Citations sur Arcadia (11)
… Arcadia, cet endroit où ses parents ont été si heureux. Où, enfant, il fut si heureux. (Enfin, l'était-il vraiment ? Mieux vaut se méfier de cet éclat rétrospectif : la poudre d'or s'accumule sur les souvenirs pour les faire étinceler.)
Parfois, le monde paraît insupportable à Pouce, trop plein de terreur et de beauté. Chaque jour il se retrouve écrasé par une nouvelle surprise. Dehors l'univers bat à une vitesse impossible. Il le sent tourner en vain sur lui-même. (…) Il sait que sa connaissance du Dehors est imprécise, à la fois muette et glanée ici et là. Elle se compose de tout ce qui arrive à ses oreilles, les histoires qu'apportent les gens, ce qu'il a lu.
La douceur de la terre monte vers lui. Dans cet instant qui éclôt puis s’efface, il se suffit à lui-même et tout va pour le mieux dans le monde.
Peu importe que cette histoire soit vraie. Pouce manipule les images : il sait que l’essentiel n’est pas que les histoires soient véridiques. Il comprend, avec cette impression d’un courant d’air qui balaie une pièce, qu’en perdant ces histoires sur nous-mêmes, auxquelles nous croyons, c’est aussi nous-mêmes que nous perdons.
Il invente une chanson qu'il ne cesse de fredonner pour lui-même : Renouvellation, renouvellation, réparer, colmater, nettoyer, peindre... renouvellation. (…) Abe lui adresse un sourire radieux et le reprend, Rénovation, mon chéri. Mais Hannah serre Pouce et lui chuchote, Moi, je trouve ton mot approprié. Renouvellation. Réinventer notre histoire. Les doigts tendres de sa mère se posent sous son menton, et il rit, heureux de lui faire plaisir.
L'enfance est un tissu si délicat ; ce qu'ils ont fait ce matin pourrait s'imprimer dans la tête des petits, y laisser une douleur sourde, modeste, qui reviendra en boucle, les blessant de manière subtile pour le reste de leur vie.
Il se sentait tout tendre, sans carapace. Le canevas des histoires qui l'avaient toujours enveloppé, sa mythologie personnelle, était devenu invisible, et nul ne le connaissait ; personne ne savait qu'il était un bébé miracle, un Tom Pouce hippie, le fils d'Abe et Hannah (…).
Elles découvrent de grandes fenêtres crasseuses ; un vieux poêle à bois râblé, curieux ; des patères à différentes hauteurs. Les pupitres empilés sont festonnés d'arc-en-ciel de champignons. Les murs frémissent de toiles d'araignées dérangées par leur arrivée.
Le lac gelé était tout illuminé, comme s'il brillait de l'intérieur, la glace était du plomb fondu au pied de ces magnifiques montagnes violettes, et la cloche de l'église a retenti dans le village pour célébrer ta naissance, celle de notre bébé miracle.
Dans cette aube parfaite, même le vieil homme est beau, sa barbe bleue sous la peau soudain lumineuse de sa joue, cette souplesse nouvelle dans sa mâchoire, les touffes de poil dans ses oreilles, voilées d'or.