Des diables et des dieux: conte moderne

J'ai posé ce retour sur Amazon, le 17 janvier. Cassius Clay aurait eu 77 ans ce jour là. J'ai partagé la passion de la boxe avec mon père à un âge où il n'était pas encore tombé de son piédestal.

J'ai un jour eu l'immense privilège de visiter la mythique Gleason's Gym de Brooklyn, l'antre de la boxe aux effluves capiteux de cuir et de sueur dans laquelle plus d'une centaine de champions du monde ou olympiques se sont affrontés et entraînés.
Passionnée de sport, j'avais raconté sur ma page fb à l'époque, que je plaçais la boxe bien au-dessus de tous les autres sports. Il en faut une foi absolue pour donner des coups et surtout en recevoir, il en faut des tripes et un besoin, poussé à son paroxysme, de reconnaissance, pour, un genou à terre, se relever et poursuivre sa quête de victoire. Lorsque j'ai lu Poc et suivi l'histoire de Sebastien, j'ai pensé à cette rage, cette hargne de vivre. En dépit des liens familiaux destructeurs, malgré les coups et la disgrâce, Sébastien ne renoncera jamais.
Mais c'est la plume de l'auteur qui m'a fait penser à un célèbre boxeur. le plus grand champion de tous les temps est mort, pourtant je continue de le suivre sur Instagram. J'ai chialé comme une gamine que j'étais quand je l'ai vu en 96, allumer la flamme olympique à Atlanta, accompagné de sa saloperie de Parkinson. Quel symbole !
Un crochet vous fracassait la mâchoire et c'était pourtant un poids plume qui dansait sur le ring. Stéphane Grisard, a ce talent. Les métaphores, les non-dits suggèrent avec une telle puissance de frappe qu'on se sent anéanti, le genou à terre, par l'énergie qu'il insuffle. Puis sa plume se fait légère, délicate, on baigne, on flotte sur une vague de poésie urbaine, moderne. C'est beau, réellement beau, esthétique, sublime. Je m'arrête sur ces mots et j'imagine un tableau, c'est un peu comme lorsqu'on fait un arrêt sur image durant un bon film vu plusieurs fois, pour en apprécier la qualité photographique. Bon sang ! Il a du talent.
Je ne cours pas après les festivités encore moins après les fêtes coutumières. Noel a sans doute perdu de sa magie avec la perte d'êtres chers, je n'y vois plus qu'une orgie mercantile et depuis que nous sommes plus très nombreux autour de la table à festoyer, je dirais qu'il me manque l'essentiel. J'avais ma fée de Noël, elle s'est barrée sans prévenir. La coutume des voeux pour la nouvelle année, hypocrites pour la plupart, est une véritable corvée pour moi lorsqu'elle n'est pas sincère. On voit trop quand je me force.
Ce conte est arrivé comme une réponse à mon début d'année monochrome.
Une histoire somme toute banale, se dévoile sous la plume singulière et talentueuse de Stéphane, mais trouve une voie inattendue, d'une élégance rare. Je lis et j'ai l'impression qu'il m'autorise à regarder dans l'objectif qu'il me tend, je l'accompagne derrière la caméra et l'angle qu'il va prendre me surprend, c'est sublime, rare, unique.
J'avoue, en quelques pages, l'auteur a coloré la monotonie de mon début d'année. Sa vision est si artistique. Stéphane est à la littérature ce qu'Oliver Stone ou Alan Parker sont au cinéma, c'est parfois cru, il ne ment pas, c'est entier, ça taille dans le vif, c'est anguleux, rugueux, mais son regard et sa prose font aussi penser à des Jeunet ou encore à Jaco van Dormael dont je viens de voir un film sublime, original, intelligent, très récemment. On y trouve également les silences, la discrétion et la pudeur des beaux films d'auteurs. Tout est relief et élégance.
Je suis chaque fois charmée.
A quand un passage derrière la caméra avec tous ces talents réunis ?

Une nouvelle absolument magnifique. Une écriture à découvrir en urgence pour celles et ceux qui ne connaissent pas encore l'auteur.