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EAN : 9782080253620
576 pages
Flammarion (02/03/2022)
4.22/5   20 notes
Résumé :
Joseph Kabris a eu une vie extraordinaire. Né à Bordeaux vers 1780, engagé sur un baleinier à 15 ans, il s’échappe pour s’installer sur l’une des îles Marquises, Nuku Hiva. Là, dans ce monde inconnu qui lui est inconnu et où sévit le cannibalisme, il devient un guerrier redouté. Tatoué de la tête aux pieds, il fait siennes les pratiques des insulaires, leurs gestes et leurs croyances, il apprend leur langue au point d’en oublier la sienne. Jusqu’à la venue, en 1804,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Joseph Kabris ou les possibilités d'une vie n'est pas un roman. Mais son sujet est foncièrement romanesque. Celui qui fut tour à tour matelot, prisonnier, guerrier, invité des sociétés savantes et des cours européennes, homme de foire ne pouvait échapper à l'exercice biographique. Sauf que sous la plume de l'historien Christophe Granger, la trajectoire de Joseph Kabris est analysée sous l'angle des sciences humaines.
L'ouvrage s'inscrit donc dans une méthode rigoureuse qui refuse de combler les blancs, encore moins d'organiser les épisodes biographiques en un ordre capable de suggérer des significations non visibles. Là où le romancier chercherait à styliser, intensifier des séquences pour produire un récit, l'auteur refuse fermement d'investir les mécanismes émotionnels, de tenter une approche psychologique de la vie de ce voyageur du début du XIX e siècle au parcours singulier.
Alors en quoi consiste cette biographie ?
Christophe Granger s'est attelé à étudier en détail les déterminismes impersonnels, non pas à recomposer les moeurs ou la culture des gens auxquels Joseph Kabris est mêlé mais les mécanismes sociaux institués qui ont permis à Kabris de s'installer parmi les « sauvages » du Pacifique du Sud, de s'adapter au changement radical qui l'a transporté dans la Russie d'Alexandre Ier. Saisir les ruptures de vie, les bifurcations qui imposent à Kabris une stratégie, un apprentissage de différents modes de socialisation ...

L'approche objective presque radicale, si elle débarrasse la biographie de sa dimension sensationnelle, ne rend pas moins fascinant un tel parcours. Fruit de quinze ans de recherche, l'enquête menée par Chistophe Granger est magistrale. La présentation systématique des différentes options d'analyse donne une dynamique de lecture fort appréciable et la phraséologie sociologique est relativement accessible pour les non-initiés.
De Kabris, je retiendrai avant tout un homme qui n'a jamais cessé d'être un étranger, même une fois revenu dans son pays d'origine, et une condition d'origine populaire qui ne l'a pas empêché de vivre milles vies en une.
Même s'il m'a fallu presque cent pages pour m'immerger dans cette biographie sociologique, j'ai passé un bon moment de lecture.
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Voici un essai remarquable, intelligent et passionnant de bout en bout. En 1798, un jeune homme de 18 ans, Joseph Kabris, marin sur le baleinier le « London » fuit le navire alors que celui-ci passe à proximité de l'île de Nuku Hiva dans l'Archipel des Marquises. Or celui-ci, contrairement aux trois européens présents sur l'île en même temps que lui, s'intègre totalement dans son nouveau milieu, adoptant la langue et les coutumes des indigènes. C'est ce processus d'adaptation richement documenté que l'auteur décrit dans la première partie de son ouvrage.

Sept ans plus tard, la Nadejda, navire russe commandée par le capitaine Krusenstern, en mission d'exploration pour l'empereur Alexandre Ier, aborde l'île de Nuku Hiva. Kabris sert d'intermédiaire entre l'équipage et les indigènes. Son corps entièrement tatoué et sa connaissance des moeurs locales fascinent l'équipage et les scientifiques. Dans des circonstances peu claires, Kabris reste à bord du Nadejda quand celui-ci lève les voiles au bout de deux mois. le navire atteint le Kamtchatka deux mois plus tard. En 1806, il gagne Moscou. Plongé dans un milieu totalement étranger à sa nouvelle identité, Kabris va utiliser son corps et les compétences acquises sur Nuku Hiva pour s'intégrer dans son nouveau milieu. Il réinterpète son passé, transforme sa vie en un récit aussi saisissant que possible, en s'adaptant à son auditoire, ce qui lui assure une rapide intégration dans la société russe.

Quelques années plus tard, en 1817, après la fin des guerres napoléoniennes, il quitte la Russie pour la France. Il débarque à Calais le 26 juin 1817 et rejoint Paris où il espère, comme en Russie, gagner les faveurs de l'aristocratie par le récit de sa vie. Mais les temps ont changé, l'exotisme ne fait plus recette. Kabris se produit alors dans un théâtre dans le quartier du Palais Royal où il met en scène sa vie. La bourgeoisie parisienne accourt, fascinée par les aventures extraordinaires de ce marin au corps entièrement tatoué qui sait s'adapter à son public et lui donner ce qu'il attend. Au bout de quelques mois, l'attrait de la nouveauté s'estompe et Kabris rejoint l'univers des foires et une existence de mobilité permanente. Il doit s'adapter à un public populaire en soulignant les traits les plus fantastiques et les plus spectaculaires de son existence. Après cinq années d'errance, il finit sa vie dans la pauvreté et la solitude. Il décède à 42 ans, enterré dans une fosse commune à Valenciennes.

L'auteur n'a pas voulu écrire une biographie classique d'un homme au destin singulier. Son objectif était de comprendre comment un homme ordinaire a réussi à s'adapter à des cultures et des milieux sociaux différents et que les différentes reconversions qu'il a vécues sont aussi au fondement de la plupart de nos vies, même si pour la plupart d'entre nous, elles ne sont pas aussi radicales. le récit de cette vie a aussi le mérite de sortir de l'oubli un homme ordinaire et de montrer que si la plupart de nos choix sont conditionnés par notre milieu social, il n'en reste pas moins une part de liberté dans notre manière de répondre aux évènements qui surgissent dans nos vies.


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Cet essai de biographie mêle histoire et sociologie, domaine où je suis beaucoup moins versée que dans le premier.
Christophe Granger travaille ici sur un sujet extraordinaire qui donne l'impression d'un caméléon: Joseph Kabris glisse d'une civilisation à l'autre a priori sans difficulté, ayant même oublié sa langue natale après avoir passé 7 ans à Nuku Hiva. Dans cet ouvrage abondamment illustré, l'auteur développe plusieurs thèmes : le rapport biographé/biographe, la détermination sociale qui entraîne à chaque fois les changements d'identité de Kabris qui répondent alors à une demande de la société dans laquelle il se trouve, mais aussi la capacité qu'il a de se servir de ce qu'il a acquis dans les sociétés précédentes pour faire sa place dans la nouvelle.
Un ouvrage intéressant, qui interroge mais que j'ai trouvé un peu trop long...
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Ce roman foisonnant est tout autre chose que la narration des péripéties d'un aventurier à la fin du XVIII siècle. C'est le destin hors norme d'un homme qui a refusé la conformité et qui a changé de pays, de métiers, de costumes en se réadaptant sans cesse. A travers un portait complexe mais fluide, qui n'a de chaotique que l'apparence et qui est en fait cohérent, l'auteur pose deux questions: Qu'est-ce que le destin d'un homme? et Comment raconter une vie?
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Ce livre est magnifique, le sujet, l'écriture, le texte bien sûr mais aussi le livre, l'objet 🤗!! C'est un vrai plaisir et ce qui est intéressant c'est le point de vue décalé, de l'auteur, sur son sujet et qui nous décrit dès lors bien mieux ce que pouvaient être les interactions, entre les européens du 18/19e
siècle, avec les indigènes, dont ils découvrent les civilisations.
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critiques presse (1)
Telerama
17 octobre 2022
C’est tout le contraire qu’a fait l’historien Christophe Granger, dans ce magnifique essai, en déroulant « les possibilités d’une vie » — sous-titre de l’ouvrage — plutôt que les mâles certitudes d’une biographie en angles droits.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Je suis convaincu [...] qu'il n'y a rien dans une vie d'individu, pas même la possibilité de s'apparaître à soi-même comme une personne capable de choix personnels, qui ne soit déjà structuré, par des institutions sociales, c'est-à-dire par un ensemble d'attentes, de possibilités, de situations et même de gestes que chacun trouve déjà fait avant soi.
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Videos de Christophe Granger (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Christophe Granger
Avec Christophe Granger & Chloé Pathé, éditrice
Lecture par David Sidibé Rencontre proposée & animée par Jean-Luc d'Asciano
En 2020, le Prix Femina Essai a été attribué à Christophe Granger pour Joseph Kabris ou les possibilités d'une vie 1780-1822, publié aux éditions Anamosa, que nous avons déjà invitées dans ce cycle. Ne boudant pas notre plaisir, nous invitons ce soir et l'auteur et son éditrice, Chloé Pathé, à nous parler de ce livre. Né à Bordeaux vers 1780, embarqué sur un baleinier anglais, Joseph Kabris a vécu durant sept années sur une petite île du Pacifique. Il s'est intégré à la société des « sauvages », a appris leur monde, leur langue, a été tatoué de la tête aux pieds. En 1804, une expédition scientifique russe l'arrache à son île ; il devient russe, avant de regagner la France. Là, il donne à sa vie les traits d'une épopée et fascine les foules, avant de mourir à l'âge de 42 ans. L'historien et sociologue Christophe Granger signe une enquête fascinante et troublante sur ce qui fait une vie.
À lire – Christophe Granger, Joseph Kabris ou les possibilités d'une vie 1780-1822, Prix Femina Essai 2020, éd. Anamosa, 2020.
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