AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,52

sur 72 notes
5
5 avis
4
2 avis
3
3 avis
2
0 avis
1
0 avis
Pendant la seconde guerre mondiale, en 1942, Henry Scobie, officier de police, vit dans un port de Sierra Leone avec sa femme Louise. Dans ce comptoir britannique rongé par la chaleur, la pluie, les moustiques, la corruption, les ragots parmi les colons, et le whisky pour oublier le tout, il se désole de ne pas rendre la joie de vivre à sa femme, que la mort de leur fille unique, quelques années plus tôt, a rendue dépressive. Tant d'années de mariage ont eu raison de leur passion et l'amour qu'ils se portent l'un à l'autre se dissout peu à peu.

Comme Louise ne supporte plus la vie de la colonie, il finit par accepter qu'elle parte pour l'Afrique du Sud, où ils ont des amis. Mais la banque refuse de lui prêter le prix du trajet : «Il avait demandé de l'argent, on le lui avait refusé. Louise aurait mérité mieux. Il lui semblait, obscurément, qu'il avait failli à sa mission d'homme» (Livre premier – 1ère partie – chapitre II – I – page 69). A contrecoeur, il emprunte cet argent à un commerçant syrien peu scrupuleux, Yusef.

Scobie se retrouve seul. En l'absence de Louise, il fait la connaissance d'Helen Rolt. Jeune passagère rescapée du naufrage d'un navire torpillé par les allemands, elle y a perdu son mari. D'abord saisi de compassion, Scobie tombe très vite amoureux de cette femme : «Scobie n'oublia jamais comment elle était entrée dans sa vie» (Livre deuxième – 1ère partie – chapitre premier – II – page 180). Les choses se compliquent : homme de foi, catholique, soucieux de faire le bien, Scobie se retrouve déchiré entre son épouse et sa jeune et récente maîtresse. le lecteur comprend ici le fond du problème : quel sera le choix de cet homme tiraillé entre le devoir et la passion ? Son honnêteté et sa foi vont être mises à l'épreuve, par les deux femmes, mais aussi par les personnes qu'il côtoie dans ce comptoir.

Quand Louise revient du Cap, elle sait que son mari l'a trompée. Mais, pour donner un nouveau départ à leur vie conjugale, elle lui demande d'aller, le dimanche suivant, communier avec elle. Scobie est incapable de choisir entre son épouse et sa maîtresse. Amoureux des deux femmes, profondément humain et détestant faire souffrir, il doit composer avec sa foi catholique et devient la proie d'un tourment intérieur qui le ronge, d'autant plus que Yusef a surpris sa liaison : «Oh, mon Dieu, faites-moi mourir avant que je ne sois l'instrument de leur malheur» (Livre deuxième – 3ème partie – chapitre premier – III – page 292). Pour éviter de manger le Corps du Christ en situation d'adultère, Scobie ne voit pas d'autre solution que le suicide : «Comme tout deviendrait plus facile pour elle si j'étais mort» (Livre troisième – 2ème partie – chapitre premier – I – page 391).

Cependant, la dernière parole de Scobie : "Mon Dieu, Seigneur, bien-aimé, je..." montre qu'au moment ultime, Scobie se remet dans les mains du Seigneur en poussant ce cri d'amour.

L'auteur restitue à merveille l'atmosphère suffocante de ces régions tropicales : «Le ciel était lourd d'une pluie qui ne tombait pas» (Livre premier – 2ème partie – chapitre premier – III – page 114). Les coloniaux s'y épient, médisent à longueur de temps et, finalement, adoptent des conventions hypocrites qui leur permettent de se supporter les uns les autres.

Et puis, chez Graham Greene, on n'y échappe pas : le Major Scobie, son personnage principal, est croyant. C'est un vrai croyant, qui va à la messe, qui communie, qui croit au châtiment éternel et qui prie au pied de son lit. Si bien qu'avec lui, les questions de la souffrance et du mal dans le monde prennent une dimension transcendante. Les problèmes qu'il affronte sont ceux qu'un athée ne connaîtra jamais. Il se sent de plus en plus isolé, soumis au jugement des autres et à son propre jugement, seul devant sa conscience, seul avec ses remords...

Ce roman prend place parmi les grands ouvrages de Graham Greene. Il mêle la réflexion sur la mort, le doute affectif et religieux, le combat du devoir et du salut personnel. Scobie est un être à la fois faible, en cédant aux tentations de la compromission et de l'adultère, et fort par sa dignité face à la maladie et par son désir d'épargner sa disgrâce à Dieu, avec lequel il entretient un profond dialogue intérieur. On y retrouve des questionnements communs à Stefan Zweig, dans la Pitié dangereuse.

Sur fond de magnifiques paysages africains, Graham Greene, l'un des plus grands auteurs britanniques du XXème siècle, excelle à décrire des atmosphères désespérantes, où les héros se dépêtrent dans des situations impossibles. Sondant ses personnages jusqu'au tréfonds de leur âme, il conjugue ici la foi et le doute, et touche au sublime. Un grand classique de la littérature, un modèle d'écriture et de construction romantique. Un livre qui touche le fond du problème de la conscience humaine, auquel finalement, personne ne peut échapper. Un chef-d'oeuvre.

(Les citations sont extraites de l'édition Livre de Poche de 09/1971).
Commenter  J’apprécie          150
Scobie est chef de la police. Il semble au départ un homme intègre. Sa femme Louise est fatiguée d'attendre de lui une marque d'amour et s'éloigne quelques temps de lui. Il n'en a pas fallu plus pour qu'il accepte malgré lui de basses manoeuvres (trafic de diamants) et qu'il trompe sa femme. Sa croyance en Dieu n'a plus aucune emprise sur lui. Mais jusqu'où ira-t-il ? Je n'ai pu m'empêcher d'avoir pour cet homme de la pitié et les femmes ont dans ce roman un bien vilain caractère...
Commenter  J’apprécie          150
J'ai choisi ce livre car on le mentionnait à plusieurs reprises dans Americanah de Chimamanda Ngozi Adichie.

Mes sentiments et mon intérêt durant la lecture ont été très variables. le début m'a plu, même si le rythme était lent, et ensuite l'angoisse qui se dégageait du livre m'a mise mal à l'aise, car elle laissait moins de place à d'autres développements ou approfondissements, plus attendus.

Je vous dis un mot sur l'histoire : en temps de guerre, Wilson débarque dans un port colonial du Nigeria pour travailler comme comptable. Nous sommes dans un milieu fortement masculin où circulent beaucoup de rumeurs. Les personnages sont à double facettes et personne ne se fait confiance, un peu comme dans les westerns.

Scobie, policier antillais, invite Wilson à son domicile et lui présente son épouse Louise. Ils se découvrent des points communs, comme le goût de la lecture. Louise aimerait recommencer une nouvelle vie en Afrique du Sud, mais Scobie n'a pas l'argent qui lui permettrait le voyage. Il se sent oppressé par la détresse de son épouse. La solution afin de lui venir en aide serait de l'emprunter à un mafieux du coin, avec qui il ne veut pas se compromettre.

Il y a de beaux passages mélancoliques qui montrent l'angoisse des personnages, leur besoin de respirer, de s'extraire de leur milieu. C'est subtil, mais parfois j'étais extérieure au récit. Ce livre pourrait vous plaire.
Commenter  J’apprécie          140
"Le fond du problème", c'est le sentiment de culpabilité qui ne cesse de ronger le personnage principal de ce roman, Scobie, chef de la police d'une ville de Sierra Leone. Il n'aime plus sa femme, Louise, mais il aime Hélène, sa maitresse, jeune veuve vivant au sein de cette colonie d'expatriés. Tout au long du roman, son honnêteté et sa foi sont mises à l'épreuve, par les deux femmes mais aussi par les personnages qu'il côtoie dans cette ville ou règnent complots et trafics en tout genre. Il est sa propre victime, emprisonné dans le carcan de sa religion et de ses remords.
Le sujet n'est pas très actuel, mais le talent de ce grand écrivain opère. Très beau roman.
Commenter  J’apprécie          130
Dans une colonie britannique rongée par la chaleur, la pluie et les ragots parmi les colons, Scobie est flic et désespéré à l’idée de ne pas réussir à rendre sa femme, plus ou moins dépressive depuis la mort de leur fille unique, contente. Lorsqu’une jeune veuve est adjointe à leur petite société, les choses se compliquent et le malheureux se retrouve déchiré par sa volonté de rendre heureuses à la foi l’épouse et la maîtresse. On retrouve, comme souvent chez lui, le thème de l'adultère et de la culpabilité de celui-ci pour les croyants. J'aime énormément la plume de cet auteur, qui remue quelque chose chez le lecteur par son style réaliste.
Oh, et il n'y a que chez lui que j'ai croisé l'expression " des yeux de chien couchant" et vous savez combien j'aime les termes rares! Franchement, refermer un livre et se rendre qu'il a été bouleversant et a en plus amélioré mon vocabulaire, que demander de plus!
Commenter  J’apprécie          101
Graham Greene propose le portrait déprimant d'un officier de police dans un comptoir colonial de Sierra Leone pendant la deuxième guerre mondiale. Petits blancs, petits fonctionnaires, petite société, petits arrangements, petit trafics, petit escrocs. C'est dans ce monde qu'évolue Scobie, fonctionnaire britannique, catholique, hanté par le devoir. Trop scrupuleux pour réussir, coincé dans une société rance, Scobie n'aspirerait qu'à la solitude et à la paix mais il est enserré dans les multiples liens de la sociabilité, de son boulot, de son mariage et de ses fidélités diverses. Sa femme souffrant de la médiocrité ambiante, il doit emprunter l'argent pour qu'elle aille l'attendre en Afrique du Sud. C'est Yusuf, mi-commerçant, mi-trafiquant qui le lui prête. Micro-compromission qui en générera d'autres. Scobie va avancer comme par mégarde, presque à son corps défendant, dans une liaison, d'autres mensonges, trahisons, compromissions. A qui rester fidèle ? Son épouse ? Son nouvel amour ? Dieu (qu'il trahit aussi en trompant sa femme) ? C'est le fond du problème. Si le dernier quart du roman est un peu fastidieux (comment le minuscule vermisseau se débat dans les affres du doute, de la culpabilité et de la religion, et comment il s'enfonce après une dernière trahison), Graham Greene réussit un roman de solitude et d'enfermement dans une atmosphère gluante de pluie et de chaleur. le climat est étouffant, la main-mise coloniale est étouffante (les noirs sont juste des pions dans le décor), et l'atmosphère de claustrophobie est d'autant plus pesante et déprimante qu'il y a la guerre, le blocus et de rares navires qui font la liaison avec le monde extérieur. C'est sans issue.
Commenter  J’apprécie          60
Voici le second roman de Graham Greene que je lis, après "Voyages avec ma tante" qui se voulait emprunt d'une certaine causticité, "Le fond du problème" est un roman en quelque sorte plus sérieux,emprunt de moiteur et de thèmes douloureux.

Scobie vit dans un comptoir britannique, moite de chaleur, de la Sierra Leone, dans l'Afrique profonde. Cernés pas les moustiques, la pluie, la corruption, la lenteur du pays, le policier et sa femme s'enlisent dans une vie morne et triste. Depuis la mort de leur fille, Louise et Scobie s'éloignent l'un de l'autre, et le mari s'en veut de ne pouvoir rendre la joie à sa femme. Jusqu'au jour où il accepte, en empruntant à un mafieux sirien, qu'elle parte rejoindre des amis en Afrique du Sud. Seul, il fait bientôt la connaissance d'une jeune femme rescapée d'un naufrage. Extrêmement pieux, le voilà déchiré entre la raison et la passion.

L'atmosphère qui émane de la plume de Graham Greene est suffocante. Entre le chaleur oppressante du pays, et celle de ce malaise constant qui enserre le personnage principal, pétrit de scrupules et de bons sentiments, le lecteur est un peu mal à l'aise durant cette lecture. La différence de ton d'avec le roman précèdent est prenante et démontre, s'il était nécessaire, l"adresse de l'écrivain.

Scobie est écrasé par ses sentiments, majoritairement bons. Son amour pour sa femme, puis son impuissance et sa douleur à la satisfaire et à remplir son rôle de mari en accédant à son désir de quitter ce port de la Sierra Leone, afin qu'elle puisse sortir du cercle vicieux de ses pensées. Ensuite, il y a Hélène, dont Scobie, tombe rapidement amoureux. Son coeur balance alors entre son devoir vis à vis de Louise, et indirectement de Dieu, et sa passion pour cette jeune femme qui lui redonne un nouveau souffle et un nouvel intérêt pour la vie.

Graham Greene traite de thématiques qui poussent le lecteur à la réflexion, comme le deuil, la dignité, l'adultère, la foi, etc. Son dialogue intérieur avec Dieu est quasiment prédominant. Cette attitude ambiguë envers le catholicisme reflète ce que l'auteur ressent, et sa quête vers la compréhension. (...)
Lien : http://lillyterrature.canalb..
Commenter  J’apprécie          40
Parfois, dans un club londonien, lorsqu'ils prendront un gin amer rosé de pamplemousse, les anciens se souviendront avec bonheur de la couleur du couché de soleil dans la petite colonie. La nostalgie leur aura fait oublier les autres minutes de la journée africaine rythmées par les envols de vautours des toits de tôles, l'écoulement de la sueur par grosses gouttes de leur sourcil jusqu'au coin de leur oeil. Leur mémoire sélective aura fait oublier l'autre moitié de l'année pendant laquelle la pluie continue faisait pourrir jusqu'aux pied de leurs minables chaises, creusées par les termites. Ils auront aussi oublié Scobie, le major Scobie, l'intègre chef de la police locale que l'on soupçonnait d'être de mèche avec les Syriens. Oubliée aussi sa femme, Louise Scobie, celle qui aurait tant voulu que son mari soit promu commissaire. Oubliés aussi Helen, l'amante, Wilson, le rival de Scobie. Oubliés ces héros d'une tragédie à la Tristan et Iseult où il est si difficile de débrouiller le vrai du faux, le bien du mal, la raison de la folie si l'on ne se limite pas aux faits, à ce que Scobie appelle le fond du problème...

Graham Greene nous livre ici un récit impeccablement condensé, où tout se tient, où le moindre détail a son importance, où même le fait que Wilson aime la poésie et la parenté fausse ou vraie du boy Ali mènent en ligne droite à l'inévitable tragédie finale.

Oui, ce n'est pas un livre joyeux, un roman à faire lire à des adolescents en quête de l'amour absolu. Mais avec l'âge je crois qu'on peut finir par comprendre que Scobie n'a pas tout à fait tort quand il se rend compte qu'en analyse finale l'amour est plus un sens de la responsabilité mâtiné de pitié qu'une exaltation romantique.
Commenter  J’apprécie          30
Roman magnifique et d'une grande sensibilité. J'ai eu un peu de mal en l'entamant, car même s'il faut le replacer dans le contexte de l'époque, le racisme des propos est assez stupéfiant (d'autant plus quand on voit avec quelle finesse psychologique il analyse ses personnages "blancs").
On sent le récit de quelqu'un de tourmenté, d'un pessimiste radical qui a foi en Dieu mais pas en l'être humain, et très préoccupé par la frontière entre le bien et le mal (parfois, ce désir absolu de satisfaire tout le monde et de ne blesser personne peut vous faire commettre l'irréparable).
On sent aussi que l'auteur a vécu en Sierra Leone et y a souffert. Durant toute la durée du récit, j'ai hésité entre profonde compassion et quasi dégout pour le personnage principal, mais sa détestation de lui-même est si profonde qu'il est difficile de réellement lui en vouloir. Ce roman est vraiment bouleversant.
Commenter  J’apprécie          20
Sierra Leone pendant la seconde guerre mondiale. Colonie britannique prisée non pas pour son climat, longuement décrit ici par sa moiteur liée aux grosses chaleurs et aux pluies diluviennes, mais pour ses diamants. le major Scobie et son épouse Sarah vivent parmi les boys que Graham Greene aime faire parler à la mode coloniale, usant des « Missié » et « Moi appo'ter ceci… » C'est très couleur locale, cela peut irriter au bout d'un moment mais c'est ainsi, c'est l'époque dira-t-on. L'histoire est assez peu passionnante, il s'agit ici pour ce fonctionnaire de police proche de la retraite de gérer les affaires courantes du secteur, mais aussi de faire surveiller les embarcations, au cas où quelques pierres précieuses y seraient dissimulées. le fond du problème, c'est la foi de Scobie (thème récurrent chez l'auteur), sa recherche de l'amour divin, et l'adultère qu'il vit mal, moins à l'égard de Sarah que de ce Dieu qu'il invoque et convoque régulièrement au fil des pages. C'est précisément ces sujets de fonds qui m'ont intéressée, faisant fi de cette ambiance coloniale très lourde. Les réflexions de l'auteur sur l'amour et la foi rejoignent celles exprimées dans « La fin d'une liaison », que je lui préfère. Un livre un peu long à mon goût, mais qui permet d'explorer une nouvelle facette de cet auteur que je continue de découvrir avec intérêt.
Commenter  J’apprécie          10




Lecteurs (287) Voir plus



Quiz Voir plus

Graham Greene, in english in the text !

Orient Express ?

Orient Express Train
Stamboul Train

5 questions
27 lecteurs ont répondu
Thème : Graham GreeneCréer un quiz sur ce livre

{* *}