Je voudrais lui prendre la main et l’embrasser, la serrer contre moi, mais c’est trop tôt, elle comprendrait pas. Est-ce qu’un jour j’arriverais à lui faire oublier tout ce qu’on n’a pas partagé ? Les engueulades, les piqûres de moustiques, les pique-niques, les vacances à la mer, tous ces étés envolés ? Faut pas rêver. Je la vois la barrière, y a de la distance entre nous. J’ose pas lui dire où je vis, avec qui, ce que je fais. Je voudrais pas qu’elle me regarde de haut, c’est une intello !
— Ça fait plus d’un long mois que j’attends ton appel, Adèle. Eh bien, je peux te dire que je suis pas déçue ! On est forcément maladroit, y a rien qui puisse préparer à ce… ce moment… Mais c’est un cadeau de la vie, merci ma… ma…
Je vais faire couler mon Rimmel, je respire un grand coup. Elle prend ma main entre les siennes, la serre, je ferme les yeux.
— … Je ne sais pas si un jour je pourrai t’appeler maman. Mais je… j’avais un tel besoin de te rencontrer, de renouer ce lien perdu et de le renouer pour toujours. Et puis c’est important pour ma fille, et… parle-moi de toi, tu ne m’as encore rien raconté. Ta mère à toi, ma grand-mère, elle était comment ?
Alors je lui ai raconté la grande famille bordelaise, la bordée de cousins et de cousines l’été, l’espèce de manoir des Landes, mon père notable, et moi le vilain petit canard d’une mère obsédée par les apparences qui se demandait comment elle avait pondu un œuf pareil. On aurait pu continuer tout l’après-midi à s’écouter, à se frôler, mais d’un coup elle se lève.
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