Jean-Christophe Blumhardt homme de grande foi

Il semble que le Wurtemberf aura aussi son émigration religieuse, à la façon de l'Angleterre. Des centaines de familles se déclarent, en effet, prêtes à franchir l'Océan, pour aller fonder, au-delà des mers, une société nouvelle, basée sur la seule loi de Dieu. Il y a, sans doute, dans ce mouvement, des exagérations, souvent même des excentricités. Il n'en reste pas moins vrai, cependant, que des besoins religieux réels, profonds, agitent ces coeurs.
C'est à ce moment et dans ce milieu, que naquit et fut élevé Christophe Blumhardt. La piété était en quelque sorte héréditaire, et même parfois excessive dans sa famille. (...)
Le pére de Christophe subissait, lui aussi, l'influence de cet esprit de la famille. Son fils nous parle souvent de l'éducation austère qu'il a reçue dans la maison paternelle. "Notre père nous réunissait régulièrement chaque soir," nous dit-il, "pour le culte de la famille. On lisait la Bible, on chantait des cantiques, et, par tous les moyens possibles, on cherchait à nous intéresser aux choses de Dieu. Je n'oublierai jamais l'émotion qui s'empara de moi, certain soir, lorsqu'après nous avoir parlé des persécutions et des martyrs, notre père s'arrêta soudain dans son récit, et de sa voix la plus solennelle, nous dit: "Enfants, faites-vous tuer, plutôt que de renier jésus-Christ." Une éducation pareille était bien propre à frapper de jeunes imaginations et nous croyons volontiers Christophe, quand il lui attribue la part la plus grande dans son développement religieux.

L'Allemagne de la fin du siècle dernier, que l'on nous représente volontiers comme entièrement irréligieuse, nous offre au contraire, quand on l'examine avec attention, le spectacle d'une société tourmentée de besoins spirituels profonds. Si la minorité est élevée à l'école sceptique et railleuse de Voltaire, la majorité, c'est-à-dire la nation elle-même, se montre animée de dispositions bien différentes.

A l'extrémité du village de Mottlingen, existe, aujourd'hui encore, une maisonnette de chétive apparence. Au rez-de-chaussée de cette maison, vint habiter, en 1840, une famille extrêmement pauvre, du nom de Dittus, composée de deux frères et de trois soeurs. La cadette des filles, Gottliebin, née en 1815, est l'héroine de ce récit.