Un Souverain est un sage qui, possédant une vertu plus humaine à la fois et plus abstraite que la vertu propre aux héros, civilise le monde par l’effet direct de son efficace et règne, d’accord avec le Ciel, pour le bonheur du peuple. Il est, essentiellement, l’auteur d’un calendrier exact et bienfaisant. Ses ministres agissent, inspirés par sa Vertu. Quant à lui, il règne, sans penser à gouverner. Il s’emploie à créer ou plutôt à sécréter l’ordre. Cet ordre est, avant tout, moral, mais il embrasse toutes choses. L’époque des Souverains est l’âge des mérites civiques, l’ère de l’humanité parfaite (jeu).
Tout ce que j'ai dit dans cet ouvrage sort d'une analyse directe des documents. J'ai cependant éliminé, autant que possible, de mes notes toutes les références qui n'auraient été utilisables que pour les spécialistes. J'avertis une fois pour toutes qu'on peut seulement trouver ici l'état des opinions où m'ont conduit mes principes de recherche. J'ai pris beaucoup de peine pour nuancer les affirmations, beaucoup de peine pour arriver, dès que je le croyais possible, à des formules précises. J'en ai pris plus encore pour éliminer les hypothèses ingénieuses et surtout les précisions abusives. Vu l'état des documents et celui des études, il serait puéril de dissimuler ce que les conclusions que l'on peut apporter ont de subjectif, d'incomplet et d'extérieur — et plus puéril encore de s'en excuser. Il suffira d'exprimer l'espoir que, prises pour ce qu'elles valent, elles amènent le lecteur à sentir combien est nécessaire une étude approfondie des choses chinoises. Elle permettrait de confronter avec les estimations et les expériences d'un très grand peuple les classifications et les jugements auxquels nous sommes le plus attachés.
Il y avait en lui une Vertu capable d'unifier l'Empire. « Sa voix était l'étalon des sons, son corps l'étalon des mesures de longueur. » Il put donc déterminer les Nombres qui servent à régler le Temps et l'Espace, ainsi que la Musique qui crée l'harmonie universelle. Il fixa les tributs, « mit en ordre parfait les six domaines de la Nature », et logea à des places convenables Chinois et Barbares, de façon que l'Empire connût la Grande Paix.
La civilisation chinoise mérite mieux qu'un intérêt de curiosité. Elle peut paraître singulière, mais (c'est un fait) en elle se trouve enregistrée une grande somme d'expérience humaine. Nulle autre n'a, pendant autant d'années, servi de lien à autant d'hommes. Dès qu'on prétend au nom d'humaniste, on ne saurait ignorer une tradition de culture aussi riche d'attrait et de valeur durables.