Les conditions à réunir pour sa libération sont si nombreuses qu’il pourrait bien rester enfermé encore quelque temps. Non, le problème, c’est plutôt ce que va faire la presse lorsque la nouvelle tombera. Je me souviens que les journalistes vous ont mené la vie dure la première fois...
Il la préférait blonde. Les blondes, c’est plus son truc. Cette poulette est jolie et bien roulée, cependant. Vachement classe pour ce bled. Idris se demande, non pour la première fois, d’où elle vient et pourquoi elle vit seule. Quelles que soient ses raisons, en tout cas, elle surpasse assurément les filles qu’il croise lors de ses virées dans le Somerset à bord de son camion.
Idris n’a jamais eu de chance avec les femmes. Il n’a eu aucune petite amie à l’école, un endroit qu’il n’a de toute façon pas fréquenté bien longtemps. Détestant la discipline qu’on lui imposait en classe, la hiérarchie établie dans la cour de récréation, il restait soigneusement éloigné des filles et espérait que les choses s’amélioreraient avec l’âge.
Décidément, rien ne change. Il a toujours fallu qu’elle s’en sorte seule. Elle n’a pu compter sur personne au cours de ses trente-six années d’existence, à part son père. Pourtant, c’est un mot tellement médiocre, « se débrouiller » ; il sous-entend presque qu’on ne fait que la moitié du travail afin de pouvoir passer à autre chose.
La pression de cette nouvelle vie est telle que sa voix tremble ; il serait embarrassant qu’on l’entende, mais qui pourrait bien l’écouter ? Il n’y a personne à des kilomètres à la ronde ; alors, quelle importance ? Tout ce qui compte, c’est de ne pas penser. Au passé. Sa couleur naturelle, mesquine, déloyale, signe avant-coureur de problèmes, a longtemps servi à la définir. Sa mère elle-même, une personne censée être de son côté, disait que, lorsqu’on a la chance d’être née blonde, avec une peau de miel et les yeux bleu foncé, on mérite absolument tout ce qui nous arrive. Lorsqu’on se distingue des autres et attire les regards sans le vouloir, on ne peut pas se plaindre s’il nous arrive des ennuis.
On lui a toujours dit qu’elle était petite pour son âge, raison supplémentaire pour eux de la battre. Comme si elle était responsable de sa petite taille. Comme si elle était responsable de son strabisme.