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Critique de Woland


Woland
22 septembre 2010
The Other Boleyn Girl
Traduction : Céline Véron-Voetelink


C'est probablement parce que, suite à la diffusion sur Arte du très joli - mais trop américanisé - "Les Tudor", je songeais à une vieille série de la BBC, tournée dans les années soixante-dix et relatant, en six épisodes, le destin des six épouses d'Henry VIII, que j'eus la fantaisie d'acheter ce gros volume de poche, fort de six-cent-cinquante-sept pages, et ceci en dépit de sa couverture un tantinet racoleuse. A peine l'avais-je acquis que je pensai, non sans maussaderie : "Je serai déçue, c'est certain : les bons romans historiques, c'est rare ..."

Je le pense toujours mais, en définitive, je n'ai pas été déçue. Même : voici un ouvrage que je recommande fortement à tous ceux qui s'intéressent à L Histoire des Tudor et de la monarchie anglaise mais qui redoutent de se perdre au milieu des dates, des conflits d'intérêts et des batailles politiques. L'auteur y retrace, à grands traits nets et simples, les évènements qui aboutirent à la rupture d'Henry VIII avec Rome et à la naissance de l'Eglise anglicane. Certes, tout cela est montré par le petit bout de la lorgnette et s'exprime par la voix d'une Mary Boleyn légèrement rajeunie pour la circonstance - il semble qu'elle ait épousé son premier mari, William Carey, à vingt ans et non à quinze. Sur d'autres points, Gregory a pris certaines libertés avec la réalité historique mais comme elle est, c'est indéniable, de la même nature que notre Alexandre Dumas national, on le lui pardonne de bon coeur.

Pour rétablir l'exactitude, on rappellera que Mary, qui grandit à la cour de France, compta sans doute parmi les maîtresses de François Ier et qu'elle n'était donc pas une novice quand, sur pression de sa famille, elle entreprit de séduire Henry VIII. En ce qui concerne les deux enfants qui furent reconnus par William Carey, on n'a jamais pu prouver réellement qu'ils étaient les fruits de sa liaison - le cadet, Henry, avait pourtant, semble-t-il, le physique des Tudor. de même, il ne semble pas non plus qu'elle ait soutenu sa cadette lors de l'arrestation de celle-ci. Enfin, pour nombre d'historiens, elle ne fut jamais si proche de ses cadets, Anne et George, que le montre Philippa Gregory.

Si l'on veut bien conserver ces points à l'esprit, on s'abandonne avec facilité à cette histoire certes romancée mais qui présente quelques mérites non négligeables :

1) Tout d'abord, l'auteur met bien en évidence le peu de poids qui était celui des femmes, fussent-elles de sang royal, comme Catherine d'Aragon, dans la société anglaise du XVIème siècle. Mary, sa soeur, sa fille et sa mère elle-même, Mary, la soeur du Roi et Catherine, sa première épouse, toutes ne sont que des pions. le drame d'Anne Boleyn sera justement de se vouloir reine - la pièce la plus puissante du jeu d'échecs.

2) En dépit des apparences, la complexité des caractères est, elle, scrupuleusement respectée : la relation ambivalente qui est celle de Mary et d'Anne, mélange d'amour et de jalousie ; les étranges rapports qui unissent George à ses soeurs et tout particulièrement à Anne ; et, chez Henry, l'affirmation d'une personnalité de plus en plus envahissante et despotique qui entre parfois en conflit avec des sentiments secrets et plus doux, comme sa tendresse pour ses filles.

3) le portrait que dresse Gregory et de la Cour et des rivalités qui s'y déroulent est brillant et glacial. Il rappelle à quels abîmes de bassesse et de lâcheté peuvent atteindre hommes et femmes lorsque les aiguillonne la soif du pouvoir. Dans le même ordre d'idées, son analyse des motivations auxquelles obéissent tous les membres de la famille Howard-Boleyn est impressionnante.

On regrettera bien sûr, moi la première, certaines ellipses : les grandes querelles politiques, la triple opposition François Ier-Charles Quint-Henry VIII, le renouveau spirituel et les tensions qu'il commence à engendrer dans toute l'Europe, des références plus explicites au passé anglais et à la victoire des Lancastre sur les York, auraient été les bienvenus. En tous cas pour les lecteurs connaissant bien L Histoire.

Les autres, il est vrai, les débutants, intéressés mais en même temps sûrs et certains qu'ils seront vite dépassés par un récit où le sérieux l'emporte sur le romanesque, cela les ferait fuir. Or, manifestement, Philippa Gregory poursuit le but inverse. Elle peut être fière : avec ce livre, son objectif est atteint, et même dépassé. Il donne même envie de découvrir les autres volumes. Que dire de plus ? ... ;o)
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