Citations sur La sentence (79)
Si M. Banning avait tué un homme noir, pour quelque motif que ce soit, il n’aurait sans doute même pas été arrêté. En revanche quand un Noir tuait un autre Noir, le glaive de la justice devait s’abattre, uniquement sous la conduite des Blancs. Mobiles, circonstances aggravantes, alcool, passé criminel, tout cela était pris en considération, mais le plus important restait pour qui travaillait l’accusé. Avec un patron influent, la peine pouvait être réduite à quelques mois d’incarcération dans la prison du comté. Sans patron, c’était la chaise électrique assurée.
Il réclamait leur pardon mais c’était trop tôt pour eux, bien sûr. Tant qu’il ne pouvait expliquer son geste, il n’y avait pas de pardon possible. Il était leur père. Comment pouvait-il leur demander ça ? Accorderait-on un pardon quand le pécheur refusait de donner la moindre justification?
La loi contre le métissage n’était pas une exception dans le sud des États-Unis. Le problème n’était pas le sexe entre hommes blancs et femmes noires ; de telles relations étaient monnaie courante et tout le monde s’en fichait. L’objet de cette interdiction visait à protéger le caractère sacré des femmes blanches et à tenir les Nègres loin d’elles. Mais comme l’histoire l’avait maintes fois prouvé, quand deux personnes voulaient avoir des relations sexuelles, elles faisaient fi des interdits et des risques encourus. La loi n’empêchait rien, elle permettait juste, de temps en temps, de punir quelques couples pour l’exemple.
Colliver ignorait que Pete Banning avait été blessé à la guerre, battu, privé de tout, affamé, torturé, lacéré par des fils barbelés, enfermé dans des cales de bateaux, des wagons de bestiaux, des camps de prisonniers, et que, durant son calvaire, Pete avait appris l’une des grandes règles de la survie : ne jamais trop en dire à un inconnu. Colliver resta donc sur sa faim.
Il connaissait la captivité et il avait survécu à des conditions bien plus difficiles, une abomination qui, même avec le recul, quatre ans plus tard, dépassait toujours l’entendement.
Toutefois, en 1938, lyncher un Noir n’était pas considéré comme un meurtre ou un crime dans les États du Sud, et le Mississippi n’échappait pas à la règle. En revanche, un mot de travers à l’adresse d’une Blanche était passible de mort.
Une belle récolte en perspective. Mais là, il n’y aurait pas de joie, juste des larmes – beaucoup de larmes. Ne pas tuer aurait été de la lâcheté, toutefois. Et la couardise n’était pas dans ses gènes. Il sirota son café en admirant son domaine. C’était si paisible, si serein. Sous ce manteau duveteux, la terre était noire et riche, propriété des Banning depuis plus de cent ans. Ceux qui avaient le pouvoir et l’autorité allaient l’arrêter, l’emprisonner et sans doute l’exécuter, pourtant la terre continuerait à faire vivre les siens.
Officiers et appelés étaient novices, et les camps d’entraînement étaient rares. Comme les uniformes au complet. Les casques d’acier étaient si peu nombreux que les Philippins se protégeaient le crâne avec des noix de coco.
Un pasteur bien connu tué de sang-froid par l’un des habitants les plus respectés de la ville. Il devait forcément y avoir une raison. Tôt ou tard, on découvrirait la vérité. Mais pour l’heure, le temps semblait s’être arrêté et rien ne paraissait réel.
Colliver ignorait que Pete Banning avait été blessé à la guerre, battu privé de tout, affamé, torturé, lacéré par des fils barbelés, enfermé dans des cales de bateaux, des wagons de bestiaux, des camps de prisonniers, et que, durant son calvaire, Pete avait appris l'une des plus grandes règles de la survie : ne jamais trop en dire à un inconnu