Ce roman m'attend depuis sa sortie, mais il a fait l'objet de tant de critiques dithyrambiques que j'ai préféré laisser le temps au temps.
Je commence cette lecture, les yeux écarquillés sur une suite d'images d'un mauvais film des années hollywoodiennes, avec à l'écran des personnages qui sont des caricatures, style années 80.
Je suis également agacée par le procédé de mettre entre crochets certains passages.
Et pourtant, je sais dès les premières pages que je tiens un livre envoûtant ? Est-ce aussi certain ?
Première image idyllique Lotto (Lancelot) et Mathilde sur une plage, jeunes et beaux, « just married ».
Drôle de jeunesse pour Lotto de la
Floride au New Hampshire.
Jusqu'au jour : « Voilà la réponse à toutes les questions. On pouvait laisser son moi de côté et se transformer en quelqu'un d'autre. On pouvait réduire au silence la chose la plus effrayante du monde. »
Puis surgit la question essentielle qui sous-tend le roman : « Quelle est la différence entre la tragédie et la comédie ? »
La réponse étant : « Il n'y en a pas. »
Des fêtes, des attentes d'un rôle pour Lotto et Mathilde paye les factures.
… « Hélas, des années plus tard, Lotto demeurait un homme ordinaire. »
Mais il finira par devenir Lancelot Satterwhite dramaturge à succès.
La construction de ce roman est calquée sur le procédé du miroir sans tain : équipé d'une vitre qui permet de voir à travers dans un sens mais pas dans l'autre. On ne voit que l'espace qui est éclairé. Si l'on inverse l'éclairage, on voit l'autre côté.
C'est ainsi que fonctionne
Lauren Groff.
Pour en terminer avec cette première partie qui nous fait vivre un quart de siècle de ce couple avec les affres de la création, je l'ai trouvé saccadée, comme les gestes d'un couple faisant l'amour de façon machinale, sans affects.
Cela donne à l'ensemble un côté étrange, presque voyeur pour le lecteur.
La lumière change de place et c'est le côté de Mathilde que le lecteur découvre.
Le diable en jupon ?
Difficile d'en dire plus. Divulgâcher serait difficile tant l'histoire devient touffue presque confuse.
La première partie semait des indices qui laissaient augurer que l'empathie avec l'un des personnages ou des situations allait venir, mais il n'en est rien.
Si le lecteur reste avec l'envie de savoir, c'est dû à la construction.
Cette dernière est très maîtrisée, mais pour moi le style est rude sans finesse psychologique avec une surenchère d'effets théâtraux qui font que pour moi c'est trop.
La question que je me pose à la fin de cette lecture que reste-t-il de cette histoire, après 5 ans, pour les lecteurs qui ont aimé ce roman ?
Pour moi, une histoire trop intellectualisée pour me séduire.
A
Lauren Groff : « il lui faut quelque chose de plus désordonné, de plus affûté, comme une bombe qui explose. »
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 14 janvier 2020.