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Ce que j'ai ressenti:

▪️Il est le Cauchemar…

C'est incroyable, le nombre de remords qui voudraient s'immiscer dans ses nuits…Ça prend des formes et des noms étranges, des consonances d'ailleurs et des odeurs de jungle. Je suis le fleuve, est un roman qui parle de soldats, de syndrome-post traumatique, de rancoeurs et d'oublis. C'est l'histoire d'un homme hanté par le poids de la culpabilité et les horreurs de la guerre du Vietnam. Et au moment d'en parler, les souvenirs s'effacent, se confondent, de distordent, se superposent parce que la douleur est trop gigantesque. Elle emporte tout sur son passage et elle prend parfois, l'allure d'un fleuve en feu. L'enfer s'ouvre dans ses confidences. Israel Broussard n'est plus le même homme qu'au départ, il tente de réapprendre à vivre mais l'opération Algernon a laissé des impacts dans son esprit…Et le Molosse-Noir veille sa proie…

"Tu ne crois pas que j'ai souffert chaque seconde de ma vie, depuis? Les morts ont le beau rôle. Ils se contentent de disparaître dans le néant. Ce sont les vivants qui écopent de toute la souffrance."

▪️Il est le Noir Sublime…

C'est l'intensité de ce roman qui m'a renversée. Dès les premières pages, j'ai ressenti une force incroyable. Il est « habité » ce roman, non seulement par des fantômes et des anges furieux, mais par une prouesse poétique qui est venue me submerger comme un tsunami, à l'intérieur pour ne plus me lâcher. Ce n'est pas tant l'histoire qui est déjà en soi, est une bouleversante lecture, mais c'est dans la manière de la raconter avec une puissance dans les mots qui frappe au coeur. Il y a des passages absolument magnifiques et pourtant très sombres. Un mélange entre beauté et horreur qui s'entrelacent pour mieux perturber les sensations que j'imaginais dans la violence des combats. Des moments terribles où un enfer sans nom s'ouvre dans l'esprit du héros et rendent une atmosphère saisissante de Noir profond. Il laisse une forte impression ce roman, même une fois refermé, même quelques jours après…Mais au moment de la découverte, à l'instant même où je lisais ses lignes, c'est vraiment cette intensité et la force des mots posées que je retiendrais… Comme un vertige, un abysse sans fond. Qui aurait la fureur de toutes les eaux et de tous les feux du monde…Magnifique.

"Ce Fleuve brûlant, à la surface jonchée de flammes.(…). le voilà. le noir vient m'emporter, et je suis trop épuisé pour continuer de lutter. Trop fatigué pour me servir encore de la peur. le Fleuve tumultueux monte et m'engloutit, de plus en plus bruyant tandis que je m'enfonce. Trempé et froid."

▪️Il est la fabrique à émotions…

Vous le savez maintenant, j'ai un amour infini pour la poésie et j'aime quand mes émotions sont mises à l'épreuve, en lecture…Alors évidemment, avec cette expérience de lecture que fut Je suis le fleuve, c'est allé bien au-delà de mes attentes, et je reviens complètement éblouie par cette plume sensationnelle, puissante et imaginative. Mon coeur de ténèbres à moi se trouve là, dans ses pages, dans ce fleuve enflammé…Allier la beauté du noir à tant de lyrisme, c'est juste sublime. C'est un coup de coeur, comme on les espère: gigantesque et démesuré.

"Son coeur des ténèbres à lui se trouvait en Afrique, mais nombreux sont les coeurs qui battent à l'intérieur de nombreuses teintes de ténèbres, certaines plus noires et plus froides que tout ce qu'un écrivain pouvait concevoir ou expérimenter personnellement, pour ensuite y survivre et coucher cela sur le papier."

Ma note Plaisir de Lecture 10/10
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Une claque !! Sur les conseils des babeliottes (!) J ai plongé tête la première dans le fleuve, et j y suis encore, même si le livre a rejoint une belle place dans ma bibliothèque..
L écriture est serrée, sublime au regard de ce voyage en pays halluciné. l'histoire se tient admirablement bien, la construction du texte participe également à cette ambiance post traumatique.
Les dialogues, les personnages, l ambiance générale, mais surtout le monologue d Israël Broussard vous prennent aux tripes..c est terriblement efficace.
La référence au chef d oeuvre de Conrad est omniprésente, même si dans le cas présent, on rentre complètement dans le cerveau torturé du "héros"..
Je salue bien bas l auteur pour sa maîtrise du sujet. A croire qu il a vécu l enfer de Broussard..
C est du grand art. Je vais le recommander très fortement.. ca ne s adresse pas à tout le monde non plus.
J aimerai juste savoir si d autres ouvrages de cet auteur ont été traduits..ou vont l être.


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« Elle est lourde, cette bête, et mes poumons n'arrivent pas à se gonfler, alors ils happent de petites goulées d'air en mini secousses doubles ou triples, juste assez d'air pour éviter que je me noie dans le Fleuve qui a envahi mon lit, sous le poids de ce chien assis sur ma poitrine, qui m'enfonce dans l'eau. Ce Fleuve brûlant, à la surface jonchée de flammes. »


Est-il possible d'en appeler de manière plus condensée à l'Enfer dans la mythologie ? L'enfer, c'est là où se trouve Broussard, soldat américain envoyé faire la guerre au Vietnam. Mais si ce roman raconte la guerre et ses horreurs, c'est uniquement à travers la conscience tourmentée de Broussard. Broussard qui, pour avoir désobéi à l'ordre de tuer, sera embringué dans une opération secrète qui, bien que n'ayant jamais existé, portera le nom d'Algernon (« comme l'auteur » paraît-il : si vous pouvez m'éclairer surtout n'hésitez pas… je ne connais que le roman !), avec un escadron fantôme et dans des circonstances dont, de fait, il ne pourra jamais parler - et qu'il ne pourra donc pas exorciser.


« Pourquoi vous a-t-on retrouvé au sud-ouest du Laos, un pays où les soldats des Etats-Unis n'ont pas le droit de mener leurs opérations ? Qui vous a emmené là-bas, et qu'est-ce que vous fabriquiez, en violant la souveraineté internationale, mettant du même coup votre pays dans une situation dangereuse et potentiellement gênante ? »


Le roman débute avec un Broussard déboussolé, tentant de contrôler son corps et son esprit en face d'un psy inquisiteur. Sauf que tout se mélange dans sa tête, le présent, le passé, le futur ; le réel et l'irréel. Depuis son retour de la Jungle, Broussard a comme un gros chien noir sur la poitrine qui l'empêche de respirer, et le bouillonnement du fleuve, dans sa tête, menace de le noyer pour de vrai. Où qu'il aille, le chien le suit ; dès qu'il est seul, son poids l'étouffe. S'il s'endort, le Cerbère de ses secrets les plus sombres l'emportera, et l'enfer qu'il lui promet semble bien pire que cette survie en sursis… Quel est donc ce chien des Enfers ? D'où sort-il ? Et qu'a fait Broussard pour avoir son poids sur la conscience ?


*****

Après la courte 4ème, j'attendais tellement autre chose de ce livre que j'ai failli être déçue. J'ai même craint très fort de voir arriver un surréalisme à deux balles qui bâclerait tout ça… Mais j'achève finalement une histoire bien foutue et qui fonctionne. Dès le départ du roman, le soldat Broussard semble souffrir d'une sorte de SSPT. Il se méfie même des médecins chargés de déterminer s'il feint la folie pour éviter la cour martiale, ou s'il détient un secret à déterrer, ou s'il est vraiment fou et alors que feront-ils ? Surtout, dans la tête de Broussard, une autre voie semble exister. Une voie plus invraisemblable, et donc inexplicable à des médecins cartésiens. Cette voie qui m'a fait craindre que je n'allais pas du tout aimer la fin, s'annonçant trop facile à mon goût. Vous savez, comme quand on vous pond un truc magique pour expliquer l'inexplicable sans se fatiguer. Mais non. En refermant ce livre, c'est le mot cohérence qui me vient. Un tout où est mêlé le vrai au faux, que nous tentons de démêler. Mais souvent les deux font la paire et sont inextricables.


Sur la forme, l'auteur joue à la fois sur la paranoïa de Broussard, son déboussolement (on va faire comme si ce mot existait), les légendes vietnamiennes, les traumatismes personnels et les secrets de l'armée, pour brouiller les pistes dans le cerveau de Broussard - et donc du lecteur. Car celui-ci n'a d'autre choix que de se laisser porter par les pensées décousues de Broussard, à qui l'angoisse et ses « médicaments » font perdre la notion de réalité. A chaque fois que les périodes de sa vie se mélangent, les chapitres s'alternent. L'auteur réussit toutefois à ne jamais nous perdre. L'écriture n'a rien d'extraordinaire en elle-même, mais elle devient efficace car l'auteur a méticuleusement pensé autant son intrigue que sa construction.
Finalement, ce mélange de réel et de conte métaphorique qui aurait pu paraître rocambolesque demeure crédible. Il intrigue et donne envie de connaître l'origine du duo Fleuve-Chien.
La métaphore est évidente, c'est certain. Mais elle est habile par son imbrication dans les détails de l'histoire : Les bribes de mythologie qui planent dans le subconscient de Broussard ne font que mettre des images symboliques sur une culpabilité, exacerbée par les légendes vietnamiennes qui ont été le nerf de sa guerre…


« Je suis le Fleuve », ne cesse de murmurer l'eau qui ne dort jamais dans la tête de Broussard. Et s'il s'agit de celui qui sépare les Enfers du royaume des vivants, celui que seuls les morts enterrés selon les règles ont le droit de traverser dans la barque du passeur, le titre sonne comme un avertissement, qui prend tout son sens lorsque l'auteur dévoile les traditions du pays.
Comme si cela ne suffisait pas, le molosse infernal ajoute sa présence putride à la scène ; tel le Cerbère à trois têtes, dont chacune voit et représente le passé le présent et le futur, le chien noir sans forme de Broussard espionne toute la vie du persécuté, pour qui ces trois repères temporels se confondent : ils forment un tout que le chien des enfers accuse, enfermant soigneusement Broussard dans sa mauvaise conscience jusqu'à ce qu'il s'y étouffe et que cela le tue à petits… feux. Alors on veut savoir : Qu'a-t-il pu faire pour mériter ça ? Qu'est-ce que garde le chien, ou qu'est-il venu récupérer ? Veut-il punir Broussard ? Et encore une fois, lorsqu'on accole les actes de Broussard aux coutumes locales, l'image du chien finit par faire sens.
Les flammes de l'enfer auront également leur pendant sur ce fleuve laotien.
Même sa peur de dormir est infernale quand, dit-il, le fleuve et le chien le tueraient dans son sommeil, et la mort, loin d'en finir, serait pire que ce brouillard où il patauge actuellement. Car on sait qu'au pays de la nuit, des songes et du sommeil habitent Cerbère et Thanatos, la mort…


Reste à résoudre les vraies questions : Pourquoi Broussard croirait-il devoir mourir dans d'atroces souffrances ? Et plus important encore : Comment des légendes peuvent-elles devenir réalité dans la tête d'un occidental ? Que s'est-il passé dans cette Jungle et, surtout, Broussard peut-il guérir de ses (métaphoriques on l'espère) séquelles ? Une seule solution pour le savoir : prendre le parti de l'écouter, quitte à flirter, sur la corde raide, avec des légendes lointaines, avec la folie, celle des hommes, de leur foi… Et de leur conscience profonde.


« Il faut que je sois invisible, car ils ne doivent pas voir en moi, pas voir le lourd objet caché dans ma poche avant droite. »
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♫ One night in Bangkok makes a hard man humble ♪ Not much between despair and ecstasy ♪

One night in Bangkok and the tough guys tumble ♫ Can't be too careful with your company ♪ I can feel the devil walking next to me ♫

I can feel the devil walking next to me… Je peux sentir le démon marcher près de moi…

Voilà une phrase qui sied bien au personnage halluciné, traumatisé et azimuté qu'est l'ex-soldat Israël Broussard.

Mon problème avec ce roman a commencé dès l'entrée en scène de cet étrange personnage et j'ai eu un peu de mal à me concentrer sur ma lecture tant son comportement était bizarre, oscillant entre rêves éveillés (ou pas), cauchemars, visions, folie, démence… Ne biffez aucune mention, elles sont toutes utiles.

Vu sa psyché dévastée, il aurait eu sa place dans le film Apocalypse Now, sans aucun doute, mais il n'arrive tout de même pas à la cheville du colonel Kurtz… Ou alors, je dois revoir mes classiques de toute urgence (faut une prescription ?) !

Ce que Israël Broussard a vu de la guerre du Vietnamn ce n'était pas La croisière s'amuse (Love Boat), loin de là.

Pourtant, l'auteur nous donnera peu de détails sur l'horreur que fut cette guerre. Il en brosse les grandes lignes, les grandes monstruosités et Monsanto nous fait même un petit coucou avec ses produits défoliants toute concurrence.

En fait, on dirait que toutes les monstruosités, tous les actes barbares sont concentrés dans le personnage de Broussard. Non pas parce qu'il les a commis (même si on se doute que son traumatisme vient d'un acte violent) mais parce qu'il les a subies en participant à ce conflit.

À lui tout seul, il regroupe une bonne partie des syndromes post-traumatiques dont souffrent les soldats après une guerre.

On ne lit pas se livre tranquillement, il n'est pas un long fleuve tranquille, dedans on y côtoiera même un chien noir qui semble tout droit sorti des Enfers et qui poursuit Broussard sans relâche, malgré ses shoot à diverses substances.

Bizarrement, Molosse Noir poursuit Broussard depuis une mystérieuse opération au Laos qui n'est renseignée nulle part. La Grande Muette n'aurait-elle pas validé cette opération ?

Comment passe-t-on d'un homme traduit en cour martiale pour avoir refusé de tirer sur l'ennemi à un homme traumatisé par une opération clandestine dans un pays neutre ? Demandez à la taupe Chapel…

Une fois de plus, l'Amérique ne sort pas grandie de ces pages… Une fois de plus, le Super Gendarme du Monde en prend plein sa gueule pour pas un rond, l'auteur frappe sous la ceinture et je n'irai pas lui demander d'arrêter. Qu'il frappe seulement, tant que c'est avec des mots… Et ses mots poignardent.

Dommage que j'ai un peu galéré au départ parce que cela m'a fait perdre une partie du plaisir de lecture. Malgré tout, je n'ai pas tout perdu puisque le pays qui se fout de tout le monde s'est fait tacler sévèrement.

Heureusement qu'après mon patinage de départ j'ai persévéré car il s'est révélé au final un très bon livre dont le personnage le plus ressemblant au colonel Kurtz niveau folie n'était pas Broussard mais Chapel, la taupe, et son plan plus qu'halluciné !

Avec des personnages profonds, illustrant la diversité de l'Amérique à eux tous seuls (avec leur haine raciale, leurs préjugés et leurs différences culturelles), ce roman de guerre est spécial car il vous plonge directement dans la tête d'un ancien soldat qui se terre dans un trou pour échapper à ses cauchemars réincarnés en chien énorme.

En s'accrochant un petit peu et en dépassant ce côté bordélique du départ, on entre peu à peu dans un roman sur la guerre du Vietnam différent des autres, où la jungle et la ville de Bangkok prennent vie…

Un roman où les pires cauchemars vous poursuivent, sans qu'il y ait intervention de l'élément fantastique, simplement parce que la guerre a fait de vous un traumatisé, un pauvre hère hanté par ce qu'il a commis, parce qu'un ou plusieurs gouvernements, un jour, on décidé de se faire la guerre et de vous y envoyer la faire à leur place.

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Broussard est un homme déchiré. Depuis la fin de la guerre du Vietnam, il essaie de se reconstruire à Bangkok. Pourtant, il doit faire appel à ses souvenirs. En effet, il a participé à une mission particulière dans le territoire laotien. Là, il a assisté à quelque chose qui l'a profondément bouleversé mais dont il se souvient à peine. Que s'est-il passé ?

Il faut que je vous prévienne d'emblée. Ce roman a été pour ma part une lecture très laborieuse, mais pourtant, je peux affirmer, après en avoir découvert tous les tenants et aboutissants, qu'il en valait la peine. Je ne vais pas vous mentir, l'idée de l'abandon m'a guettée pendant le début de ce récit auquel je ne comprenais pas grand chose et que j'ai trouvé très décousu.

L'auteur a voulu rendre au plus près le sentiment de perdition qui assaille Broussard, et c'est ce qui rend le tout si particulier à lire. Il y a des moments où j'ai trouvé que ce récit était totalement halluciné. Broussard est totalement perdu, déboussolé, et en essayant de se reconstruire, il entraîne avec lui le lecteur dans les méandres de ses pensées.

Il n'y a pas de réelle unité dans ce texte, et c'est ce qui m'a dérangée pendant à peu près le premier quart de ma lecture. D'un coup, on suit Broussard en plein dans sa thérapie actuelle, mais celle-ci vient se mélanger avec celle qu'il a suivie pendant la guerre. Cela se superpose et il faut s'accrocher. le temps d'après, on retrouve finalement Broussard en plein dans le territoire laotien. Bref, sans aucune indication spatio-temporelle, j'avoue que je me suis perdue au début.

Et d'un coup, passé ce premier quart, et une fois que je me suis familiarisée avec tous les personnages et événements, j'ai suivi avec grande curiosité la suite des aventures de Broussard. J'étais réellement curieuse de savoir ce qu'il s'était passé et quel terrible événement a fait que notre protagoniste ait finalement été perturbé à un point inimaginable.

La force de ce roman réside sans aucun doute dans les personnages qui sont très bien construits et profonds. le protagoniste est attachant, mais les personnages secondaires ne sont pas en reste et ont leur importance.

La plume est très plaisante. Ce thriller se lit assez facilement et l'auteur a prit le parti de découper son récit en plusieurs petits chapitres, ce qui rythme l'histoire.

Après un début compliqué, principalement dû au fait que j'ai trouvé ce roman très décousu, je me suis prise au jeu et j'avais envie de connaître le dénouement. C'est une expérience de lecture très particulière et qui ne complaît pas le lecteur dans la facilité. À lire pour découvrir quelque chose de novateur et d'original.
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Avec Je suis le Fleuve, les éditions Sonatine publient pour la première fois en France l'écrivain américain T.E. Grau.
Strictement inconnu jusque là et pourtant déjà finaliste du Shirley Jackson Award pour son recueil The Nameless Dark, T.E Grau s'est également attiré les louages d'un certain Paul Tremblay, l'auteur de Possession, également publié chez Sonatine.
Une plongée sans concession dans la guerre du Vietnam et ses séquelles qui n'a (vraiment) rien de facile…

Chien de guerre
L'ouverture est ardue, complexe, brutale.
Je suis le Fleuve n'est pas le genre de roman paisible qui vous tient gentiment par la main pour vous mener le long des rives. T.E. Grau préfère vous jeter dans la Cité Flottante, Bangkok, et dans l'esprit malade du soldat Broussard, vétéran afro-américain de la guerre du Vietnam en pleine décomposition mentale (et physique). Des années après la guerre, le troufion se terre dans une « grotte » au coeur de la capitale Thaïlandaise où il se shoote pour échapper à Molosse Noir, une créature infernale qui le poursuit sans relâche depuis une mystérieuse opération au Laos, l'opération Algernon.
Sans prendre de gants, le roman vous propulse dans l'esprit de Broussard perdu quelque part entre réalité et cauchemars dans une ville de tous les dangers, où les espaces-temps et les personnes semblent se confondre, où des choses surnaturelles peuvent surgir à l'orée du regard.
Surnaturelles, vraiment ? Pas si sûr car Broussard, laminé par la guerre et les horreurs auquel il a participé n'est plus qu'une épave qui tente de recoller les morceaux ou de mourir, les deux solutions n'ont pas d'importance pour lui.
Pourtant, Broussard n'a pas toujours été ainsi. Jadis, il devait passer en cour martiale pour avoir refusé de tirer sur l'ennemi…jusqu'à sa rencontre avec un officier pour le moins singulier du nom de Chapel. Ce dernier a un plan, un plan terrible qui permettrait aux Américains de mettre fin à la guerre mais, comme la chose devrait se produire dans un pays officiellement neutre, le Laos, il faudrait un véritable « taupe » américaine pour une opération clandestine à l'encontre des Vietcongs terrés dans cette région.
Chapel recrute alors cinq soldats qui n'ont plus rien à perdre et les emmène le long du Fleuve pour une ultime épreuve. Une épreuve dont Broussard, des années plus tard, n'est toujours pas remis.

Les conséquences de l'horreur
T.E Grau, de façon sauvage, dissèque ce qu'il reste de Broussard et de ses souvenirs de soldats. L'auteur américain constate l'écroulement d'une psyché et mélange mythologie, horreur et stress post-traumatique pour livrer un témoignage coup de poing sur la guerre du Vietnam qui renvoie autant au Deer Hunter de Cimino qu'au Apocalypse Now de Coppola.
En discourant sur les crimes de guerre commis par les États-Unis durant le conflit (l'utilisation de l'Agent Orange, les bombardements au Napalm etc…), Je suis le Fleuve offre une vision au vitriol d'un pays gendarme du monde qui a tout d'un criminel et dont les généraux n'ont aucune considération ni pour les civils massacrés ni pour les soldats broyés, même de leur propre côté.
En flirtant constamment avec l'horreur tout en économisant son intrigue pour conserver le suspense jusqu'au bout du tunnel, T.E Grau décrit avec une minutie effroyable les conséquences d'un conflit armé sur un être humain…et sur un pays tout entier. En exacerbant les haines raciales et culturelles, incendiant les frontières entre le Bien et le Mal, les États-Unis ont joué les apprenti-sorciers et le sort de l'Asie du Sud-Est reste confus et instable bien des années plus tard.
Outre la représentation de la jungle Laotienne, c'est l'immersion dans la capitale Thaïlandaise qui surprend. Bangkok devient un acteur à part entière, transfiguré en une entité monstrueuse et tentaculaire où les esprits rodent, où le moindre contact peut vous trahir. On pense un peu au Pays Invaincu de Geoff Ryman, la fantasy en moins, l'horreur psychologique en plus.
Mais finalement, ce qui surprend le plus dans Je suis le Fleuve, c'est la capacité de T.E Grau à esquiver l'horreur à grande échelle pour mieux la retranscrire à l'échelle intime, dans le traumatisme déchirant de Broussard condamné à revivre son meurtre comme une malédiction encore et encore.
Car si l'on dit que celui qui sauve un homme sauve l'humanité toute entière, celui qui en tue un la condamne certainement à l'Enfer.

Roman halluciné aussi court que marquant, Je suis le fleuve tranche dans le vif et expose les horreurs de la guerre à l'air libre, quelque part entre le cauchemar psychologique et le surnaturel poisseux d'un homme en quête de lui-même.
T.E. Grau n'a certainement pas fini de faire parler de lui.
Lien : https://justaword.fr/je-suis..
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Israel Bouchard, le narrateur torturé du roman est un vétéran du Vietnam qui a participé à la mission Algernon, opération secrète menée au Cambodge sous les ordres d'un mystérieux agent de la CIA nommé Chapelle. Depuis cinq ans, Bouchard se terre dans les entrailles de Bangkok où il joue parfois l'homme de main pour le compte de trafiquants de drogues. Mais le narrateur essaie surtout de survivre comme un animal blessé, hanté par de terribles cauchemars. le Fleuve semble à tout moment sur le point de liquéfier son environnement, de l'absorber, de l'emporter avec lui pour lui faire payer le prix de péchés aussi innommables qu'oubliés ; un énorme molosse noir à l'haleine putride menace de le dévorer s'il a le malheur de se laisser emporter par le sommeil. Au moment où il pense avoir touché le fond de l'abîme, Bouchard va pourtant entrevoir une lueur d'espoir au coeur de la nuit poisseuse de Bangkok.

Je suis le Fleuve est un roman étrange jusqu'à en être dérangeant, souvent onirique et parfois envoûtant. le livre de T.E. Grau convoque ce moment où la terreur pure confine à la folie que décrit si bien Joseph Conrad dans Au coeur des Ténèbres ; les méandres du fleuve de la péninsule indochinoise qui hantent le héros évoquent explicitement l'univers trouble et menaçant d'Apocalypse Now, lui-même inspiré du roman de Conrad.

Les longues descriptions des peurs qui étreignent l'âme perdue d'Israel Bouchard sont le coeur du roman ; parfois difficiles à surmonter, elles en font toute l'originalité. Je suis le Fleuve est ainsi une plongée insolite dans un interminable cauchemar éveillé, noir comme une nuit sans lune, visqueux comme les bas fonds de Bangkok, aux senteurs enivrantes d'un jardin envahi par les fleurs du mal.
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Le livre commence de manière assez floue, il faut quelques chapitres pour s'adapter et surtout comprendre, mais une fois cela fait nous partons pour un voyage intérieur assez dur et sombre, doublée d'une histoire de guerre sanglante où le lecteur n'est pas épargné, entre mort et perdition, hantise personnelle due aux actes commis, notre personnage principal va tout faire pour ne pas être englouti dans le fleuve de ses pensées (souvent imagées par un vrai fleuve sous forme d'hallucinations, d'où le titre du roman) et va essayer de trouver la rédemption, d'apaiser ses démons.

Les décors sont magnifiques, j'adore l'Asie et évidemment la jungle du Laos et du Vietnam qui donnent très envie de s'y aventurer, ses décors chauds et moites, une ambiance qui m'a toujours attirée.

Les personnages sont charismatiques et torturés, violent parfois, émouvant également, et le scénario donne une impression moderne du film « Apocalypse Now » ou encore du film « Platoon » pour le côté psychologique.

Un récit très marquant !
Lien : https://unbouquinsinonrien.b..
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Nous sommes en 1974 et Israël Broussard, ancien soldat, erre dans Bangkok, poursuivi par des fantômes qui ne lui accordent plus aucun repos. Cinq ans plus tôt, ce jeune cajun, après avoir échappé à la cour martiale pour ne pas avoir voulu tuer sur le champ de bataille, s'est retrouvé affecté avec d'autres hommes près d'être expulsés de l'armée, au coeur de la jungle laotienne. Là, sous les ordres du mystérieux Augie Chapel, ils ont participé à une opération secrète dont Broussard ne s'est jamais remis et dont il a presque tout oublié.
En écho à son titre, le récit de T. E. Grau est avant tout un courant qui entraîne le lecteur vers une destination inconnue. Fait d'aller-retours entre 1974 et 1969, entre un Broussard qui ne connaît plus le répit et celui qui pensait encore d'une certaine manière se racheter sous les ordres de Chapel, Je suis le fleuve est traversé par des courants furieux dans lequel l'auteur nous plonge la tête dès le début. Il ne faut alors pas craindre de se laisser immerger dans ces premiers chapitres déstabilisants dans lesquels, avec Broussard, on peut craindre de s'égarer.
C'est qu'une fois que l'on a pris le parti de se laisser porter, c'est tout un monde qui s'ouvre à nous. Celui de l'esprit torturé de Broussard, bien entendu, qui semble de prime abord irrationnel avant de peu à peu prendre tout son sens quand bien même le roman de T. E. Grau apparaît comme le récit de la folie, de la manière dont elle peut susciter l'aveuglement, l'illusion de la toute puissance qui précède la chute, mais aussi, de comment elle révèle les hommes à eux-mêmes. Entraîné dans une guerre qui n'est de toute évidence pas la sienne et dans la folie d'un autre homme, ce Chapel déterminé à porter un coup fatal à l'ennemi, Broussard fera un voyage initiatique d'abord, en quête de rédemption ensuite.
Tout cela pourrait sembler bien obscur, propre à égarer le lecteur à la suite du personnage principal. Pourtant, grâce à un formidable travail d'écriture et de construction qui lui permet de baliser discrètement le terrain et de laisser énormément de place aux sensations, Grau arrive à ne perdre personne en route. Il n'en demeure pas moins que la descente du fleuve aux côtés de Broussard est éprouvante et ne laisse pas de secouer celui ou celle qui s'y engage avec lui. Voilà donc un roman résolument en dehors des sentiers battus, troublant et, surtout, fascinant. Une expérience de lecture des plus originales.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Un roman cru une prose Intense.
Une psychologie d un héros dévasté par la guerre du Vietnam.
Le roman rappelle l apocalypse now de Coppola
Difficile de rentrer dedans mais il es 50 premières pages passées on entre dans un univers hallucinant peuplé de flash back entre la Thaïlande le Vietnam et le laos .


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