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Critique de Lastryge


Qui peut se targuer de connaître intimement cette subtile membrane séparant le XIXème du XXème siècle, ce tournant incroyable, au milieu de l'infinie IIIème république, tant politique, social que technologique, qui modifie le visage de la France, à l'instar de l'Europe ? Philippe Grandcoing !

Ce premier volume de la série des enquêtes d'Hippolyte Salvignac nous fait entrer in medias res dans ce tourbillon de la folle modernité de 1906 – un peu trop moderne, justement, au goût de certains -, nous plongeant aussitôt dans la violente tempête qui agite la France, entre progressisme laïc et radical et monarchisme clérical : la fameuse loi de séparation de l'Église et de l'État de 1905.

Le héros est un antiquaire, Hippolyte Salvignac, dont l'histoire familiale rejoint celle politique de la France. Mandaté par Clemenceau lui-même, le Tigre, alors juste nommé ministre de l'Intérieur, il doit résoudre une affaire de trafic d'objets religieux que la loi de séparation favorise malgré elle. Il s'adjoint l'aide de l'inspecteur Lerouet et l'excellent duo, apprenant à collaborer, avance avec efficacité.

Malgré un début légèrement alourdi par un luxe de détails et d'informations, lesquels ancrent cependant de façon sûre le récit dans son époque et sont indispensables à sa contextualisation, le roman s'échappant du passage du Grand-Cerf à Paris, libéré des présentations, prend toute son ampleur et devient extrêmement fluide dès que l'on arrivée dans le Sud de la Corrèze et le Lot.
Le style est enlevé, les dialogues naturels et vivants et les tournures et expressions sont un véritable bonheur, extraordinaires de richesse et de couleurs. On retrouve les mêmes réflexions sur les transformations de Paris et la modernité que celles de Baudelaire cinquante ans plus tôt dans ses Petits Poèmes en prose, et la description de la Province n'a rien à envier à Maupassant. Mais surtout, le récit est porté par l'art consommé de l'intrigue de son auteur. le lecteur, amusé par les débuts balbutiants d'un Hippolyte qui se découvre l'âme d'un célèbre détective anglais, est pris par l'enquête, laquelle rebondit avec culture et légèreté, sans temps mort ni hâte intempestive, à la vitesse de la rutilante Centaure de Panhard qui crée l'émoi dans les villages.

On sort de cette lecture avec l'envie subite de s'abonner à La Revue du Touring Club, regrettant un monde où « modernité » n'était pas un vain mot et l'impression d'être né un siècle plus tôt.
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