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Critique de Takalirsa


Ayant le même âge que le héros au moment où il meurt, j'ai pleinement perçu ce que l'on pouvait ressentir à se retrouver dans son corps de 18 ans avec le vécu d'un quadragénaire (« comme si seul son esprit avait fait le saut »)... La surprise, « le soulagement » (pour lui!) de voir une vie insatisfaisante s'achever (« comment avait-il pu dériver si loin de ses projets et aspirations ?»), l'enthousiasme d'avoir l'opportunité de faire des choix différents dans la nouvelle qui s'ouvre devant soi (« les rêves engendrés en ces lieux et qui ne s'étaient jamais réalisés »), mais aussi le malaise et l'ennui de se retrouver adolescent, de revoir ses proches tels qu'on les avait oubliés... Et chaque fois, à la même date, mourir et revenir, tout recommencer...

Dans ses premières « répétitions », Jeff essaie des chemins de vie différents. Journaliste de métier, il n'a rien oublié des événements déterminants de l'époque et en profite pour s'enrichir avec paris et placements judicieux : hors de question de recommencer études et carrières (comme on le comprend!), d'autant que cela ne lui a pas réussi dans sa première vie. Cependant chacun de ses choix, chacun de ses actes, en plus de sembler suspects à son entourage qui ne le reconnaît plus à cause du décalage entre sa maturité et son physique, a des conséquences plus ou moins imprévues sur son avenir. Épouses et enfants varient d'une vie à l'autre, qu'il se lance dans les affaires ou dans l'alcool, que le mariage soit de convenance ou d'amour : on voit Jeff tester des modes de vie radicalement différents, par curiosité ou par lassitude. Mais au bout du compte ce ne sont « que des changements superficiels ».

Et puis vient l'envie de changer le cours de l'Histoire, surtout quand elle est dramatique (empêcher l'assassinat de Kennedy par exemple, idée que reprendra Stephen King dans 22/11/63). Mais tous ses efforts provoquent à peine « une petite ride à la surface de l'Histoire ». Jeff a alors un passage à vide où il ressent toute « la vacuité de la vie », même quand on la recommence autrement... Tous ces gens que l'on aime mais que l'on perd. Qu'on SAIT d'avance que l'on va perdre... Car au bout du compte il n'y a que « la mort, la mort, la mort »... Alors Jeff s'isole, renoue avec une vie simple et saine, proche de la nature, et y puise une sérénité nouvelle.

C'est avec Pamela qu'il redonne un sens à sa vie. Avec elle, il peut partager son expérience et son ressenti. Avec elle, il cherche des explications (« l'éventualité d'une intervention extraterrestre dans le phénomène des replays » m'a semblé fort saugrenue!), mais aussi de l'aide en rendant « leurs prophéties publiques ». le but : « rendre le monde meilleur, plus sûr ». Une fois encore, c'est un fiasco et il faut bien accepter le dilemme de tout être humain : « nous sommes ici et nous ne savons pas pourquoi »... et il faut bien accepter son « incapacité à comprendre et changer quoi que ce soit », même à deux. Accepter de vivre « avec la violence, avec la banalité de la mort ». Tout à fait égoïstement, « se concentrer sur de nouveaux espoirs, de nouveaux rêves, une autre vie » qui recommence déjà. Encore faut-il se retrouver, se reconnaître et pouvoir agir (ils sont des adultes indépendants « sous des dehors trompeusement juvéniles »)... D'autant plus qu'il y a « cette anomalie troublante dans l'ordre cyclique »... Et si au bout du compte les replays avaient une fin ? Qu'on ne pouvait revivre qu'une portion de plus en plus réduite de sa vie (ratée) ? Prendre conscience qu'on entame « les derniers mois, les derniers jours de sa vie » et qu'ensuite on allait « mourir pour toujours » ? J'avoue avoir trouvé les derniers chapitres angoissants, alors même qu'ils constituent NOTRE réalité ! Et n'est-ce pas là le message de l'auteur, son but ultime à travers ce roman fichtrement bien construit et pensé quand on y réfléchit : prendre conscience qu'il est vain de chercher un sens quelconque à la vie, qu'il « n'existe que cette fois, cet unique temps bien défini dont on ne pouvait connaître ni la direction ni l'aboutissement » et donc qu'il ne fallait pas « en gaspiller un seul instant » ?
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