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Critique de domi_troizarsouilles


Alors, oui, l'histoire est belle et touchante ; oui, aussi, la plume est agréable et facile à lire, sans être exceptionnelle pour autant… mais tout au long de ma lecture je n'ai pu m'empêcher de me demander : les gens ont-ils à ce point besoin de feel good facile, pour ainsi propulser cette autrice et ce livre au firmament des ventes et des appréciations ? Ou bien c'est juste un effet de mode : le nom Virginie Grimaldi est désormais tellement vendeur qu'il suffit qu'elle sorte un nouveau livre, quelle qu'en soit la qualité, pour qu'aussitôt il atteigne des sommets, tant des ventes que des critiques ? Oh, je n'ai rien contre les auteurs « à best-sellers », je suis même ultra-fan d'un Michel Bussi par exemple – ou d'un Bernard Minier, qui a désormais peu à peu le même succès dans un autre genre.
Mais franchement, pour moi qui n'avais encore rien lu de Virginie Grimaldi, mais qui ai été attiré par ce livre à cause de sa jolie couverture toute gentille, son thème et son titre, j'ai trouvé cette lecture relativement mièvre, trop pleine de clichés, et incapable de susciter une vraie émotion.

Pour commencer, je n'ai trouvé aucun des personnages particulièrement attachant, la narratrice m'a même passablement irritée. Elle a quelque chose d'insipide, d'ailleurs elle se définit elle-même dans cet esprit : études sans gloire, boulot qu'elle fait sans réel intérêt ni enthousiasme mais qui lui suffit, mariage avec un homme qu'elle présente comme parfait mais sans passion, et son hyperphagie dans laquelle elle s'enfonce, pour ne citer que quelques exemples… Certes, tous ces éléments la rendent aussi humaine que crédible, mais en même temps on a envie de la secouer un bon coup, de lui dire : mais vis ta vie, bordel ! (désolée…) tu es mère de famille, ok (moi aussi), mais comment peux-tu prétendre aimer/aider (à une lettre près c'était facile !) tout ton entourage quand tu te complais toi-même dans une certaine non-existence ?!…

Pour bien accentuer la portée dramatique de l'histoire (je suppose), on a aussi le fils en difficulté à l'école : dysphasie… Bon, pourquoi pas, sauf que : non seulement je ne vois absolument pas ce que ça apporte à l'histoire, mais en plus ça m'agace. Allez voir sur les forums et autres réseaux sociaux, dans les divers groupes de (jeunes) mamans – j'ai fait partie de plusieurs groupes du genre pendant plusieurs années : à les lire, il y a un tel nombre d'enfants dys-quelque-chose et/ou HP et/ou TDA(H), pour ne citer que les plus courants, qu'on se demande s'il restera un seul adulte « normal », banal et sans histoire, dans la France de demain !? Je clarifie néanmoins tout de suite ma pensée : c'est évidemment une grande avancée pour tous ces enfants atteints de ce qu'on appelle « les handicaps invisibles », d'être de plus en plus reconnus, appuyés, aidés. Mais leur nombre croissant de façon exponentielle fait finalement douter du sérieux, et dès lors du réel intérêt (pour l'enfant en premier lieu), de ces diagnostics. Et quand ça devient une revendication à la limite de l'agressivité de la part des parents, une forme de distinction parce que ça fait bien sur les réseaux, ça devient tout de suite moins acceptable. Dès lors, retrouver ça dans ce livre, alors que ça ne sert à rien pour l'histoire même et qu'on a déjà bien assez à faire avec le père, pour moi c'est tout simplement « trop » ! et pourtant ça revient encore et encore, comme si l'autrice n'avait pas pu tout à fait décider si elle voulait raconter l'histoire du père et du fils (de la narratrice) ; comme si elle voulait accentuer le côté malheureux et terrible de sa situation…

Et le père ! le trait de son originalité, de son excentricité assumée, de son égoïsme aussi malgré son amour pour ses filles, est tellement forcé, exagéré, qu'on se demande si un tel père a vraiment existé : si l'autrice a pris l'exemple dans sa propre enfance, si elle s'est inspirée d'un quelconque père d'une femme-amie de son entourage, et/ou dans quelle mesure elle en a rajouté pour sa fiction… Comme si le fait d'être ainsi « différent », et de tomber malade d'un truc tellement courant (pas Alzheimer, mais des symptômes tellement proches qu'on patauge pour donner un nom à la maladie) et dur tout à la fois, rendait les choses encore plus graves. Mais avec tout ça, lui non plus n'est pas tellement sympathique finalement et, pire encore, sa dégénérescence semble bien un peu tristounette et touchante, mais surtout irréaliste, et en tout cas on n'est pas remué aux tripes, ça non, or c'était bien ce que l'autrice visait, il me semble. Pour ma part, à la limite, je me suis ennuyée par moments…

Pour tout dire, si j'ai choisi ce livre, c'est aussi parce que le 4e de couverture, que j'avais pourtant à peine survolé, parle d'un « père qui déraille ». Je ne pouvais qu'être tentée d'avoir le regard d'une autrice tellement célébrée ! car mon père à moi aussi a déraillé, les dernières années… Mon père à moi aussi a eu des troubles divers et variés qui ont fait penser à un Alzheimer, certes moins précoce que le Jean de l'histoire (mon père avait déjà plus de 70 ans quand sa maladie est devenue évidente), mais qui n'en était pas un, et qui s'est retrouvé catalogué « démence vasculaire »… car mon père à moi aussi a fumé toute sa vie (il a goûté à sa première cigarette à la Libération, « distribuées » par les soldats américains, il n'avait pas 10 ans !), au point d'avoir les artères complètement bouchées… Mon père à moi aussi, sans être aussi original que celui qu'on décrit ici, était anticonformiste et l'assumait tout à fait…
Et pour être complète : moi aussi j'ai toujours eu des envies d'écrire, pas entièrement réalisées jusqu'à présent, mais en tout cas mon père à moi m'y a toujours encouragée…

Or, malgré toutes ces similitudes, pas un seul instant je ne me suis « retrouvée » dans ces lignes, et n'y ai pas davantage retrouvé mon père à moi, pas même dans la description de la maladie ! Pour rappel : on parle bien de la même maladie, j'ai même tout à coup senti un noeud se former dans le creux de mon estomac quand j'ai lu ces mots tellement définitifs de « démence vasculaire » ! Certes, je peux concevoir que la perception et l'évolution de cette maladie puissent être différentes d'une personne à l'autre, mais il y a une différence marquante qui m'a choquée, et pour moi c'est un élément majeur: Jean, le père de l'histoire, est tellement enfoncé dans un certain égoïsme, qu'il est parfaitement inconscient de sa maladie, et quand il s'en rend compte peu à peu, c'est essentiellement pour la nier. Quant à sa fille, elle est tellement centrée sur ce père qu'elle va « perdre », on la sent pleurer surtout sa douleur à elle. Tout au contraire, mon père à moi, dès les premiers symptômes, a été conscient de son état, du moins dans les moments (qui allaient en se raréfiant) de lucidité. Et il en souffrait, véritablement, et cette conscience aiguë de sa dégénérescence progressive était presque plus poignante que la maladie même. On avait mal pour lui, et pas pour sa perte qu'on savait de toute façon inéluctable, et qu'il ne semblait pas redouter. Surtout quand il s'est mis à parler d'euthanasie (légale en Belgique) : il ne voulait plus être une charge pour maman... Or, dans ce livre, jamais Jean n'a eu un tel souci, exprimé de quelque façon que ce soit, pour sa famille ! Pourtant, mon père à moi n'était pas un être aussi exceptionnel que Jean, c'était juste mon père. Et la Faucheuse est finalement venue toute seule, plus tôt que prévu, mais de toute façon c'est toujours trop tôt…
Je ne souhaite pas approfondir davantage dans cette voie, car ça reste un épisode douloureux… mais justement : toute cette douleur que l'autrice décrit ne faisait aucun écho à la mienne, et je ne me suis pas retrouvée dans la sienne, comme un rendez-vous manqué alors que tous les ingrédients de base étaient pourtant bien là.

Roh je me sens presque coupable d'écrire un avis aussi négatif pour un livre qui a pourtant su séduire les foules. Et pourtant, pour moi, ce n'est pas tout : c'est aussi l'écriture qui ne marche pas ! Cette plume est reconnue, certes pas pour ses qualités littéraires exceptionnelles, ce n'est pas ça qu'on entend quand on parle de Virginie Grimaldi, mais bien davantage le fait qu'elle est parmi les auteurs les plus lus… on peut donc supposer que, pour le moins, elle écrit bien ?
Alors, soyons sérieux : ce n'est pas mauvais non plus ! L'écriture est plutôt agréable et légère, sans prise de tête, fluide et facile. Mais justement : l'écriture est trop facile. Au point d'en devenir insipide et sans relief, comme l'image que donne la narratrice – pour le coup, si cette impression de platitude est voulue, c'est très réussi ; sinon, c'est très malheureux…

En outre elle use et abuse de procédés que j'ai retrouvés dans divers autres romans du genre (je pense aux « Oubliés du dimanche » de Valérie Perrin). Je ne vais pas tout décrire, mais on a par exemple ces trop nombreuses « listes à virgules » : ce sont ces phrases qui font à près une page, alors qu'elles ne sont rien d'autres qu'une énumération de divers mots et mini-phrases à peine séparés d'une virgule, donnant ainsi l'impression que le narrateur porte le poids du monde sur son dos. Pour le coup, le lecteur aussi… Ou bien, dans un chapitre qui parle d'un thème / d'un épisode bien précis de la maladie du père, glisser tout à coup un élément qui n'a rien à voir et qui est sensé faire rebondir les choses, mais qui tombe complètement à plat – comme ici, où le chapitre entier parle (entre autres) de l'hyperphagie de la narratrice, « maladie » qui a tendance à ressortir depuis qu'elle héberge son père déficient, et paf tout à la fin alors qu'elle décide de chercher à s'en sortir peut-être, elle ajoute à sa liste de rendez-vous à prendre « Réfléchir frère ou soeur Charlie ». Gni ??? mais qu'est-ce que ça vient faire, quel est l'intérêt de cette phrase perdue, qui n'a été amenée en aucune façon, et qui ne ressortira pas davantage par la suite !?… Oh oui c'est une bonne intention, ça ferait presque sourire… mais en choisissant ce livre, je n'avais pas envie de sourire face à des facilités du genre ; j'avais envie –peut-être- de retrouver quelque chose de mon père, un petit rien qui me rapproche de lui, une douleur partagée comme on peut retrouver dans les groupes de parole qu'elle évoque… mais je n'ai rien ressenti de tout ça !

Bref, il y a plein d'éléments en commun (même s'ils sont toujours un peu différents quand même) entre ma vie réelle et ce livre au sujet touchant. Et pourtant, pas un seul instant je n'ai vibré, pas un seul instant je ne me suis sentie concernée, pas un seul instant je n'ai été seulement un peu émue !
Le rendez-vous de l'émotion a été manqué alors qu'il était plus que possible. En effet, hélas, outre la rencontre manquée avec des personnages exagérément stéréotypés, la forme ne marche pas non plus. Ce livre est un concentré ahurissant de clichés, de poncifs, d'idées reçues, de pseudo-solutions, de jolies phrases plus ou moins moralisantes. C'est trop connu, trop attendu, sans relief. Les recettes de mes livres de cuisine sont parfois plus pétillantes que cette écriture pleine de bons sentiments certes, mais qui laisse un goût vaguement amer d'une platitude désolante et sans limite.
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