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Geneviève Leibrich (Traducteur)
EAN : 9782864242710
244 pages
Editions Métailié (30/11/-1)
4.3/5   15 notes
Résumé :
Toutes les nuits Ellen voit sa mère s'enfoncer lentement dans la rivière tandis qu'il pleut doucement, toutes les nuits elle voit la robe mouillée plaquée par l'eau sur le ventre de sa mère.
Ellen a aujourd'hui soixante ans et son enfance reflue dans ses souvenirs, d'abord la sensation de faim, pendant de longues années, elle et ses frères n'on jamais mangé à satiété. Puis les humiliations, les déménagements au gré du chômage, les maisons de plus en plus misé... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Avec ce livre, Ellen, l'enfant des eaux, nous entraîne avec elle au coeur de la misère quotidienne de sa famille : nous sommes en 1940, en pleine Caroline du Nord, le travail est rare, Blancs et Noirs crèvent de faim. le père d'Ellen est alcoolique et au chômage, la mère d'Ellen accouche régulièrement d'un enfant supplémentaire (elle aura au final onze bouches à nourrir), les frères comme les soeurs survivent bien plus qu'ils ne vivent.

A soixante ans passées, Ellen se souvient de son enfance meurtrie, de la violence de son père et de son oncle, des coups et des marques laissées dans son corps comme dans son âme, du regard lubrique de son père sur sa grande soeur Nora, des humiliations, des rares voisins, des enterrements de certains de ses frères et soeurs, des déménagements effectués dans la précipitation, du manque permanent d'argent, de la guerre contre les Jap' dont il était sans arrêt question à la radio, de ses propres rêves et de ses espoirs le plus souvent déçus,

A soixante ans passées, Ellen, se souvenant des explications fournies par son frère Otis, accepte enfin la raison du cauchemar qu'elle faisait et refait sans cesse. En fait, son père ne désirait pas qu'Ellen vive ; il battait donc sa femme comme plâtre alors qu'elle était enceinte d'Ellen ; quand elle lui disait qu'elle avait mal au coeur, il la battait encore plus, la forçant à travailler, lui volant l'argent qu'elle gagnait pour le dépenser en allant acheter de la gnôle qu'il buvait jusqu'à en être ivre mort. Ellen a donc été détestée par sa mère, au point que celle-ci tente de la noyer en la portant et en la plongeant, toute bébé, dans les eaux glacées de l'étang qui jouxtait la cabane où "logeait" toute la famille. Si Nora n'avait pas été là, Ellen aurait été noyée !

Cette plongée au coeur du désespoir n'est toutefois pas inscrite sous le signe de la rancune. Et il n'y a pas d'esprit de revanche chez Ellen. Par-delà toute cette noirceur et cette violence, il y a de la poésie et de la tendresse. Parvenue à l'âge adulte et devenue mère, Ellen ne déprime pas : au contraire, c'est pleine de vie qu'elle s'attache à être une mère complètement différente pour ses propres enfants. Cette volonté n'efface pour autant pas l'amour qu'elle continue à porter jusqu'au bout pour sa propre mère, dans un mélange de tendresse et de nostalgie.

Bref, un roman social bouleversant, un peu féminin, de facture très homogène, au style simple mais parfois cru, tout en images et en odeurs (notamment celle du chèvrefeuille), mélangeant habilement souvenirs et faits réels, cauchemars et rêveries poétiques. A découvrir !
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Un affreux regard sur la misère des années 40 en Amérique dans certaines familles , un regard écoeurant, touchant et déroutant, un regard par lequel on comprend qu'une misère sociale peut engendrer d'autres misères, le manque devient en soi une espèce de vice qui verra se développer d'autres vices, c'est dans le regard d'Ellen, une femme de soixante ans, que nous côtoyons ses troublants souvenirs d'une enfance marquée par la misère. de cette misère va s'enchaîner le manque de l'affection, le manque d'amour, le manque de moral, le manque de moralité, le manque de tout qui entraînera inévitablement à la crise de l'être d'où l'alcoolisme, la violence, la haine, l'auto-destruction et aussi un traumatisme difficile à surmonter ...
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Un réalisme social cauchemardesque ?
La quatrième de couverture évoque un cauchemar récurrent d'Ellen, la narratrice, qui assiste à la noyade de sa mère. Et en effet, le lecteur assiste à cette noyade au tout début du livre, cela aurait pu rendre glauque un livre qui peint la misère d'une famille de blancs dans les années 40 dans un état du sud des Etats Unis. C'était du moins ma crainte : une coloration cauchemardesque à une réalité déjà bien dure. Eh bien ouf, si le cauchemar est présent, il n'étouffe pas l'atmosphère générale qui reste pleine de vie, il est part de cette vie où les estomacs crient famine, où les paroles sont rudes et la violence physique fréquente mais où la tendresse se loge comme la chaleur du feu que l'on entretient dans une cabane où le vent glacial de l'hiver menace de s'infiltrer de toute part.

Un monde rude, un regard sensible.
Si la misère est là, on ne la distingue pas de la vie. Ellen, la vieille dame attentive au fonctionnement de sa mémoire, ressuscite volontairement ses souvenirs par des voyages ou les intercepte au vol à l'odeur du chèvrefeuille, elle redevient l'enfant effarouchée qui nous raconte la violence de son père,l'amour éperdu pour sa mère, son rôle dans la maisonnée sous les ordres de sa grande soeur qui seconde la mère aux grossesses sans répit. L'enfant est au service comme les femmes et travaille dur quand le père a cessé de subvenir régulièrement aux besoins de sa famille. le café sucré, les galettes, à défaut de remplir les ventres font partie du quotidien tout comme les corvées d'eau, de linge et de bois à aller chercher dans des haillons pendant qu'il gèle dehors à peine plus qu'à l'intérieur. Les souvenirs restitués par le double regard de l'enfant et de la narratrice âgée naviguent entre les différentes époques de l'enfance en se centrant tour à tour sur les différents personnages hauts en couleur de la famille. Derrière la rudesse des rapports familiaux et sociaux, malgré la vie qui n'est que survie, Ellen recrée avec une grande puissance d'évocation les sensations et sentiments éprouvés, qui n'ont rien à envier à une vie plus délicate ou confortable. Si la vie n'est guère poétique lorsqu'il s'agit de transporter le seau des besoins au petit matin glacé avant de commencer une nouvelle journée de faim tenace, la force d'évocation d'Ellen rend compte de ce qu'est la survie mais aussi de l'amour qui persiste à se frayer un chemin.
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J'ai compris pourquoi certains considèrent ce roman comme un chef d'oeuvre, mais je n'ai pas été convaincue. La narratrice montre une famille pauvre, certes, mais ce qui prédomine, c'est l'aspect rustre de cette famille. le père est violent pour rien, il insulte et frappe, il boit... La mère n'est pas beaucoup mieux. Elle peut user d'un langage ordurier envers ses enfants. Plus tard, elle ressentira une jalousie malsaine et mal placée envers Nora, l'une de ses filles. Je n'ai pas vraiment ressenti l'amour de cette mère pour ses enfants. En outre, une dispute peut éclater pour une broutille au sein de la famille, et prendre d'énormes proportions. Certains hommes de la familles sont des dangers pour les filles... Les parents se fichent que les enfants n'aient pas de quoi manger. Ellen découvrira d'ailleurs le paradis des papilles et de l'estomac lorsqu'elle ira chez des voisins ou lorsqu'elle séjournera chez sa tante.
[...]
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
page 204
[...] "Tu passes beaucoup trop de temps avec ces Taylor", ronchonne -t-elle. "Tu devrais rester à la maison et aider ta maman comme une bonne petite fille."
"Je finirai tout mon travail avant de partir. J'ai fait les lits et repassé les draps et les taies d'oreiller et j'ai mis les haricots à tremper."
"Tu n'aimes pas ta maman autant que tu aimes ces Taylor, loin de là." Elle me regarde avec de grands yeux douloureux. "Je sais bien que tu ne m'aimes pas. Tu penses que ces gens valent mieux que nous."
"Maman, ne sois pas comme ça."
"Je te connais. Tu t'installes là-bas avec cette Frog Taylor et vous parlez de moi." Elle se tient devant moi, mains ouvertes et ballantes. Une de ses incisives commence à noircir et les autres sont tachées par le tabac à priser. Elle prend la boîte de conserve qui lui sert de crachoir et crache. "Je sais que tu as honte de moi."
Une grande peine commence à m'envahir, elle forme un nœud au creux de mon ventre qui se serre de plus en plus. Je murmure : "Je n'ai jamais dit ça."
"Tu crois que personne sait ce que tu as dans la tête, mais moi je sais. Tu penses que ta maman est vulgaire et que tu aimerais mieux avoir quelqu'un comme Frog Taylor pour mère, Frog Taylor avec son gros derrière gras, c'est ça que tu veux. Moi qui t'aime tant, voilà comment que tu me traites. Va là-bas. Je ne peux t'en empêcher."
"Maman, s'il te plaît, ne sois pas comme ça."
"Vas-y, que je t'ai dit." Ses yeux s'emplissent de larmes. Sa lèvre tremble. La peine en moi grandit, me brûle. Tout mon corps me fait mal. [...]
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p.115
Quand il me racontait l'histoire d'une bande-dessinée, il entrait dans une espèce de transe. Je tournais les pages et il me racontait l'histoire de chaque dessin, page après page, à mesure que je les montrais du doigt, parfois en une phrase et parfois en un récit miniature. Il décrivait tous les objets sur les dessins et leur trouvai une explication. Il passait vite d'un dessin l'autre.
"Ça c'est toi", me disait-il quand j'indiquais la jolie brune. "C'est toi quand tu es devenue grande et que tu rencontres Batman."
"Mais je ne veux pas rencontrer Batman."
"Mais si. C'est un super-héros. Un type vraiment chouette. "
"Je m'en fous. Il me flanquerait la frousse. Toi, t'as envie de le rencontrer, pas moi."
Mon indifférence à Batman lui déplaisait, mais il a décidé de l'ignorer. "En tout cas, ça c'est toi. Et tu es avec Batman et l doit te sauver du méchant type, la Perle Jaune." Nous avions entendu parler la radio du péril jaune et le méchant dans cette bande-dessinée était vêtu de jaune.
"Qu'est-ce qu'il va me faire ?"
"Il va te faire ça, et après il te battra", a décidé Robbie. "Mais Batman va pas le laisser faire."
"S'il le laisse faire, ça sera affreux."
"Mais il le laissera pas, il aime pas que des mauvaises choses arrivent, seulement des bonnes. Après, il te sauve, tiens, regarde. Tu te balances avec lui sur la corde ultra-solide qu'il a dans sa ceinture. Avec des crochets. Tu vois ?"
"Dépêche-toi d'arriver à la fin. Je suis fatiguée."
"On peut rien sauter."
"Saute les détails."
Il ne perdait jamais patience."D'accord. Bon, tu t'élances avec lui sur la corde jusqu'à l'endroit où il a caché sa moto et il a même un casque pour toi. Puis vous revenez chez vous sur les longues routes, seulement la Perle Jaune veut toujours te retrouver et te faire du mal."
"Mais il peut pas."
"Non, Batman te protège."
"Il peut pas me protéger. Je me protège moi-même. Parce que j'ai ma propre maison et j'ai un travail."
"Pas dans cette B.D."
"Ça fait rien. Je les ai quand-même."


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p.160
Pendant que nous attendions toutes les deux le sommeil, ses paroles continuaient à courir dans ma tête, fil conducteur qui traversait tous mes rêves. Paulie, disait-elle, approche-toi de mon lit. Tu peux dormir avec moi. Glisse-toi sous les couvertures, tu veux bien, chérie ? Nous allons manger du foie de volaille haché. J'ai tué trois poulets pour la salade au poulet du dîner de Pâques, il y a trois foies. Nous pourrons faire cuire du riz jusqu'à ce qu'il devienne collant. Tu pourras le racler dans la marmite avec ta cuiller et je mangerai le mien comme je l'aime, dans une soucoupe. J'ai envie de manger mon poulet au bord du ruisseau. Paulie, nous pourrons aller là-bas ensemble. Il y a un endroit où l'on peut pendre ses pieds dans l'eau. J'emmenerai mes enfants là-bas un matin. J'aimerais les noyer tous. Tu ne savais pas que j'ai des enfants, eh bien, oui, j'en ai. J'en ai huit qui ont vécu et quatre qui sont morts, et je suis éreintée. Aujourd'hui je ne peux plus faire la chasse aux papillons. Aujourd'hui je ne peux plus courir après les libellules. Asseyons-nous au frais près du ruisseau. Ce que nous avons fait, Mamie Rose et moi ; nous nous sommes assises au bord du ruisseau qui coulait dans son esprit, et je me rendais compte que j'étais pour elle Paulie, que cette vieille femme avec moi dans la chambre était Mamie Rose, dans son rêve ou dans le mien. En ce jour d'été, nous étions assises à l'ombre au bord de la rivière et nous avions les pieds dans l'eau fraîche ; j'avais peur que quelque chose ne soit caché sous l'eau, prêt à me mordre les pieds, et soudain je ne pouvais plus respirer. La voix de Mamie Rose continuait mettre des mots dans ma tête, Paulie, bouge pas, si tu restes bien tranquille les poissons s'approcheront et t'embrasseront les orteils. [...]
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p.40
Qui pis est, Nora s'obstinait à me demander si j'aimais mon petit frère, puis hochait la tête affirmativement comme si elle répondait pour moi tout en me lançant un sourire douceâtre.
Je le détestais. Je l'observais dans son berceau avec son visage ridé et ses cheveux en sueur. Je lui en voulais à mort ; tout ce que je savais c'est que je le haïssais de toutes mes forces. Sans-doute ne comprenais-je pas clairement ce que je ressentais, mais l'écho de ma fureur cascade tout au long de ces années et m'emplit en ce moment même. Je regardais son menton en forme de bulle et ses oreilles chiffonnées. Je méprisais le caillot de sang dans son nombril et l'odeur putride de ses couches. Mais plus que tout je détestais le voir se blottir contre le sein de Maman, voir sa bouche s'activer sur son mamelon. Ça me remplissait de rage et la rage me rendait silencieuse ; je peux peine respirer aujourd'hui encore, alors que je ne fais que me souvenir. Peut-être était-ce parce qu'il avait le ventre plein et que le mien était presque toujours vide.
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Les souvenirs se mélangent à la façon de chambres dans une maison où je vais de l'une à l'autre. Dans une chambre Oncle Cope se tient au-dessus de moi sur ses béquilles pendant que j'essuie la bouche de Joe Robbie avec la serviette et dans une autre je nettoie le derrière de mon propre bébé pendant qu'Oncle Cope est étendu sur le divan, endormi comme une masse, ronflant par instants. Dans une autre chambre encore de ma mémoire apparaît l'image d'Oncle Cope, debout sans ses béquilles, à côté de Villa Ray Crawford, qu'il fréquentait quand il avait encore deux bonnes jambes.
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