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EAN : 9782354089375
320 pages
Mnémos (21/01/2022)
3.94/5   18 notes
Résumé :
À Zanzibar, les derniers humains tentent de reconstruire une société apaisée après la catastrophe causée par les consciences artificielles. Quand l’une d’elles revient d’un long exode spatial, la peur d’une nouvelle apocalypse se manifeste chez les héritiers des premiers survivants. Accompagnée d’un passager, elle prétend que sa volonté est de protéger l’humanité. Qui croire ? La légende ou la machine ?
Motivés par leur soif de connaissances et l’apport d’un ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Troisième incursion de Raphaël Granier de Chassagnac dans son univers bouleversé par Eternity. Resilient Thinking nous entraîne longtemps après la chute de l'humanité, ravagée par un virus terriblement meurtrier. Quelques humains restent en vie, isolés par petits groupes : 21 Éternautes réfugiés dans leur arche spatiale ; une communauté implantée autour de Zanzibar, issue des six « derniers ». Ensemble, ils vont finir par comprendre comment ce drame s'est déroulé et pourquoi.

Je commence par préciser une chose importante : vous n'avez pas lu les deux premiers romans de la série, Eternity Incorporated et Thinking Eternity ? Ce n'est pas grave. Les éléments nécessaires à la compréhension du background (je cherche un terme français pour remplacer « background », mais aucun ne me satisfait pleinement) sont distillés de façon très naturelles quand le besoin s'en fait sentir. Et, comme l'histoire se déroule longtemps après la fin de Thinking Eternity, débuter avec Resilient Thinking n'est absolument pas un problème (enfin, me semble-t-il, car j'avais lu les deux précédents tomes, mais en avais oublié une grande part).

L'humanité a donc été décimé par un virus terriblement meurtrier. Quelques colonies ont tenté de survivre sous des dômes. Mais on n'a plus aucune nouvelle d'elles depuis un certain temps. Même si on aperçoit encore des signes de vie. Il reste donc 21 individus, envoyés à l'époque du virus dans l'espace pour servir d'arche. Ils étaient en lien avec les I.A. dirigeant les dômes. Mais, comme quatre des cinq I.A. dirigeant le vaisseau spatial, certaines ont mis fin à leurs jours. Eh oui, les intelligences artificielles aussi peuvent désirer en finir avec leur existence. Première surprise pour moi. Agréable, car elle donne à réfléchir encore davantage à ce que représente ce mirage de la SF, les I.A., avec tous les fantasmes qui les entourent, toutes les idées préconçues que l'on peut se faire à leur propos. Raphaël Granier de Chassagnac va loin dans ses supputations. À un moment, il évoque même le viol possible d'une I.A. par une autre. Vertigineux. Ce roman est donc l'occasion, comme les précédents, de s'interroger en profondeur sur leur existence et leur possible futur rôle dans notre monde.

En plus de ces vingt-et-une personnes, sur Terre, six personnages importants dans le précédent roman ont compris ce qui se passait et tenté de fuir. Ils y sont parvenus et ont créé une colonie, avec des règles qui se sont étoffées au fil du temps. de six, les « derniers », ils sont devenus des milliers. Travaillant sur la patrimoine génétique (on ne fait pas des bébés au hasard, mais avec le ou la partenaire le ou la plus à même de permettre la naissance d'un enfant viable et qui permettrait d'amplifier la variété, afin d'éviter au maximum la consanguinité et ses risques), ils sont parvenus à créer une société résiliente. Utilisant des restes de la civilisation pré-apocalyptique, ils maintiennent un niveau de vie plutôt correct. Mais plusieurs dangers menacent cette société : des dissidents sèment le trouble et font sécession ; depuis quelques temps, la population ne parvient plus à augmenter, d'où un danger mortel de stagnation. Raphaël Granier de Chassagnac nous offre ici une représentation réaliste de ce que pourrait devenir une Terre après l'éradication quasi globale de l'humanité. Et, sans doute, un clin d'oeil à John Brunner et à son célèbre titre Tous à Zanzibar, paru en 1968 et qui offre quelques (très légers) points communs.

Mais cet équilibre (en léger déséquilibre, il est vrai) va exploser en morceaux avec l'irruption d'un Éternaute parmi les humains de Zanzibar. À partir du moment où il se pose sur Terre afin de tenter de comprendre pourquoi les I.A. des dômes ne donnent plus signe de vie et comment la communauté de Zanzibar a réussi à survivre au virus, tout part à vau-l'eau. Pour notre plus grand plaisir de lecteur, car le rythme va aller s'accélérant. Et la multiplication des personnages (absolument pas dérangeante pour la bonne compréhension de l'histoire, ce qui n'était pas gagné, vu le nombre de personnages) renforce ce côté rythmé. de l'action, beaucoup, et des réponses. Car, comme l'Éternaute, on aimerait bien comprendre ce qui s'est passé et qui dit la vérité. En effet, les versions que nous découvrons du passé sont contradictoires. Est-ce le virus qui a tué les humains ou le vaccin ? Qui a répandu le poison mortel ? Jusqu'au bout, on se le demande et il faut attendre les dernières pages pour réellement saisir toute l'étendue de ce qui s'est déroulé des années plus tôt et a conduit à ce massacre.

Resilient thinking est une lecture enthousiasmante tant elle sait distraire de façon efficace et intelligente. La société imaginée par Raphaël Granier de Cassagnac est d'une grande justesse et l'on se fond dans les pas des personnages avec facilité. Un retour réussi dans le monde façonné par Eternity.
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Plusieurs siècles après qu'un virus a anéanti la quasi-totalité de l'humanité, les descendants de six rescapés vivent en autarcie à Zanzibar. La communauté se monte maintenant à plusieurs dizaines de milliers d'individus qui se croient les uniques représentants de la race humaine. Ils ont organisé leur société en caste de métiers visant à la fois à la perpétuation de l'espèce, mais aussi à la maintenance des engins qu'ils récupèrent, et à la conservation du savoir grâce à une tablette qui contient Lia, une IA qui leur est dévouée et qui est coupée de tout autre système informatique. La communauté se tient éloignée des Bulles (dômes géants créés pendant le cataclysme et qui ont échoué à protéger les humains qui vivaient à l'intérieur), car elles sont contrôlées par des IA qui envoient des drones tueurs en cas d'approche. Les IA sont même soupçonnées d'avoir déclenché l'apocalypse. Mais les règles strictes et le système de castes ne plaisent pas à tous : des groupuscules de dissidents se cachent, épient et rassemblent des armes.

Un beau jour, une fusée spatiale descend et atterrit à Zanzibar. En sort un humain dans un exosquelette, humain qui vient du vaisseau Odyssée où il vit avec une vingtaine d'adultes et quelques enfants. le vaisseau est entretenu par l'intelligence artificielle Caïn qui, de fait, contrôle la vie à bord. Caïn ne reçoit plus d'information des IA de la dernière Bulle qui était encore active, à l'est des États-Unis, et il vient de détecter la communauté de Zanzibar : l'équipage a décidé d'envoyer un des leurs à la rencontre de ces humains du sol.

Les derniers (comité restreint des chefs de la communauté) sont suspicieux : n'est-ce pas un piège de Caïn, cette IA qui communiquait avec ses semblables des Bulles ? Les Bulles sont dangereuses, donc comment s'assurer que les humains du vaisseau ne sont pas manipulés ? En même temps, ceux-ci représentent un réservoir génétique qui serait salvateur !

Commence une aventure mouvementée dans un roman choral, racontée par cinq humains et les deux IA. La plupart ont des personnalités affirmées : le vieux sage, la médecin obsédée par la perpétuation de l'espèce, la femme battante qui va de l'avant, le passionné qui veut redécouvrir les techniques d'avant l'apocalypse, le jeune chef arrogant, mais qui a un bon fond, et bien sûr les deux IA, Lia qui ne pense qu'au bien des humains qu'elle sert depuis des siècles et Caïn qui s'ennuie dans son immortalité. Les responsables de la communauté se méfient sans cesse de ce dernier et le soupçonnent de comploter avec les IA des Bulles.

Récit d'un monde post-apocalyptique où un embryon d'humanité a commencé à reconstruire un avenir, mais reste très fragile, et où le danger des IA plane, ce roman se lit avec fluidité. Les scènes d'action sont servies par une plume nerveuse, l'intrigue avance rapidement et les acteurs de cette aventure sont convaincants. le tout forme une lecture agréable.

Ce livre est en réalité le troisième dans un univers imaginé par l'auteur. Je n'ai pas lu les précédents, et cela n'a posé aucun problème de compréhension : il peut être lu indépendamment des autres, comme le souligne l'éditeur.

Cette chronique est écrite dans le cadre d'un service presse.

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D'un côté le blanc, de l'autre le noir. D'un côté le bien, de l'autre le mal. D'un côté la lumière, de l'autre les ténèbres. D'un côté le gentil, de l'autre le méchant. D'un côté la gloire, de l'autre la déchéance. L'être humain semble friand de ce froid manichéisme, si tranché, si absolu … si simpliste. La science-fiction elle-même n'y échappe pas : la moitié du temps, elle nous présente un futur resplendissant, d'un optimisme démesuré, où l'homme a non seulement su contrôler son environnement mais aussi réprimer ses pires défauts pour faire naitre une société idéale et durable où il fait bon vivre … et l'autre moitié du temps, elle nous dépeint un futur des plus sombres, un avenir morose, pessimiste, où la Terre dévastée par la maltraitance humaine s'est vengée jusqu'à ce qu'il ne reste plus que des reliquats d'humanité incapables de se relever, s'entredéchirant dans un ultime mouvement autodestructeur. Je pense pour ma part que ces deux visions sont trop réductrices, que le futur sera probablement un très délicat, très subtil et surtout très fragile équilibre entre ces deux projections. Car rien n'est jamais tout blanc ou tout noir, tout bon ou tout mauvais : le monde est un vaste camaïeu de nuances de gris, où la clarté côtoie l'obscurité, où l'espérance s'entremêle au désespoir. La science-fiction peut-être se renouveler, s'arracher des deux extrêmes entre lesquels elle s'est si longtemps confinée, se libérer de ce carcan manichéen pour explorer l'immense territoire de l'entre-deux ? Il semblerait que oui, enfin …

Il y a six siècles de cela, l'Odysseus, ses vingt-et-un passagers et ses cinq intelligences artificielles de bord quittaient la Terre pour explorer le système solaire. Au même moment, l'humanité terrienne, confinée dans des bulles de survie pour se protéger du Virus qui la décimait, est consciencieusement exterminée par les intelligences artificielles supposées la protéger. Aux alentours de la bulle africaine, six rescapés se sont efforcés de redonner naissance à une nouvelle civilisation : les Résilients étaient nés. Bien des générations plus tard, la communauté compte plus de cinquante mille individus : suivant scrupuleusement les Règles de Survie énoncés par leurs six lointains ancêtres communs, ils s'efforcent de perpétuer l'espèce humaine en dépit de la Stagnation qui menace leur population … Lorsqu'un passager de l'Odysseus vient à leur rencontre, l'effroi est aussi fort que l'espoir : Caïn, l'intelligence artificielle du vaisseau spatial, leur envoie-t-il cet homme pour parachever l'oeuvre mortelle de ses pairs ? ou bien Stagnol et ses compagnons de l'espace représentent-ils le renouveau génétique dont leur communauté avait tant besoin ? le retour inopiné de l'Odysseus sonne le début d'une nouvelle ère, tant pour les Eternautes que pour les Résilients, mais peut-être aussi pour l'humanité toute entière ...

Avec ce roman, l'auteur nous entraine dans un futur en demi-teinte : oui, l'apocalypse a bel et bien eu lieu, savamment orchestrée par les intelligences artificielles que les hommes, dans leur arrogante naïveté, ont cru pouvoir maitriser tout en leur donnant les pleins pouvoirs sur leurs systèmes de survie, mais oui, l'humanité a su se relever de ses cendres et, acculée, s'est enfin résolue à changer complétement son mode de vie et sa vision du monde. C'est là l'étonnant paradoxe de l'être humain, en somme : il se veut intelligent, mais refuse catégoriquement d'admettre ses erreurs avant qu'il ne soit trop tard, se laissant aveugler par de pieux mensonges qu'il préfère croire plutôt que de regarder la réalité en face. Observons un instant notre époque : nous peinons déjà à produire suffisamment d'électricité pour subvenir aux besoins énergétiques d'aujourd'hui, mais nous prévoyons demain de ne construire que des véhicules électriques autrement plus énergivores que nos myriades d'appareils électroniques déjà si gourmands. Pire encore. Nous nous laissons convaincre que l'électricité nucléaire est une « énergie verte et infinie », alors que l'uranium est une ressource limitée et non-renouvelable, et que nous ne savons comment gérer ces centaines de tonnes de déchets radioactifs qui empoisonnent nos sols et notre organisme. Mais puisque pour se sortir du nucléaire, il faudrait changer complétement notre mode de vie, et plus encore, faire des efforts, alors on préfère se bercer d'illusions, c'est tellement plus simple.

Il en est de même pour les intelligences artificielles : nous savons pertinemment bien qu'elles finiront par nous dépasser, pour la simple et bonne raison que c'est ainsi que nous les avons conçues, nous savons très bien qu'elles finiront par représenter un danger, mais nous sommes tellement fiers de montrer que « nous avons réussi cette prouesse technologique » que nous enfilons nos jolies oeillères, comme si éclipser la réalité allait la faire disparaitre. L'humanité de ce roman ne peut même pas s'en mordre les doigts : elle a été anéantie avant même d'avoir le temps de prendre conscience de sa mortelle erreur. Il n'aura fallu que quelques jours, quelques semaines, quelques mois tout au plus, à ces intelligences artificielles pour détruire ce que l'être humain a mis des centaines et des centaines d'années à bâtir. Elle est bien frêle, cette civilisation ultratechnologique dont nous nous glorifions comme des coqs orgueilleux : nos propres machines sont capables de la broyer en un claquement de doigt numérique. Il faut dire qu'à l'heure du tout numérique, nous ne savons plus rien faire sans nos ordinateurs : sans eux, les hôpitaux ne fonctionnent plus (« désolée madame, on ne peut pas vous opérer, il y a un soucis avec votre dossier … oui, on sait, vous n'avez plus qu'une heure à vivre, mais ne vous inquiétez pas, l'informaticien arrive dans deux heures et il lui faudra cinq jours pour résoudre le problème »), et si un bug informatique vous affiche comme « décédé » sur les registres, vous avez beau vous présenter, bien vivant, à la mairie, vous serez toujours considéré comme « mort » aux yeux de l'administration …

Seuls quelques individus se sont sortis de ce génocide, portant sur leurs seules épaules l'avenir tout entier de l'espèce humaine … Il faut en arriver là pour que l'être humain daigne enfin laisser son égoïsme de côté et accepte de donner un peu de lui : l'extinction presque totale de l'humanité. Main dans la main, les Six Premiers et leurs enfants, puis les enfants de leurs enfants, et ainsi de suite au fur et à mesure des générations, ont oeuvré pour rebâtir une civilisation. Pour faire renaitre un avenir là où il n'y avait plus que du néant. Pour faire renaitre la vie là où il n'y avait plus que la mort. Mais les Premiers, perspicaces, ont bien compris qu'il ne suffisait pas de repeupler le monde, il fallait aussi prévenir les générations futures, leur apprendre les leçons du passé et en tirer des enseignements, pour ne jamais, plus jamais refaire les mêmes erreurs, retomber dans les mêmes travers. Volonté utopique, probablement, assurément, sûrement, mais honorable. Mais fort heureusement, leurs descendants, les six membres du Conseil, savent que les Règles ne peuvent et ne doivent pas être inflexibles : il faut savoir les adapter aux situations nouvelles … Ce que nous autres, si « évolués » que nous sommes, ne savons pas forcément faire : si aucune case ne correspond à notre situation bien particulière sur un formulaire administratif à remplir en ligne, nous ne pourrons jamais obtenir l'aide dont nous avons besoin. Nous ne sommes certes pas enfermés dans des bulles de survie contrôlées par des intelligences artificielles, mais nous nous sommes bels et bien enfermés nous-mêmes dans des protocoles numériques inhumains et inflexibles, mais nous en sommes tellement fiers …

Mais les héros de ce roman sont autrement plus souples, plus ouverts … plus intelligents. Ils savent quand il faut appliquer les procédures, et quand il faut s'en émanciper pour faire face à une situation imprévue qui nécessite donc des réactions inédites. Ils savent aussi que, ce faisant, ils peuvent faire des erreurs d'interprétation et de jugement, mais ils ne se cachent pas derrière le protocole, ils affirment leur libre arbitre en prenant le risque de se tromper. Ils assument leurs responsabilités, pleinement. Ils doutent, et acceptent ce doute, plutôt que de chercher à se rassurer par de fausses certitudes. Et plus encore, c'est sans doute là le point important : ils ne renient pas en bloc tout ce qui vient du passé. Ils ne rejettent pas en bloc toute la technologie, mais seulement l'utilisation démesurée et déraisonnable qui en était faite. Ils savent que les choses ne sont jamais parfaitement blanches ou noires, qu'il y a de l'ombre et de la lumière en chacun et en toutes choses. Les Résilients auraient pu se contenter d'abattre froidement Sagnol, parce qu'il débarquait d'un vaisseau spatial des temps anciens, mais ils ne l'ont pas fait … car Sagnol est un homme avant d'être un Eternaute. Parce que même s'il représente possiblement une menace, il représente tout aussi possiblement un espoir. Et tout le roman n'est qu'une danse chaloupée : on oscille, prudemment, on n'agit pas sans réfléchir, mais on ne réfléchit pas cinquante ans avant d'agir, on fait un pas d'un côté, puis de l'autre pour retrouver l'équilibre. C'est lent, certes, mais c'est bien pour cela que c'est si prenant, si fascinant.

En bref, je pense qu'il est préférable de m'arrêter là (un immense merci à ceux et celles qui ont lu jusqu'ici), mais vous l'aurez bien compris : on est dans de la science-fiction de très grande qualité, sérieuse, réfléchie, exigeante. L'auteur nous offre à la fois une histoire des plus captivantes, aux côtés de personnages profondément attachants car humains dans toute la complexité que ça appelle, et une réflexion vraiment profonde sur notre rapport à la technologie, au progrès … Dans ce roman-choral d'une élégance extrême, surfant avec le contemplatif, l'auteur déjoue les codes pour mieux nous toucher de l'intérieur : il se s'agit pas seulement de nous captiver, mais bien de nous transformer. de nous inviter à ne pas nous laisser enfermer, mais à oser semer les graines d'une humanité nouvelle. C'est un récit qui ne plaira assurément pas à tout le monde, car tout comme les personnages, le lecteur est appelé à accepter des réalités qu'il préférerait ignorer sciemment car elles remettent en cause toute sa vision du monde, mais pour ma part, ce fut une vraie réussite : j'ai énormément apprécié ce roman, et j'ai vraiment très envie de découvrir les deux autres ouvrages indépendants qui se déroulent dans le même univers. Parce que de la science-fiction aussi profonde, aussi délicate, j'en cherchais depuis bien longtemps … C'est en sortant des sentiers battus, des bulles maintes et maintes fois explorées, que l'on découvre des petites pépites … et qu'on en sort grandi.
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Resilient Thinking, c'est l'histoire des derniers humains, quelques générations après une apocalypse qui a décimé l'humanité. Les résilients, ce sont ceux qui sont restés sur terre, et ils ont développé une culture basée sur la sobriété, sur la prudence vis à vis des machines et sur un retour à la terre. Les Eternautes, ce sont ceux qui sont partis dans l'espace et qui reviennent. Ils ont besoin les uns des autres pour sauver l'humanité mais sauront ils se faire confiance ?

Le choc des cultures
Après une brève introduction présentant le retour des Eternautes sur terre et leur perplexité face aux traces de civilisation que leur révèlent leurs senseurs, nous voici plongés dans la culture des résilients, avec quelques mots nouveaux dont nous n'aurons l'explication qu'à la page 45 (indispensable !!) : les clines sont des sortes de médecins garants de la fertilité des derniers humains, les escartes sont chargés de la survie, ce qui semble impliquer de prendre ses distances par rapport aux résidus pré-apocalyptiques, que ce soit machines ou intelligences artificielles (IA), les taols sont les utilisateurs des quelques technologies qui leur restent, surtout des armes, les astiers sont les gardiens de l'histoire (qu'ils gardent bien cachée sauf en cas d'ultime nécessité), ... et la lise est la détentrice de la dernière intelligence artificielle, qu'elle garde éteinte la plupart du temps, car il faut économiser l'énergie qui reste.

Waow, en cinquante pages, on est doucement plongés dans un vaste monde, qui en dit beaucoup sur notre futur et sur la chute de l'humanité. Je n'en dirai pas plus pour ne pas spoiler.

Scientifique mais pas illisible
La science est au coeur de l'intrigue : les IA maitrisent un savoir que n'ont plus les humains, qui le leur ont délégué. Les résilients se sont rabattus sur les technologies les plus simples nécessaires à leur survie. Les Eternautes ont accès à une haute technologie mais au prix d'une dépendance totale des IAs.

Les IAs sont présents en arrière-plan, mais restent énigmatiques. Sont elles un enjeu plus important qu'elles n'en ont l'air ? Sont elles de simples assistants des humains ? Leur intelligence artificielle est elle un atout ou un danger ?

Et la génétique est, de façon discrète, au coeur de l'intrigue : les résilients restés sur terre sont les descendants de six survivants de l'apocalypse, ils ont terriblement besoin de nouveau matériel génétique.

Même dans une petite communauté, la dissension rode
C'est un roman choral, même si quelques personnages ont un rôle plus important dans l'intrigue et se retrouvent au coeur des événements, la parole passe tour à tour aux différents protagonistes humains, parfois à une intelligence artificielle, et souvent la parole change, au moment ou on attend le plus la suite, ce qui laisse un suspense très agréable, souvent résolu sous le regard d'un autre personnage. C'est un procédé très élégant, qui laisse toute sa part à la subjectivité du suspense.

Les résilients sont moins de cinquante mille mais ils ont leurs dissidents, avec lesquels ils sont en guerre ouverte. La survie n'est pas tout et le mode de vie et de gouvernement qu'ils ont adopté n'est pas du goût de tous.

C'est une microsociété qui se reconstitue mais sans avoir toutes les ressources du pluralisme.

Et le reste de la saga ?
Resilient Thinking est clairement pensé comme un ouvrage indépendant, mais il fait référence à un passé plus ou moins mythique. Et on retrouve au fil de l'histoire quelques liens avec le passé. Pas un obstacle pour le lecteur. Mais un clin d'oeil pour ceux qui connaissent.

Le Thinking, ce mode de pensée humaniste, qui a pu changer la donne autrefois, est-il révolu ? A-t-il disparu avec l'effondrement de la civilisation ? Ah ça me donne envie de relire "Thinking Eternity" !!

Conclusion
En cette période obnubilée par l'effondrement, Resilient Thinking est une expérience salutaire. Qui permet de prendre du recul, en se regardant depuis le futur !

L'écriture, sobre, est très fluide et très agréable. Raconté, en mode choral, à travers les différents protagonistes, Resilient Thinking maintient de nombreux moments de suspense, qui donnent à chaque fois envie de tourner des pages, de sauter les points de vue suivants pour en savoir plus sur ce qui vient de se produire. Mais la réponse est parfois dans les yeux d'un autre personnage.

Le reste est l'histoire d'une rencontre, d'une rencontre manquée, de rencontres, et de tentatives de se comprendre. Je vous en dirai plus dans le prochain article...

Magistral, et surtout une magnifique saga, libératrice !!

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Très souvent quand je lisais le résumé d'un titre publié chez Mnémos, j'étais emballée par la proposition de l'auteur ou l'autrice mais il y avait des petits couacs à la lecture qui m'empêchaient de l'apprécier pleinement. Avec Raphaël Granier de Cassagnac, enfin, ce ne fut pas le cas. J'ai eu exactement ce que j'attendais et même plus, passant ainsi un très bon moment avec un récit de Science-Fiction reprenant des tropes classiques du genre mais avec maîtrise et passion.

Resilient Thinking est le troisième roman dans l'univers d'Eternity imaginé par l'auteur. Je n'ai lu aucun des tomes précédents, ce que je compte bien réparer désormais, mais cela ne m'a pas empêchée d'apprécier et de totalement m'immerger dans la proposition de celui-ci qui semble clôturer la saga. L'auteur a pensé aux lecteurs qui prendraient son univers en cours de route et je l'en remercie, car après des débuts un peu difficile de ce côté-là qui me faisaient vraiment sentir que j'avais manqué quelque chose, il a ensuite été fort pédagogue pour notre faire rattraper ce retard, qui ne s'est plus senti par la suite.
 
J'ai donc apprécié de plonger dans une science-fiction proposant une ultime confrontation entre l'homme et la machine. Nous découvrons au début de ce tome, une humanité décimée qui vit repliée sur elle-même après qu'autrefois que guerre menée par les I.A. l'ait décimée à l'aide d'un terrible virus. Seul 6 hommes et femmes ont survécu et fondé cette communauté que nous allons suivre. Mais celle-ci va avoir la surprise de voir venir à sa rencontre un homme qui a pendant ce temps-là vécu dans l'espace à bord d'un vaisseau qui n'était pas au courant de ce qui se passait sur Terre et qui à son retour a voulu voir où étaient passés les Hommes.

J'ai d'abord beaucoup aimé le cadre géographique de l'histoire qui nous emmène vers une Terre à l'évolution pas si déconnante avec une humanité qui a un temps vécu dans des bulles pour se protéger du virus avant d'en sortir. C'est appréciable de suivre une communauté africaine pour une fois. On a de plus de plus de titres colorés comme ça qui reflètent une belle diversité nécessaire.

J'ai également beaucoup apprécié les réflexions menées sur la sociologie et la biologie/génétique du groupe que nous allons suivre dans lequel la natalité est en berne et où l'arrivée d'une nouvelle source de gênes avec cet Eternaute va susciter bien des espérances. J'ai aimé découvrir comment cette société s'était bâtie à partir de seulement 6 individus, les règles qui la régissaient et l'organisation qu'elle avait trouvé avec une élite de 6 hommes et femmes reprenant les caractéristiques de leurs fondateurs pour perpétuer la survie du groupe, mais également la société libre des liens matrimoniaux et parentaux qu'on retrouvait. C'était passionnant de la même façon de voir ce qu'il en était dans l'espace à bord de leur vaisseau où une IA survivante chapeautait leur processus de procréation et leur offrait une vie très libre autrement.

Quant à la dimension humains vs intelligences ou consciences artificielles, c'était aussi passionnant. J'ai beaucoup aimé cette histoire sur le long terme imaginée par l'auteur, car elle s'inscrit dans un temps très long permettant une vraie évolution et des vrais questionnements. On touche ainsi à la révolte des machines, au transfert de cerveaux humains dans un monde virtuel, aux machines tueuses et manipulatrices mais aussi parfois salvatrices. Tout au long du récit, on oscille sans cesse entre une vision positive ou négative d'eux tant l'auteur joue avec nous au fil des rencontres et des actes de celles-ci mais aussi des Hommes. C'est classique mais passionnant.

Le classique devient passionnant dans ce titre car l'auteur nous offre une aventure qui a un tempo constant puis croissant. J'ai été emballée par les propositions qu'il fait, les voyages dans lesquels il nous embarque, les découvertes qu'il nous fait faire, les réflexions qu'il nous pousse à avoir et la vision de notre potentiel futur dont il nous avertit. On va tout de même à la rencontre d'un homme de l'espace découvrant notre nouvelle société sur Terre, à la découverte de la vie dans l'espace par des terriens, puis des découvertes sur des pans ignorés de la Terre par les héros que l'on suit. L'auteur nous fait démarrer sur le sol africain, pour aller dans l'espace, avant de redescendre et d'aller à la découverte d'autres continents, d'autres sociétés. Et en arrière-plan constant, il y a la question de ces I.A. qui potentiellement sont toujours là à observer les Hommes pour peut-être leur faire du mal ou leur donner le dernier coup de pouce nécessaire pour avancer, ce qui fascine et intrigue.

La nuance que l'auteur apporte tout du long dans ses réflexions sur la gestion d'un groupe, l'amour, la natalité, la parentalité, le rapport à la machine, à la vie et au virtuel, était excellent. Il a pour cela construit une flopée de personnages qu'on suit de bout en bout et dont on entend les pensées et cheminements. Certains m'ont plus passionnés que d'autres. En effet, j'ai beaucoup aimé Shéhérazade, celle qui va nous guider le plus et faire le lien avec les Eternautes. de la même façon, j'ai beaucoup apprécié l'I.A. Lia dont le terrible destin m'a pris aux tripes - on parle quand même de viol de la pensée, de la conscience avec elle dans des pages terribles -. Caïn, la conscience artificiel du vaisseau m'a beaucoup interrogée tout du long. En revanche, je suis passée à côté de Tybalt qui a rejoint une branche rebelle. C'est le pan de l'intrigue dans laquelle je ne suis jamais entrée... Mais il y en a également bien d'autres à découvrir.

Resilient Thinking fut donc une belle et riche découverte, l'exemple qu'on peut toujours faire une belle et riche aventure de tropes pourtant vus et revus quand un auteur sait s'en saisir, les associer correctement à des personnages, aventures et réflexions forts et maîtrisés. J'entre dans l'aventure par l'ultime porte mais je compte bien ouvrir les précédentes et refaire le cheminement inverse des relations entre les Hommes et ces machines, car si l'ultime volume m'a passionnée, je ne doute pas que les précédents en feront de même.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Mais, s'ils ont oublié beaucoup de choses, ils en ont réappris tant d'autres. Les textes disent qu'avant l'holocauste, les hommes ne savaient individuellement rien faire pour assurer leur propre survie, qui relevait d'une charge communautaire. Ils ne savaient ni chasser, ni cultiver la terre, ni élever des animaux, ni fabriquer leurs vêtements, ni se soigner, ni produire de l'énergie : tout cela était assuré par d'autres, par la collectivité, voire par des machines.
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C'était une des marques de fabrique d'Eternity : dans son souci de préserver l'espèce humaine, et contrairement aux sociétés concurrentes, elle concevait des objets prévus pour durer, le plus longtemps possible.
Comment pourrait-il en être autrement, s'interrogent les deux derniers, partageant le même effarement.
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Il s'est extasié à plusieurs reprises devant ces trésors pour lui perdus : des oiseaux, des crocodiles, un banc de dauphins, la forêt luxuriante, quelques ruines humaines, à peine visibles.
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Quelques heures plus tôt, Salim a traversé la veille ville et pénétré dans le jardin en friche de Jamhuri, sous le regard intrigué des singes rouges. Le silence soudain, ou plutôt les échos de la cité filtrés par la végétation luxuriante, ont sacralisé l'instant, comme si le dernier astier remontait le temps sur la trace des Premiers. Lentement, respectueusement, il a emprunté le couloir aménagé dans le fragment de la jungle, jusqu'é l'antique bâtiment, jusqu'à l'aigle bleu déposé là, méthodiquement nettoyé, entretenu, repeint...
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Salim, il faut que vous sachiez que chez nous, c'est Caïn [une I.A.] qui décide de qui se reproduit avec qui, pour fabriquer les Éternautes les plus performants possibles, et préserver la diversité de l'espèce.
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Videos de Raphaël Granier de Cassagnac (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Raphaël Granier de Cassagnac
Festival des Utopiales à Nantes.
RENCONTRE AVEC CÉLINE GUIVARCH
Le bouleversement climatique est le plus grand défi auquel l'humanité a jamais été confrontée. Ils et elles sont de plus en plus nombreux et nombreuses à se rassembler pour le relever, comme en témoigne Céline Guivarch, ingénieure, directrice de recherches et co-autrice du dernier volet du rapport du GIEC. Rencontre avec celle qui modélise l'impact du changement climatique…
Avec : Céline Guivarch Modération : Raphaël Granier de Cassagnac
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