Comment peut-on parler de "crime parfait" , à moins d'en être l'auteur et d'être laissé en paix par la police et la justice ? C'est la question que je me suis posée en commandant ce mini-thriller. Comme le fascicule ne compte que 79 (soixante-dix-neuf) pages, je serai en toute logique vite fixé !
En l'an 2000, 3 pêcheurs découvrent dans un méandre de la rivière Oder à Wroclaw en Pologne le corps d'un homme gravement mutilé. Cela allait faire 4 semaines que le noyé, Dariusz Janiszewski, avait disparu de son domicile, selon son épouse.
Le pauvre Janiszewski a connu une fin carrément atroce : affamé, torturé, et, les mains liées dans dos, jeté vivant aux poissons !
L'homme, 35 ans, est un personnage plutôt banal qui a mené une vie tout aussi banale, qui n'offre rien de nature à provoquer une telle violence.
L'enquête policière, faute d'indications valables, n'aboutit naturellement pas.
Crime parfait ?
Pas si vite !
Au commissariat de police de Wroclaw, il y a un enquêteur, le commissaire Jacek
Wroblewski, pour qui
un crime parfait ou impuni est une horreur et une abomination et le dossier Janiszewski l'obsède à tel point que le courageux policier y passe de très nombreuses heures de son temps libre dessus.
Puis, 3 ans après cet affreux meurtre, la patience et la persévérance de Jacek sont récompensées dans la mesure où la vente sur internet du téléphone portable ayant appartenu à l'assassiné conduit notre policier à l'identité d'un drôle de zèbre : un jeune intellectuel de 30 ans, qui réside pour le moment en France.
Krystian Bala est, en effet, tout le contraire de banal : étudiant exceptionnellement brillant en philosophie à l'université de Wroclaw, jeune marié, divorcé et père d'un fils Kacper, coureur de jupons invétéré, entrepreneur de commerce dépensier et ruiné et auteur d'un ouvrage scandaleux, titré "Amok".
Et avec ce bouquin, à mon avis, l'histoire se gâte.
Non seulement l'auteur ne mentionne nullement le fait que le grand
Stefan Zweig a publié, en 1922, un ouvrage avec ce titre "
Amok ou le fou de Malaisie", mais la longue énumération des influences philosophiques et littéraires de Bala a quelque chose d'indigeste :
Dostoïevski, Wittgenstein,
Nietzsche,
Jean-François Lyotard,
Jacques Derrida,
Georges Bataille,
Michel Foucault etc. Trop c'est trop ! Surtout pour un thriller de si peu de pages.
Aux amateurs de polars, il reste bien sûr la question de savoir si notre brave commissaire va arrêter le ou les meurtriers et le rôle précis de Krystian Bala dans cette sombre affaire ?
Deux facteurs sauvent le bouquin. Il y a l'exemplaire traduction par
Violaine Huisman, l'auteure du magnifique ouvrage "
Fugitive parce que reine", paru en 2018 et maintenant disponible en poche (folio).
Et la situation géographique du livre à Wroclaw, Breslau en Allemand, la ville d'un nombre de personnages illustres, dont peu de villes peuvent se vanter :
Ferdinand Lassalle (1825-1864), théoricien du socialisme ; Aloïs Alzheimer (1864-1915), qui ne nécessite aucune présentation ; la grande philosophe
Edith Stein (1891-1942) ;
Dietrich Bonhoeffer (1906-1945), le courageux pasteur protestant ayant résisté ouvertement à Hitler ; le célèbre historien
Walter Laqueur (1921-2018)....