux. Et Blaireau use parfois de méthodes on ne peut plus autoritaires envers les autres, spécialement envers Crapaud. Ma foi, que Taupe et Rat aient un côté indéniablement bourgeois, ça passe bien, du fait de leurs caractères respectifs. Blaireau est moins sympathique de par son statut social dont il abuse quelque peu - car il semble estimer qu'il se situe au-dessus de tous les autres habitants de la Forêt sauvage, si ce n'est au-dessus de tout le monde.


Et cette division de la société dans le Vent dans les saules se ressent d'autant plus à la fin du roman que, justement, l'histoire perd un peu en rythme - on n'est ni dans la douceur de vivre, ni vraiment dans l'aventure - et en intérêt. On sent Kenneth Grahame en panne d'inspiration pour conclure, aussi l'affrontement - sans rien de très grave à la clef - entre les animaux (sous la direction de Blaireau, bizarrement) de la Rivière et ceux de la Forêt sauvage devient un tantinet trop démonstrative. Furets et belettes sont animés des intentions les plus viles - mais on les remettra dans le droit chemin, eux aussi - tandis que nos héros restent en tous points irréprochables, jusqu'à se montrer magnanimes envers des personnages de statut inférieur, qui ne profitent de la vie qu'en volant leurs biens aux riches.


Insidieusement, on en vient pour le coup à se demander d'où Taupe, Rat et Blaireau tirent l'argent avec lequel ils font leurs achats (car ils semblent faire des emplettes comme tout un chacun), et pourquoi ils peuvent se permettre de profiter de la vie si impunément tandis que dans la Forêt sauvage, et même autour de la Rivière, tout n'est pas aussi simple pour les autres...


Accessoirement, on se demande aussi comment il se fait qu'ils se nourrissent tous des mêmes aliments comme les oeufs, le pâté, le poulet, le lard et tous ces aliments qui viennent bien de quelque part, si vous voyez où je veux en venir... Bon c'est la limite de l'utilisation de personnages anthropomorphes mais qui sont bel et bien des animaux. Pas vraiment humains - ils préfèrent rester loin des humains et affichent un certain mépris pour les chiens et les chats - mais avec des préoccupations très humaines tout de même - sauf pour le travail, qui visiblement se fait tout seul, hum hum hum.


C'est cette conception très bourgeoise et très affichée de l'existence - en gros, il n'y a que cette manière de vivre qui vaille quelque chose - qui m'a quelque peu retenue. La BD de Michel Plessix ne m'avait pas donné cette impression de normalisation sociale. Il faut dire que le lectorat de Kenneth Grahame en 1908 n'était pas tout à fait celui de Michel Plessix presque cent ans plus tard.


Quelle que soit la lecture qu'on fasse de ce roman - et ma lecture que j'ai pompeusement nommée "quasiment sociologique" ne va pas bien loin -, il n'en reste pas moins agréable, si l'on fait la part des choses. C'est un doux moment à passer, et on rêverait facilement de pouvoir se laisser aller au fil de l'eau comme Rat, de passer douillettement l'hiver dans un souterrain bien aménagé comme ceux de Taupe ou Blaireau, ou encore de vivre des aventures échevelées comme Crapaud, à condition bien entendu qu'elles se terminent bien. On ne peut pas tous rencontrer des nains et des magiciens, se retrouver nez à nez avec des gobelins, défier des elfes, ou encore combattre des araignées géantes (ce qui est scientifiquement impossible) et se retrouver dans l'antre d'un dragon...





PS : Je suis proprement outrée que L'École des Loisirs propose une version abrégée du Vent dans les saules aux enfants. Je suis outrée par le concept-même de version abrégée d'un livre, de toute façon.
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Aujourd'hui c'est mercredi et mercredi, c'est... ?
« Les histoires à Berni ! »
Sandrine, la maîtresse d'école a fait entrer les élèves dans la classe.
Tous les élèves se demandaient ce que j'allais raconter comme histoire cette fois-ci. L'épaisseur du livre ne leur avait pas échappé, ils étaient intrigués, un peu inquiets même.
Quelques jours plus tôt, je me suis rendu dans ma médiathèque préférée. Je me suis aussitôt dirigé vers le rayon jeunesse et j'ai rencontré sa jeune responsable.
« Tiens, Berni ! Quel plaisir de te retrouver ici. Quel bon vent t'amène donc vers moi aujourd'hui ?
- Écoute, tu vas sûrement pouvoir m'aider. Je recherche cette fois-ci la perle rare, un récit qui pourrait être lu dans une classe de CE2 et qui pourrait répondre à un item un peu tordu d'un challenge sur Babelio, il faut qu'il y ait des représentations de plusieurs animaux sur la couverture.
- Eh bien ! Rien que ça Berni ? Dis donc, quelle aventure, dis-moi. Je vais te trouver la perle rare. Tu es tombée sur la bonne personne, suis-moi dans les rayonnages, nous partons à l'aventure... You hou ! Allez, dépêche-toi, vite, ne traîne pas, je n'ai pas que ça à faire... »
Je ne l'avais jamais vu aussi enthousiaste. Je la sentais tout de même un peu moqueuse aux entournures. Elle m'a suggéré plusieurs idées et brusquement, ce fut le coup de coeur partagé.
« Celui-ci sera idéal pour toi, dit-elle en me faisant un clin d'oeil. Il s'appelle le vent dans les saules. »
J'ai feuilleté les pages du livre. Il n'avait pas dû être emprunté depuis longtemps, il y avait encore beaucoup de poussière dans tous les angles. Des illustrations un peu désuètes ont retenu mon attention.
- Il n'est pas un peu daté ?
- 1908. Autant dire, intemporel.
- Oui, dit comme ça...
- Et en plus, si tu l'empruntes, tu le sauves d'un désherbage promis.
- Un désherbage ? Oh alors, je l'emprunte tout de go. Si mon projet permet de sauver un livre, alors j'y vais.
- Quel sauveur ! Tu es un vrai héros, Berni. Je l'ai toujours su. Hé ! Tu parleras de moi gentiment cette fois-ci sur Babelio ? La dernière fois, ce n'était pas top. Tu sais que je te suis, hein... »
Je ne sais pas pourquoi, je l'ai devinée un tantinet ironique ce jour-là.
Et me revoilà dans la classe de CE2 de Sandrine.
« Les enfants, aujourd'hui je vous emmène faire une balade à la campagne. »
Tous les élèves se sont alors rués dans un cri de joie vers les portemanteaux pour saisir les vêtements accrochés. Sandrine, la maîtresse d'école a dû venir tempérer leur ardeur.
« Bernard voulait dire que, par sa manière inventive de raconter une histoire, il va vous transporter dans un autre monde imaginaire et champêtre. »
Elle est bien Sandrine, elle a toujours l'art et la manière de trouver les mots justes pour rassurer.
Cela dit, ça me collait brusquement une sacrée pression, tout de même. Ce n'était pas gagné.
Je me suis approché du groupe d'élèves et j'ai commencé à introduire le récit.
« Ce livre a été publié en 1908 par un Monsieur anglais du nom de Kenneth Grahame qui, au début, n'était pas écrivain. Il était souvent loin de ses enfants à cause de son travail et il leur écrivait le soir des lettres dans lesquelles il inventait des histoires avec des animaux pour les divertir. Certains de ses enfants avaient vos âges, ils ont adoré ces histoires, alors plus tard leur père a eu l'idée de les rassembler dans un livre et de les publier. »
Alors Sandrine la maîtresse d'école est venue discrètement me souffler dans l'oreille : « je crois qu'ils se moquent de tout ceci, va vite dans le récit, sinon on va les perdre. »
Elle est formidable Sandrine, vraiment sans elle, je ne pourrais pas bien raconter les histoires du mercredi.
Cependant, la petite Anna avait retenu un détail de mon propos qui ne lui avait pas échappée et elle s'est avancée vers moi avec un air mine de rien qui avait envie d'en savoir un peu plus.
« 1908 ? Whoua ! Berni-Chou tu nous impressionnes. Mais dis-nous, tu n'aurais pas confondu ce matin le chemin de l'école avec celui de l'Ehpad d'à côté ? »
Sandrine m'a fait un petit geste de la main, m'invitant à embrayer à la vitesse supérieure...
Alors j'ai commencé à leur raconter quelques péripéties du livre et qui touchent les quatre principaux personnages, à savoir Rat, Taupe, Blaireau et Crapaud.
Nous sommes à la campagne dans un univers tranquille, apaisé, rassurant... Tout commence par Rat qui invite son ami Taupe à un pique-nique en empruntant une barque sur la rivière. Les voilà partis avec plein de victuailles.
La petite Dori a demandé s'ils avaient pensé à embarquer du chocolat. Je lui ai répondu que ce détail n'était pas précisé explicitement mais que forcément, à mon avis, ils y avaient pensé. Ça a eu l'air de la rassurer. Ouf !
Bientôt, ils vont rencontrer Crapaud, personnage totalement déjanté, puis Blaireau qui a une conception bourgeoise du monde et qui lui vit dans la forêt sauvage, c'est-à-dire déjà dans un autre univers vers lequel nos amis vont s'aventurer, c'est un monde totalement inconnu pour eux. Il y a ici l'idée que réside l'aventure à deux pas de chez eux.
J'ai tenté de leur transmettre ce que j'avais aimé dans ce livre, la douceur de vivre, l'amitié, l'entraide, l'esprit d'aventure, la beauté de la campagne.
Je voyais bien que toutes ces valeurs leur plaisaient, qu'ils adoraient surtout le personnage de Crapaud, le personnage le plus foutraque de l'histoire, mais qu'il y avait quelque chose qui ne passait pas pour emporter les enfants dans un enthousiasme total. Alors avec Sandrine, la maîtresse d'école, nous avons eu l'idée de déconstruire le récit et de le revisiter à leur manière.
J'ai alors proposé : « Nous allons déconstruire le récit.
- Ok, a dit du tac au tac la petite Manue, amène ton bouquin, on va le déconstruire façon puzzle. »
La petite Manue a commencé à vider son sac, je sentais qu'elle allait sortir la sulfateuse ; le petit Pat lui a tendu une clé de douze.
« C'est peut-être ça que tu cherches, a-t-il tenté timidement.
- Tu es mignon, Patounet, mais sur cette affaire, on a besoin de l'artillerie lourde. »
Alors elle a sorti de son havresac l'objet rare, essentiel, indispensable pour une telle opération : la tourniquette pour faire la vinaigrette !
Sandrine la maîtresse d'école leur a alors demandé : « s'il fallait réécrire cette histoire aujourd'hui, qu'est-ce qu'on garderait ? Et qu'est-ce qu'il manquerait ? Qu'est-ce que vous voudriez rajouter à l'histoire ?
« du chocolat dans les victuailles à embarquer pour le périple ! s'est écriée la petite Dori.
- Des personnages féminins, s'est écrié la petite Chrystèle.
- On dirait que les personnages de la forêt sauvage sont idiots ou inférieurs aux autres, ce n'est pas très sympa je trouve, a dit la petite Nico.
- Tu as raison, Nico-Choute, cela m'a aussi un peu choqué, ai-je répondu.
- Et si on gardait quelque chose de ce livre, ce serait quoi ? a demandé Sandrine.
- Les amis, l'entraide, savoir sur qui on peut compter, a dit le petit Pat.
- L'idée de partir de chez soi et de revenir, a dit la petite Anna qui venait de faire un long périple en Grèce durant les jours derniers.
- La douceur de vivre, a dit la petite Anne-Sophie.
- Avoir des compagnons un peu fous comme Crapaud, lol, a dit la petite Sonia.
- Partir dans une barque sur une rivière et se poser pour pique-niquer à un endroit qu'on ne connaît pas », a dit la petite Sylvie.
- Se dire que quelques années plus tard, on se retrouvera au même endroit pour pique-niquer ensemble, a dit la petite Gaëlle. On aura grandi, on se retrouvera de nouveau comme maintenant et tu viendras nous raconter encore des histoires, camarade... »
Brusquement, je me rendais compte que le récit devenait effectivement peu à peu intemporel sous leurs yeux et leurs idées. Et dans leurs regards émerveillés, innocents, je voyais des berges, des barques qui accostaient, des rires d'enfants qui gambadaient sur l'herbe, se chamaillaient, je voyais la petite Nico qui courait après la petite Dori pour essayer de lui attraper sa tablette de chocolat. Je voyais le caméléon du petit Paul qui essayait de gober toutes les mouches et les moustiques qui passaient au bord de la rivière.
J'ai fermé les yeux. On était bien ensemble... Au loin, on entendait seulement le jukebox du petit Pat et ça nous faisait du bien :

♫ Quand on s'promène au bord de l'eau
Comme tout est beau ♬
Quel renouveau ♫
Paris au loin nous semble une prison
♫ On a le coeur plein de chansons
L'odeur des fleurs
Nous met tout à l'envers ♬
Et le bonheur
♪ Nous saoule pour pas cher
Chagrins et peines
De la semaine ♪
Tout est noyé dans le bleu dans le vert ♫

Un seul dimanche au bord de l'eau ♬
Au trémolo ♬♬
Des p'tits oiseaux
♫ Suffit pour que tous les jours semblent beaux
Quand on s'promène au bord de l'eau ♫♫♫
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Lecture d'ete, suite et fin (non, non, surtout pas fin): Un conte pour petits et grands. Ou pour un grand/une grande et des petits (ce qu'on nomme une lecture commune).


Ils sont la, autour de moi, le cul sur mon vieux et use tapis Chaouen. Je lis. Je fais des effets: voix fluette pour Mr Rat, basse caverneuse pour Mr Blaireau. Ils sont attentifs, sauf un qui semble s'etre perdu dans les motifs du tapis, et un autre qui s'evertue a en denouer les fils avec une brindille (tres meticuleux, ce petit; il reussira dans la vie). J'ai du mal a ravaler mes sourires quand je les vois reagir, tous en choeur. “Mr Taupe: Ah! Et puis zut et flute! Au diable le nettoyage!”: ils se roulent par terre. “Mr Taupe fretilla des orteils de pur bonheur": ils s'inspectent les pieds les uns les autres.

A partir de la deuxieme soiree j'ai compris: je passe outre les descriptions de la nature. Il leur faut de l'action. Ils ont tremble quand Mr Taupe se perd dans la foret sauvage. Un frisson court quand il se rappelle avec emoi la maison qu'il a quitte. Nous avons essaye, tous ensemble, de chanter un chant de noel avec les petits mulots (mon aide de camp est accourue, effaree, alarmee par les cris), mais nous avons quand meme bu comme eux de la biere epicee (un vrai panache: une grenadine a la goutte de biere).

Nous nous sommes moques du nom de la maison de Mr Taupe, “Mon trou”, et avons cherche ensemble de jolis noms de maisons. Mon lit. Chez moi. Entrez. (De loin un grand pousse: Halte-la, c'est mieux!). Beau reve. La Belle demeure. Chez fee. Mon refuge. Je leur fais remarquer que ma maison n'a pas de nom et un petit idiot sursaute: Mais si elle a un nom: Chez Mamy! J'ai failli me vexer.

Ils ont bien retenu que “Quand des animaux voyagent ensemble, ils ne s'eparpillent pas au milieu de la route, mais marchent de façon rationnelle, l'un derriere l'autre, de maniere a pouvoir se porter secours en cas d'alerte ou de brusque danger”. le lendemain, a la promenade, tous les petits etaient en file indienne, entoures des grands hilares.

Nouvelle soiree. Ils exultent quand Crapaud vole une voiture et redevient a son volant “Crapaud la Terreur, le fleau de la circulation, le seigneur des routes solitaires, a qui il fallait ceder le passage sous peine d'etre pulverise”. Et ils protestent quand il est condamne a vingt ans de geole. C'est pas juste! C'est exagere! Alors quand il s'evade travesti en lavandiere ils trepignent de joie.

Ils sont inquiets quand le petit de Loutre fugue, contents quand il est retrouve par Rat et Taupe, mais je ne suis pas sur qu'ils aient compris mes explications sur l'apparition divine qui a dirige les pas des sauveurs. Et si nous essayions une priere avant de dormir? Nous ne sommes pas forces d'etre religieux ou croyants. Nous pouvons demander ce que nous voulons. Ils sont sceptiques mais se plient a l'exercice. Quelques uns ferment tres fort les yeux. Les grands se croient au spectacle: ils applaudissent.

Les descriptions des voyages du rat marin aventurier les a barbes aujourd'hui. L'appel du large les a laisses froids. J'ai du sauter des passages. Heureusement que j'ai vite enchaine avec les nouvelles aventures, ou mesaventures, de Crapaud. Ils gloussent quant la bateliere qui l'avait pris en stop le jette dans la riviere. Ils sautent de joie quand il se venge en detachant les cordes du cheval qui halait la peniche et l'enfourche pour un galop effrene. Ils trepignent quand, de nouveau pris en stop, cette fois dans une voiture, il convainc son proprietaire de le laisser conduire et finit par s'ecraser dans une haie. Il faut que je calme mes ouailles. de la glace a la mangue et au lit! Nous continuerons demain!

Le lendemain nous avons fini en apotheose. Nous avons fete, avec une excellente tarte au citron que mon aide de camp avait eu soin de concocter, l'heureuse issue de la bataille que nos heros, Rat, Taupe, Blaireau et Crapaud ont livre contre les bandes de belettes fourbes et d'hermines canailles qui avaient squatte le manoir de Crapaud pendant son absence. Victoire sur tous les fronts! Graces soient rendues aux Dieux des bons animaux! Mais… mais… vous ne m'avez pas laisse un morceau de tarte? Pas une miette? Allez! Au lit, et plus vite que ca, bande de fripouilles! Ingrats! Et sans broncher!

Qu'est-ce que je vais pouvoir leur lire apres ce merveilleux livre? Ou trouver de dignes successeurs a de si intrepides heros? Bah! Ils joueront au foot et massacreront mon jardin. Ils seront heureux et fatigues. Comme moi. Mon aide de camp se chargera de rallonger le diner, et de les calmer quand trop d'oreillers voleront. N'etait-ce pas “Chez Mamy" qu'un hurluberlu avait baptise notre maison?


P.S. Conclusion: Ce livre est un delice. Si je ne me trompe, il est conseille pour les 7-10 ans, mais je peux temoigner qu'en sautant certains passages, les 4-5 ans ont beaucoup apprecie (si je n'ai pas reve ou tout invente). Et je crois de toutes facons qu'il existe des editions abregees. Mais arretons pour un instant de penser aux enfants, c'est un livre qui enchantera tout adulte qui se respecte. En fait un must. de la culture pour tous.
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Un très grand classique de la littérature jeunesse anglaise. Ecrit il y a plus de cent ans, ce roman a gardé toute sa fraîcheur. Un très beau livre, très agréable à lire et qui met en scène des petits animaux des campagnes qui évoluent dans la vie comme des humains. Un livre rempli d'esprit et d'humour. J'adore ce texte.
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Parodie animalière de la société, récit d'aventure, ode à la campagne anglaise, le Vent dans les saules est un roman britannique incontournable. le charme des classiques a opéré : si mon moussaillon de dix ans a pu s'impatienter ici ou là lors de descriptions un peu longuettes, il s'est laissé envouter par ce texte vieux de plus d'un siècle.

L'histoire est celle d'un timide Mr Taupe qui décide un jour de s'aventurer au-delà de sa prairie et sympathise avec Mrs Rat, Blaireau et Crapaud. Rythmées par les saisons et les remous de la rivière, leurs journées pourraient sembler bien paisibles sans les frasques des uns et des autres qui ne résistent jamais au plaisir de s'amuser, de se vanter un peu et de s'écouter parler. Mais c'est surtout par Crapaud que tout – TOUT ! – arrive : cet aventurier impulsif et fantasque a un goût irrépressible pour le bling bling et les voitures sportives – et manifestement peu de considération pour le code de la route et les forces de l'ordre…

Soir après soir, le Vent dans les saules nous a transportés dans un monde idyllique. Chaque berge, chaque brin d'herbe et chaque galerie forestière nous y sont devenus familiers, ainsi que chacun des personnages. Leur histoire invite à s'émerveiller du soleil printanier, du clapotis de l'eau et de la saveur du partage. Mais surtout, elle réjouit grâce à la personnalité singulière de chaque personnage, leurs dialogues facétieux et leurs péripéties rocambolesques. Et grâce à la manière dont la camaraderie transcende la gloutonnerie, la paresse, les vanteries et les bêtises des uns et des autres autour de copieux gueuletons. Avec beaucoup d'humour et d'ironie, leurs aventures cristallisent les grands dilemmes de la vie : l'appel du vaste monde doit-il prévaloir sur le charme de son chez soi ? L'attrait de la compagnie sur la saveur de la solitude ? le désir de se distinguer sur la recherche de la proximité des autres ?

C'est avec un pincement de coeur que nous avons quitté Taupe, Rat, Blaireau et Crapaud (« Il n'y a pas de second tome ? »). Nous les garderons en nous, avec les autres personnages qui peuplent notre imaginaire commun, toujours plus nombreux grâce à la magie de la littérature.

Un roman d'amitié divertissant qui ravira celles et ceux qui conservent intact en eux l'esprit de l'enfance !
Lien : http://ileauxtresors.blog/20..
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Citations et extraits (49) Voir plus Ajouter une citation
C'est alors que les sifflements commencèrent.
C'était des sifflements très faibles, aigus et lointains, mais qui lui firent hâter le pas. Puis, tout en demeurant très faibles et aigus, ils venaient soudain de devant lui. Il s'arrêta, hésita à rebrousser chemin. Mais les sifflements reprirent de plus belle, tout autour de lui, et semblaient se répondre et se faire écho des quatre coins du bois, jusqu'en ses extrémités les plus reculées. Ils étaient là comme qui dirait sur un pied de guerre- quels qu'ils fussent - et lui, pauvre de lui, il errait seul sans défense, loin de tout secours, tandis que la nuit était presque tombée.
Alors il entendit un bruissement.
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- Il ne reste plus qu'une chose à faire, reprit Mr Blaireau, pleinement content de lui. Crapaud, je vous demande en toute solennité de répéter devant nos amis ce que vous avez pleinement reconnu en ma présence dans le fumoir il y a un instant. En premier lieu que vous regrettez ce que vous avez fait, et que vous comprenez la folie de tout cela...
Il y eut un long silence. Mr Crapaud regardait désespérément de tous côtés, tandis que les autres attendaient, graves et silencieux. Enfin, il parla.
- Eh bien non ! lança-t-il d'un air buté et avec la dernière énergie, je ne regrette rien du tout. Et ce n’était pas de la folie, non plus. C'était du panache !
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- Certains considéreraient, à raison, que le vol de l’auto est la plus grande offense. Mais faire l’insolent avec la police mérite assurément la sanction la plus lourde. Disons : douze mois pour le vol, ce qui est une peine légère ; et trois ans pour l’infraction au code de la route, ce qui est peu ; quinze ans pour l’insulte à l’agent de la force publique, laquelle dut être particulièrement grossière, à en juger par les dépositions des témoins, même si nous n’accordons foi qu’à la dixième partie de ce que nous avons entendu (et en ce qui me concerne, je m’en tiens toujours à ce pourcentage), cela nous donne un total de dix-neuf ans…
- Voilà qui est bien calculé, dit le président du tribunal.
- Nous pouvons arrondir à vingt ans, conclut le greffier.
- Excellente suggestion, approuva le président.
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Il y a du poulet froid de la langue froide du bœuf froid des cornichons au vinaigre de la salade des petits pains du cresson des sandwichs du pâté de la boisson au gingembre de la limonade de l’eau gazeuse, etc.
- Arrêtez ! Arrêtez ! s’écria Mr Taupe au comble de l’extase. C’est trop, c’est trop !
- Le croyez-vous vraiment ? demanda Mr Rat d’un air sérieux. C’est ce que j’emporte habituellement pour ce genre d’excursion ; et tout le monde me dit que je suis pingre et que je ne prends pas plus qu’il ne faut.
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Lorsqu'ils arrivèrent dans l'allée du Manoir Crapaud, ils virent, comme Blaireau s'y attendait, une nouvelle auto toute brillante, de grande taille, rouge vif (la couleur favorite de Crapaud) qui attendait devant le perron. Au moment où ils se trouvèrent devant la porte, celle-ci s'ouvrit toute grande et M. Crapaud, affublé de grosses lunettes, d'une casquette, de guêtres, d'un énorme manteau, descendit les marches en se pavanant; il était en train d'enfiler d'énormes gants à crispin.
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