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Critique de mariecesttout


"Car c'est à toi qu'appartiennent le règne, la puissance et la gloire, pour les siècles des siècles"
Dans les années 1930,dans un état mexicain , il ne reste plus qu'un prêtre. le gouvernement révolutionnaire mexicain avait mené une vigoureuse campagne contre les représentants de l'Eglise catholique, la Christada. En les expulsant avant tout. En contraignant les réfractaires au départ à se marier, et donc à contrevenir aux dogmes de leur confession.
Pourquoi est-il resté, ce prêtre, il l'explique dans un des plus beaux passages de ce livre, un dialogue:
"- Mais pourquoi êtes-vous resté ?
- Je me le suis demandé, répondit le prêtre, une fois. La vérité, c'est qu'un homme ne se trouve pas placé brusquement devant deux partis à prendre , un bon et un mauvais. Il se trouve engagé peu à peu...ce n'était pas la première fois dans L Histoire, qu'on brûlait des églises. Vous n'ignorez pas que c'est arrivé souvent. Ca ne signifie pas grand chose. Je pensais que je resterais, disons, encore un mois, pour voir si les choses allaient s'améliorer. Et puis.. oh! vous ne pouvez pas savoir comme le temps passe vite!"
...je crois qu'il aurait mieux valu que je m'en aille , moi aussi. Car c'était l'orgueil qui me faisait agir. Ce n'était plus l'amour de Dieu... Je ne servais à rien, mais j'étais resté..C'est une erreur que l'on commet de penser que parce qu'une chose est difficile et dangereuse..
...- Et bien, vous allez devenir un martyr, vous aurez cette satisfaction.
-Oh, mais non! Les martyrs ne me ressemblent pas du tout. Ils ne réfléchissent pas tout le temps."

Donc, il est resté, célébrant une messe ici ou là , administrant des sacrements, et se rendant surtout au chevet de mourants pour leur accorder ce que son ministère lui permet, l'absolution de leurs péchés, tout cela en se cachant bien sûr, protégé dans la grande majorité des villages.
Seulement le voilà rattrapé par la réalité , et donc poursuivi.

Il y aura dans ce livre ce rapport entre ces deux hommes , cette traque en tous lieux , des observateurs, des populations qui subissent comme toujours. Et un Judas, bien sûr.
La grande force de ce magnifique roman est de ne faire d'aucun personnage un portrait tranché au couteau. le prêtre est.. alcoolique, plutôt lâche, il a eu un enfant avec une villageoise , et il n'a qu'une seule envie, parvenir à fuir , même si le lieutenant sacrifie des villageois pour faire peur aux autres et qu'ils le dénoncent. le lieutenant, lui, a eu à souffrir de l'attitude de l'Eglise dans sa jeunesse, il est déterminé mais l'auteur lui prête des qualités d'écoute et même de compassion..Le Judas, et bien il a besoin de manger, et donc de la rançon promise. Les observateurs ( extraordinaire personnage du dentiste ) ont de temps en temps des sursauts. Bien et mal se mélangent , il ne reste que toute cette ambiguïté des rapports de force..idéologiques? Qui s'opposent? Même pas..
Et ce qu'on appelle la foi du prêtre?
" Ecoutez-moi, dit le prêtre ardemment, en se penchant en avant dans le noir , pressant d'une main son pied tordu de crampes, je n'ai pas autant de duplicité que vous le croyez. Pourquoi, à vôtre sens, irais-je dire aux gens du haut de ma chaire, que si la mort les prend à l'improviste, ils sont en danger d'être damnés? Je ne leur raconte pas de conte de fées auxquels je ne crois pas moi-même. Je ne sais rien du tout de la miséricorde divine. Je ne sais pas dans quelle mesure le coeur humain apparaît à Dieu comme un objet d'horreur. Mais je sais ceci: que si jamais dans ce pays un seul homme fut damné, alors je ne puis manquer d'être damné aussi. Il ajouta lentement: " Je ne souhaiterais pas qu'il en fût autrement. Je ne demande que la justice, rien de plus."

Dans la préface, François Mauriac parle de martyre, d'identification au Christ, et ce roman a été qualifié de grand roman catholique. Pourquoi pas, à chacun son interprétation en fonction de ses croyances. Et effectivement , le parcours du prêtre finit par ressembler à un chemin de croix.Et ce qu'il finit par faire, il sait que cela va le perdre, mais il le fait quand même.
Parce que c'est..son devoir. Parce qu'il fait ce qu'il peut faire.
Cela en fait-il un saint, ce que Mauriac sous-entend? Ca, c'est une discussion qui me dépasse, je dois dire ,et encore une vision catholique, mais ce sont ses failles, ses doutes , mais aussi son humilité, ses capacités de voir clair en lui, et ses actes qui en font un si beau personnage.

C'est surtout, pour moi, un grand roman "humaniste", qui montre les hommes tels qu'ils sont capables d'être, dans le pire, le meilleur, et tous les aspects..moins contrastés . Avec un grand signe d'espoir à cette humanité à la toute fin, merveilleuse.


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