Quelle belle surprise que ce premier roman de
Yannick Grannec, qui réussit à être à la fois drôle, sensible, intelligent, mordant… le tout en nous parlant de mathématiques ! Rassurez-vous, pas besoin d'être féru en la matière pour apprécier cet ambitieux et foisonnant roman ! Et quel joli titre pour définir Adèle Gödel !!!
Mais qui est Adèle Gödel ? La femme du plus grand mathématicien du XXe siècle,
Kurt Gödel , ami d'Einstein ? Une danseuse de cabaret qui ne reçoit que le mépris de l'entourage de ce dernier ? L'aide-soignante, véritable (et seule) bouée de secours d'un mari hors normes pour le monde et son époque, incapable ne serait-ce que de survivre sans elle ? Une vieille folle recluse dans une maison de retraite, refusant de transmettre les archives de son mari, pourtant si précieuses pour l'humanité ? Adèle est tout cela et bien plus encore, et c'est ce que nous révèle ce magnifique roman au travers de la confrontation de deux femmes, Adèle et Anna Roth, jeune documentaliste chargée par l'université de Princeton de récupérer les archives du maître.
On navigue donc entre l'histoire contemporaine qui se noue entre les deux femmes, bien loin des clichés et de la bienséance, sur fond de maison de retraite glauque, et le récit d'Adèle, de ce que fut sa vie aux côtés de son génie de mari durant 50 ans. Celle-ci retrace leur couple atypique - en mettant à nu ses rouages- et leur incroyable parcours, ancrés dans un XXième siècle mouvementé, de la Vienne bouillonnante des années 30 jusqu'au Princeton d'après-guerre où Einstein et Oppenheimer, voisins et amis, étaient fréquemment conviés à goûter la cuisine Mitteleuropa d'Adèle, entre autres...
Yannick Grannec nous raconte une histoire fascinante, croque des personnages complexes, avec un sens redoutable des dialogues, une narration rythmée et juste… Réflexion sur le génie, la connaissance et la folie, il s'agit avant tout de la retranscription d' une histoire d'amour tourmentée, mais insubmersible, mettant en présence deux personnalités hautement dissemblables : "un homme qui ne savait pas vivre" et "une femme qui ne savait qu'aimer". Equation difficile, pour ne pas dire insoluble... Qui fournit la matière, en tout cas, d'un livre aussi passionnant qu'instructif dont les 460 pages se dévorent quasiment d'une traite.