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EAN : 9782874493003
304 pages
Les Impressions nouvelles (03/09/2015)
3.75/5   4 notes
Résumé :
Un Art en expansion propose un retour sur un demi-siècle de création en bandes dessinées, une période qui a vu le neuvième art se diversifier considérablement, aborder de nouveaux domaines, inventer de nouvelles formes, se métisser avec d'autres arts et s'émanciper du format de l'album traditionnel.
Dix oeuvres-phares de la modernité sont passées au crible d'une relecture attentive qui en détaille les enjeux et en fait ressortir le caractère novateur. Dix jal... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Décortiquer et analyser dix titres emblématiques de la BD pour nous parler de l’évolution de cet art, des années soixante à aujourd’hui, n’est pas une entreprise des plus périlleuse pour un spécialiste tel que Thierry Groensteen – à qui l’on doit déjà pas mal d’écrits de référence sur le sujet – un de plus donc, et pas d'ennui en vue. Qu’on ne connaisse pas ou mal, les œuvres présentées, ou qu’on soit au contraire fondu de BD, importe peu : la lecture de son livre est passionnante de bout en bout. Elle met en perspective les standards et les innovations dans le genre, pointe la capacité de cet art du texte et de l’image à s’enrichir aux sources les plus diverses, souligne les grandeurs (des années de travail, patient et soutenu, sont souvent nécessaires à l'élaboration des oeuvres) et faiblesses (petites désinvoltures de scénario chez certains), montre les affinités ou les filiations dont se revendiquent les auteurs, les différences et les analogies entre les œuvres, les intentions et les ambitions de leurs créateurs, et comment in fine, la BD bataillant pour une « littérarité » dessinée qui lui était contestée, a pu devenir incontournable sur la scène artistique, adoubée, et par les instances littéraires et par le marché de l’art.

Très net dans sa conception, découpage en dix chapitres bien illustrés, un par œuvre, adoptant sans surprise la chronologie de parution, et très direct par son style sans circonvolutions, le livre se lit d’une traite avec un intérêt constant, voire même croissant dans les deux derniers chapitres, grâce à la mise en boîte des quatorze éléments puzzle de « Building stories » (Chris Ware, 2012), qui renvoie manifestement à « La-Boîte-en-valise » de Marcel Duchamp, réalisée en 20 exemplaires entre 1936 et 1941 ; grâce également à la trilogie en quatre volumes, quelque peu mégalo, de Jens Harder, « Le Grand récit : Alpha, Beta, [Gamma] », (inachevé : seuls Alpha et Beta 1 sont parus), qui ambitionne de raconter l’histoire de la vie sur terre, depuis le Big Bang jusqu’à nos jours, ni plus ni moins, en mode documentaire et en travaillant essentiellement sur du « visuel existant ». L’expansionnisme du titre et la forme pyramidale de l’image de couverture ne sont d’ailleurs pas anodines, si l’on songe que le bouquin s’achève sur l’examen de cette BD.

Cette poignée de chefs-d’œuvre qui parlent donc, à leur façon et chacun leur tour, parfois tous ensemble, du neuvième art, ont à chaque fois « ouvert une brèche, concrétisé une avancée ». S’ils marquent des ruptures, ils n’en échappent pas moins à un processus de banalisation, de récupération, d’exploitation. Sélection « arbitraire », internationale, qui est introduite par « La Ballade de la mer salée », un des premiers romans graphiques à forte connotation littéraire revendiquée, où se marie l’aventure et la poésie (Hugo Pratt, 1967). Arbitraire, certes, mais convaincante sélection, dans la mesure où elle est représentative de ce qui s’est joué, en cinquante ans de BD, et que le titre énonce clairement : profusion des formes graphiques et narratives.

L’expansion, le terme touche non seulement le format des albums dont l’amplitude augmente dans les années soixante, mais aussi les stratégies artistiques très diversifiées que les créateurs ne cessent de développer depuis cette date. A la suite d’Hugo Patt, qui parle d’une « littérature dessinée », la narration et le graphisme prennent de plus en plus leurs aises, enfreignant pas mal des codes entérinés par les standards initiaux – cas de « Watchmen » (Alan Moore/Dave Gibbons, 1989, prix Hugo de la SF), "thriller-politico-futuriste", comme le définit Groensteen qui en donne une relecture palpitante, même si l'esthétique musculeuse des six héros masqués peut laisser de marbre. Une des autres œuvres qui fait date et considérée même comme indépassable, par certains, à ce stade de l’évolution de la BD et sur laquelle s’attarde notre auteur est « Le Garage hermétique de Jerry Cornelius » (Moebius/Jean Giraud, 1976 à 1979 et paru d’abord dans Métal Hurlant). Le roman graphique, appellation jugée inutile par Groensteen, mais employé communément, s' ouvre à partir de là, à tous les possibles.

L’expansion suggère aussi la conquête de territoires inconnus. Les années quatre vingt dix voient en effet la BD investir des modes d’expression inédits qui explorent par exemple de plus en plus l’intériorité, comme l’autobiographie, le journal intime, ou encore le récit journalistique ou documentaire, etc. ; nouvelles potentialités où la mise en relation au texte se fait très subtile (effets de tressage), avec des moyens graphiques sans cesse élargis autorisant la traversée des genres, l’improvisation, l’hybridation des styles, une bien plus grande plasticité et mobilité du trait. Tendance que Groensteen illustre par quatre œuvres très puissantes qui magnifient le noir et blanc et les valeurs intermédiaires : « L’ascension du haut mal » (David B., 1996 à 2003 - six volumes), roman familial à forte implication personnelle et dimension onirique, retraçant l'enfance de l'auteur/narrateur à travers la maladie épileptique de son frère ; « Fun home » (Alison Bechdel, 2006), tragicomédie familiale « intello » où la littérature, le travail sur la photographie servent véritablement de filtres aux thèmes déclinés, l’homosexualité de la créatrice/narratrice et celle de son père, étant l’un d’entre eux ; « Faire semblant c’est mentir » (Dominique Goblet, 2007), l’œuvre sans doute la plus atypique et la plus innovante de la série, par son syncrétisme graphique et la pluralité des influences sous-jacentes qui s’y lisent (arts plastiques, musique) : une autobiographie d’un genre absolument original, où le point de vue de « l’autre » est sollicité ; « Arrival », album silencieux (Shaun Tan, 2006 – meilleure BD Angoulême 2008), traitant d’un sujet universel majeur, l’émigration : quand l’image seule prend la parole.

Enfin, je conclus avec ce propos de Craig Thompson, représentant de la BD indépendante américaine, auteur d’un conte d'inspiration orientale, puisant aux traditions des trois grands textes monothéistes autant qu'aux Mille et une nuits, foisonnant par les thèmes, luxuriant par le dessin, et affichant 672 pages au compteur, « Habibi » (2011). Le plus jeune (né en 1975), parmi tous les créateurs contemporains, figurant dans ce palmarès évolutionniste déclare : « Pendant une dizaine d’années de ma vie, j’ai lu la Bible tous les jours. Nous n’avions pas la radio, pas la télévision, pas de cassette vidéo, de films, pas de musique autre que religieuse. En revanche, les bandes dessinées, parce qu’elles étaient destinées aux enfants, étaient autorisées » (P.194)...

Que ceux qui doutent encore de la BD se dénoncent !



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Pour commencer, je tiens à remercier encore plus que d'habitude Babelio et l'éditeur Les impressions nouvelles, qui m'ont permis de lire ce livre dans le cadre de Masse Critique, et surtout qui ont été trèèèèès patients car j'ai mis beaucoup plus de temps que prévu pour le lire [...]

Je vais être honnête, je n'ai pas lu tout le livre. J'ai lu l'introduction et les trois premiers chapitres sur dix. Ce n'est pas qu'il ne m'a pas plu, bien au contraire. L'introduction m'a permis de bien comprendre quel était l'objectif de l'auteur en écrivant cet essai. du coup, je me suis dit que s'il était question de 10 BD "cultes", il serait plus intéressant de lire ces BD avant l'essai. J'ai donc réussi à me procurer La ballade de la mer salée ainsi que le Garage hermétique de Jerry Cornelius (que je n'ai pas chroniqué ici car je l'ai abandonné avant la fin), quant à Watchmen, je me suis contentée du film, même si j'ai maintenant très envie de découvrir le texte. Pour les autres, je n'ai pas trouvé quelqu'un pour me les prêter et je n'avais pas vraiment envie de les acheter. J'ai donc décidé de ne pas lire les autres chapitres, car sans connaître la BD, je trouve que ce livre perd tout son intérêt. Je pense que je reviendrai vers ce livre si j'en ai l'occasion, pour poursuivre la lecture.

Pour ce qui est des trois premiers chapitres, je les ai trouvés lumineux ! le contrat est rempli : les explications nous permettent de comprendre très bien en quoi chacun de ces titres ont été déterminants dans l'histoire de la BD. Si je n'ai pas vraiment apprécié le Garage hermétique de Jerry Cornélius, j'en ai quand même compris la portée symbolique (ce texte m'a d'ailleurs fait penser à l'expo Moebius-trans-forme visitée il y a quelques année). Pour ce qui est de la BD d'Hugo Pratt, elle m'a donnée envie de redécouvrir les autres Corto Maltese (lus dans mon enfance à une époque où je détestais le noir et blanc donc j'étais passée complètement à côté) et avec les explications de Thierry Groensteen, il me semble que ces lectures seront encore plus appréciables. Enfin, dans l'analyse de Wachmen (que je connais mieux mais uniquement par le film donc je me doute que c'est différent) j'ai retrouvé beaucoup de choses auxquelles j'avais pensé lorsque j'avais découvert cette histoire, j'ai donc maintenant envie de découvrir la BD pour en percevoir toutes les subtilités.

Le texte est clair, bien écrit, pas pompeux ni assommant comme peuvent l'être parfois ce genre d'écrits. Les illustrations sont nombreuses et intéressantes.

Pour conclure, une lecture très enrichissante mais si incomplète. Mais elle n'en restera pas là, je me donne juste un peu de temps pour découvrir les autres titres évoqués.

Encore merci à Babelio !
Lien : http://blogonoisettes.canalb..
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Un ouvrage essentiel qui permet de poser un regard neuf sur le neuvième art , qui a vu d'ailleurs un regard différent se poser sur lui au cours des dernières décennies, gagnant en considération et multipliant les formats, adoubées par le monde littéraire et le marché de l'art, et prenant de plus en plus de place dans les médias.

Bref, cet ouvrage de vulgarisation consacre ce phénomène qui per­met de faire décou­vrir des oeuvres qui restent en toute objectivité une réfé­rence en la matière même si chacun regrettera l'absence de tel ou tel album culte.

Une relacture très précise, fouillée, et bourrée de références culturelles pour des oeuvres essentiellement des 20 dernières années, et comprenant plusieurs chefs d'oeuvres comme Habibi de craig Thomson ou Fun home de Bechdel.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Groensteen, en érudit connaisseur de son sujet, a sélectionné un panel large d'oeuvres du 9° Art et les décortique à loisir. J'ai omis volontairement les passages sur les albums que je n'ai pas (encore) lu mais ait été des plus intéressé par les analyses de monuments comme le Watchmen ( sur lequel je n'aurais pas cru apprendre encore des choses) de Moore, le premier Corto ou le monumental Alpha et ses suite de Harder. Après j'aurais peut être aimé trouver plus de détails techniques sur la narration, la composition des planches et cases parfois mais ne boudons pas notre plaisir!
Lien : http://bobd.over-blog.com
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critiques presse (3)
BDGest
30 octobre 2015
Très technique, mais parfaitement accessible grâce à une écriture claire et directe, Un art en expansion est convaincant, même si une connaissance des albums étudiés s'avèrent pratiquement indispensable pour bien suivre les analyses de l'auteur.
Lire la critique sur le site : BDGest
Sceneario
13 octobre 2015
Un livre très intéressant qui propose de nombreuses pistes de lectures pour lire et relire ces chef-d’œuvres de la bande dessinée.
Lire la critique sur le site : Sceneario
BDZoom
03 septembre 2015
L’analyse, qui parfois vole un peu haut pour le commun des lecteurs, n’en demeure pas moins passionnante, troublante, jamais ennuyeuse.
Lire la critique sur le site : BDZoom
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
De même que le nu et le portrait, la nature morte fait partie des genres traditionnels dans la peinture classique. Si l'on veut bien assimiler l'essentiel du récit véhiculé par "Building stories" à une suite de scènes de genre (en d'autres termes, des représentations de la vie intime et quotidienne), et si l'on considère que le paysage y tient aussi son rôle (il s'agit, en l'espèce, du paysage urbain), il n'est sans doute pas fortuit que Ware ait fait une place, dans son oeuvre, au nu et au portrait, mais également à la nature morte. Tout se passe comme si le dessinateur avait voulu se mesurer aux grands genres picturaux, vérifier leur compatibilité avec la logique séquentielle et narrative de la littérature graphique, et, ce faisant, brouiller les hiérarchies artistiques conventionnelles. (Il n'y a que la peinture d'histoire, antinomique avec l'ancrage de "Building stories" dans le quotidien et le banal, qui n'y trouve aucun équivalent. (p. 235)
Chris Ware, Building stories.
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En 1975, alors qu'il était plongé dans la réalisation d'Arzach, comme en réponse à certains lecteurs déconcertés, Moebius écrivit, dans l'éditorial de Métal Hurlant n° 4, ces lignes si souvent citées depuis : "Il n'y a aucune raison pour qu'une histoire soit comme une maison avec une porte pour entrer, des fenêtres pour regarder les arbres et une cheminée pour la fumée... On peut très bien imaginer une histoire en forme d'éléphant, de champ de blé, ou de flamme d'allumette soufrée." (p. 43)
Moebius, Le Voyage hermétique de Jerry Cornelius
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La représentation de créatures chimériques ou monstrueuses est une constante de l'histoire de l'art. Les monstres apparaissent dès les plus anciennes figurations laissées par l'homme. Ils pullulent, comme créatures maléfiques, dans l'imaginaire médiéval. Ils ont fait la gloire de Jérôme Bosch. Dans le champ de la bande dessinée, le monstre se trouve généralement du côté du récit de genre : le fantastique, l'heroïc fantasy. Il est inattendu et fascinant de le voir ici s'inscrire au coeur du projet autobiographique, du parler intime. (p. 118)
David. B, L'Ascension du haut mal.
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Le dessin est ce véhicule qui permet d'explorer sans risque ses fantasmes, ses hantises, ses douleurs, de leur prêter consistance et visage, de les exorciser et de les apprivoiser à la fois. Les personnages dessinés sont ni plus ni moins que des "anges gardiens. (p. 113)
David B., L'Ascension du haut mal.
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