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L'exergue de Primo Levi donne le ton de l'essai "les montres existent, mais ils sont trop peu nombreux pour être dangereux ; ceux qui sont plus dangereux, ce sont les hommes ordinaires, les fonctionnaires prêts à croire et à obéir sans discuter".
"Désobéir" nous invite à cesser d'être des êtres ordinaires pour devenir des êtres libres ce qui signifie aussi des individus responsables qui agissent et décident en conscience. Et c'est bien plus compliqué qu'il y parait, car il s'agit surtout de désobéir pour une bonne raison : obéir à soi-même ! un soi-même exigeant et lucide qui renoncerait à "laisser pulluler les ambitions médiocres, céder à la facilité, laisser enfler le vulgaire, rapetisser le magnanime" afin que "la maîtrise parfaite de soi et l'obéissance souveraine à soi-même produisent un ordre intérieur". En quelque sorte il s'agit de redevenir un sujet politique et éthique. La clarté de la définition de l'éthique par Gros facilite grandement la lecture "ce que j'appelle ici éthique c'est la manière dont chacun se construit et travaille un certain "rapport" à partir duquel il s'autorise à accomplir telle chose, à faire ceci, plutôt que cela (...) Obéir, désobéir, c'est donner une forme à sa liberté".

Dès le début de l'essai, Frédéric Gros énonce en quelques pages comment nous avons accepter l'inacceptable et décrit les motifs qui "auraient dû depuis longtemps susciter notre désobéissance et devraient la provoquer encore aujourd'hui". En premier lieu, le creusement des injustices sociales, des inégalités de fortune et son corollaire la cupidité qui entraine l'enrichissement des riches, l'appauvrissement des pauvres et l'effondrement progressif de la classe moyenne ; le second point intolérable est la dégradation de notre environnement, la Nature selon les mots de Gros "suffoque" et nous avec. La dernière chose inacceptable se résume en un mot : capitalisme. Spéculation financière, endettement généralisé, accélérations par les nouvelles technologies... conduisent à une course en avant suicidaire qui épuise à la fois les humains et la Nature. Dès lors, "La vraie question ce n'est pas pourquoi les gens se révoltent, mais pourquoi ils ne se révoltent pas"( Wilhem Reich). Pour rétablir un certain équilibre intérieur et retrouver une forme d'intégrité morale et politique désobéir s'avère d'abord un remède et une victoire sur soi-même. En refusant le conformisme généralisé et l'inertie du monde, chacun peut redevenir un sujet politique s'autorisant une dissidence civique.
La lecture passionnante de l'essai déroule les nombreuses inepties du monde moderne, les soumissions et les résignations politiques qui conduisent aux catastrophes humaines et écologiques. Mais cet ouvrage ne fait pas que lister les formes d'esclavage de la pensée et de l'action, il propose des "remèdes" dont le plus absolu et le plus difficile à avaler, sans doute, est le recouvrement de sa propre liberté afin de ne pas être ce que La Boétie nomme dans Discours sur la servitude volontaire "les traitres de vous-même". "Penser c'est se désobéir, désobéir à ses certitudes, son confort, ses habitudes"
Une lecture hautement recommandable qui devrait être dans toutes les bibliothèques publiques et privées. Un livre à lire, relire et offrir.
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Un essai très intéressant, très documenté, une étude critique de la politique en partant des notions d'obéissance et de désobéissance, qui s'appuie sur des études philosophiques menées par Kant, Socrate, Foucault, Arendt..., sur des emblèmes culturels de résistance (Antigone, la fille d'Oedipe, Diogène...) ou au contraire sur des figures très/trop obéissantes ayant banalisées le mal (Adolf Eichmann...). Absolument passionnant.
«Ce livre pose la question de la désobéissance à partir de celle de l'obéissance, parce que la désobéissance, face à l'absurdité, à l'irrationalité du monde comme il va, c'est l'évidence. Elle exige peu d'explications. Pourquoi désobéir ? Il suffit d'ouvrir les yeux. Elle est même à ce point justifiée, normale, que ce qui choque, c'est l'absence de réaction, la passivité.»
Un éclairage sur notre monde, notre piètre démocratie, qui nous amène à comprendre pourquoi face pourtant aux situations évidentes de désespérance, d'indignation, d'injustice ... dans lesquelles le monde actuel est plongé, l'obéissance reste majoritairement de mise.
Un essai qui interpelle, un véritable appel à résister au conformisme et à la tyrannie.
Très brillant ! Nécessaire, essentiel. A lire, picorer, relire, et surtout à méditer !
«... désobéir est une déclaration d'humanité»
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Qu'attendre d'un essai qui prend pour titre Désobéir ? Un peu d'eau au moulin de vos désirs de résistance ? Allez, avouez, vous avez tous eu un jour envie de tout faire valser, espéré le grand soir révolutionnaire, pensé un instant dire non face au char pseudo-démocratique, planifié un Vézelay-Compostelle avec un sac à dos minimaliste, Thoreau en poche. Après avoir refait le monde toute une soirée, bien arrosée si possible, en compagnie de bons vieux camarades, vous allez vous coucher sur vos rêves de rébellion, parce qu'il faut entrer dans le rang demain ! Désobéir se résume à un fantasme pour la plupart d'entre nous. On salue la bravoure de ceux qui veulent bien se battre à notre place, les Bové, Snowden, plus récemment Cédric Herrou et tant d'autres. Mais dès qu'il s'agit de mettre la main à la pâte, ça devient difficile. On est comme gêné aux entournures, coincé par un je ne sais quoi de culpabilisant. Pour expliquer ce que signifie "désobéir", il faut donc remonter le courant, comprendre comment et pourquoi on obéit. Qu'est-ce qui fait qu'un peuple (ça devient sérieux là, on oublie le bock de bière avec les copains) se soumet à l'autorité, même dans "la désespérance de l'ordre actuel du monde" ? L'éducation, l'école, les lois, nous enseignent très tôt que désobéir c'est" mal", vu comme "de la sauvagerie" mue par un "instinct anarchique". Frédéric Gros applique la piqûre de rappel du bon philosophe : surtout ne pas se contenter des évidences! Et si désobéir était LA condition pour redonner à la démocratie son sens noble ? Si désobéir était le moyen de sauver l'humain en l'homme ? Pour développer cette réflexion, l'auteur s'appuie sur les piliers du concept : de Platon à Simone Weil, en passant par La Boétie et Thoreau (of course!). le raisonnement est solide, il nous éclaire sur ce qui fait de la désobéissance un choix possible, certes, mais aussi tortueux, difficile pour nos esprits conditionnés.
Prêts à ne plus suivre le troupeau ? Lisez, d'abord. On en reparle ensuite...
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En dédiant ce livre à Gérard Mordillat, Frédéric Gros place d'emblée son essai sur le plan de la contestation de l'ordre établi, de tout ce qui va de travers dans notre bas monde et devrait nous inciter à Désobéir. D'ailleurs, le premier chapitre s'intitule : « Nous avons accepté l'inacceptable. »
Personne ne peut nier que les inégalités de fortune augmentent, que les injustices sociales se creusent et que tout cela s'accélère. Aussi, l'auteur affirme que le problème n'est pas la désobéissance mais l'obéissance. Tout au long du livre, s'appuyant sur les textes d'écrivains, de philosophes, de l'antiquité à nos jours, il tente de décrypter tout cela et de dégager une ligne de conduite à tenir.
L'enrichissement des riches, l'appauvrissement des pauvres, l'effondrement de la classe moyenne, la dégradation progressive de notre environnement, tout cela devrait nous inciter à désobéir, à nous révolter pour inverser la tendance. Or, il n'en est rien… pour l'instant.
Pourquoi avons-nous laissé faire ? Obéissons-nous ? Comment ? Les questions ne manquent pas car « L'enrichissement se fait au détriment de l'humanité à venir. » Pour Frédéric Gros, désobéir est une déclaration d'humanité, une victoire sur soi, une victoire sur le conformisme généralisé et l'inertie du monde.
Après ce constat accablant et inquiétant, l'auteur rappelle la fable d'Ivan, dans Les frères Karamazov de Dostoïevski, à propos de l'Inquisiteur. Les gens qui ont le pouvoir, comme lui, ont pris en charge notre liberté car ils savent bien que nous sommes incapables d'en assurer toutes les conséquences.
Hanna Arendt, La Boétie, Simone Weil, Michel Foucault, Hobbes, Aristote, Augustin, Sophocle, Lacan, Henri-David Thoreau, Kant, Socrate, Platon, d'autres encore, sont disséqués ou simplement évoqués, l'auteur ne manquant pas de rafraîchir la mémoire de son lecteur à chaque citation.
Au passage, Frédéric Gros s'attarde sur l'année 1961 avec d'abord, le procès d'Adolf Eichmann, « le planificateur logistique de la Solution finale, son maître d'oeuvre. » Si, au cours de son procès, le criminel nazi s'est réfugié derrière son serment, il n'a pu nier qu'il se démenait pour trouver des solutions : « Chacun est responsable de sa surobéissance. »
Cette même année, à l'université de Yale (États-Unis), Stanley Milgram menait son expérience de psychologie sociale pour constater jusqu'où un être humain peut aller pour infliger une punition à un autre humain, ici une impulsion électrique de plus en plus forte. Dans ce cas, « le moi de responsabilité a déserté ». L'auteur note alors : « La séparation de l'âme et du corps n'est pas un problème métaphysique. C'est une fiction politique. » Ainsi Hanna Arendt appelle cette déresponsabilision : « bêtise. Mais c'est une bêtise active, délibérée, consciente. Cette capacité à se rendre soi-même aveugle et bête, cet entêtement à ne pas vouloir savoir, c'est cela, la « banalité du mal ». »
Désobéissance civile, dissidence civique face à l'Administration, l'Église, l'Armée, les trois foyers de l'obéissance aveugle en Occident, nous imposent d'avoir « le courage de la vérité, le courage de penser en notre nom propre. » Ceci est « indélégable : personne ne peut penser à votre place, personne ne peut raisonner à votre place. »
Désobéir nous rappelle qu'obéir engage et que la réponse, l'acceptation ou l'attitude que nous prenons ne peut venir que de nous-même : « penser, juger, désobéir et aider » pour accéder à l'universel, quitte à s'engager dans la désobéissance.
Un grand MERCI à Babelio (Masse Critique) et aux Éditions Albin Michel pour cette lecture poussant à la réflexion et à la remise en cause de la pensée dominante.

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Dans le premier numéro du Nouveau Magazine Littéraire, Frédéric Gros nous fait part de son analyse de la Boétie sur l'obéissance, dans un article intitulé « le Syndrome de l'enfant sage ». Pour lui la Boétie analyse la tendance à se complaire dans l'obéissance et se demande : Pourquoi avons-nous peur de la liberté ? Il nous explique que la Boétie n'appelle pas à l'insurrection, c'est d'un autre courage qu'il s'agit. le Dé de dé-sobéir agit comme dans détachement, défection, déliement, mais pas défaite. Il s'agit d'une conquête, se défaire de la docilité. Pour la Boétie nous obéissons pour rester avec nous-mêmes dans un paysage connu, par habitude : « La servitude volontaire, c'est la coutume ». Il existe une marge au-delà de laquelle nous accomplissons plus que ce qui nous est strictement demandé. Nous sur-obéissons. Si nous n'étions pas soumis, l'autorité politique s'effondrerait d'elle-même. Notre déférence, celle qui donne consistance au pouvoir est inépuisable. Frédéric Gros remarque le penchant que nous avons à nous placer du côté des dominants, des décideurs, par une sorte de jouissance qu'il appelle le syndrome de l'enfant sage. La liberté il ne faut que la désirer et la Boétie nous dit qu'elle est à portée de main, de décision. C'est aussi simple que le bonheur est à portée de main à condition d'arrêter de se comparer aux autres, de tirer plaisir de la jalousie des autres. Mais le plus difficile justement, c'est d'être simple, de vouloir la liberté qui est à portée de responsabilité. Il faut donc que les hommes ne la désirent pas car sinon il l'aurait. Nous n'arrêtons pas de trouver des excuses dans l'allégeance, par habitude, par fatigue. C'est de notre fait que les dirigeants puisent leur pouvoir.
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Comme c'est difficile de désobéir, que ce soit à un ordre donné par un supérieur hiérarchique ou une loi qui nous parait injuste. Pourquoi nous comportons-nous comme des petits soldats bien obéissants ? La peur de sortir du rang, de se singulariser ? le conformisme ? La peur du changement, le confort de la routine ? Ou bien un mélange de paresse et de lâcheté ? Voilà la question primordiale à laquelle s'efforce de répondre Frédéric Gros en balayant les motivations humaines, les blocages culturels ou psychologiques et en puisant de nombreux exemples dans l'Histoire ou la littérature, d'Antigone à Thoreau en passant par La Boétie, ou encore le procès Eichmann et l'analyse d'Hannah Arendt ou la glaçante expérience de Milgram (l'obéissance à l'autorité).

Si j'ai tout de suite postulé pour cet ouvrage, c'est évidement car le propos m'intéressait au plus haut point mais aussi parce que la désobéissance civile s'inscrit à mes yeux dans une résistance citoyenne à la destruction de notre planète. Quand je pense désobéissance, je pense en particulier aux zadistes partout dans le monde, aux lanceurs d'alerte, mais aussi les objecteurs de conscience. Ces personnes ont trouvé le moyen de désobéir en engageant leur responsabilité, en opposant devrais-je écrire, leur responsabilité individuelle à la passivité collective. de toutes les pistes de réflexion proposées par Frédéric Gros, l'une d'elle en particulier m'a frappée, et qui fait écho à cette fameuse « banalité du mal » évoquée par Hannah Arendt à propos du nazisme. Lorsqu'on ne désobéit pas, lorsqu'on renonce à critiquer, à défendre la justice et l'égalité, on devient complice, et même, aussi sûrement coupable que ceux qui cherchent à nous soumettre.

Pour autant, cet essai n'est pas un appel à la désobéissance, il est plus que ça : c'est un outil destiné à nous faire réellement réfléchir, à nous mettre face à nos responsabilités. Il ne s'agit de désobéir pour le plaisir, histoire de mettre le bazar en société, il s'agit de s'interroger sur la façon dont on peut s'opposer à des mauvaises décisions, à des ordres stupides, dont on peut endiguer le flot des injustices, par des moyens divers et variés, adaptés à la situation et à la personne. Désobéissance ne rime pas forcément avec violence.

Et parfois, la désobéissance, la résistance, se nichent dans de petits actes anodins. J'aime à donner souvent le même exemple sur un thème qui me tient à coeur, dont je parsème souvent mes billets : quand le citoyen se rend compte que les autorités, le gouvernement, à grands renfort d'explications scientifiques destinées à nous rassurer, font main basse sur notre alimentation et notre santé, quand les intérêts économiques priment sur tous les autres, quand ils interdisent l'échange de semences bio, permettent aux multinationales de breveter le vivant, et déclarent la guerre au purin d'ortie, alors, le devoir de chacun c'est de désobéir en cultivant un carré de légumes bios, en utilisant le purin d'ortie au potager, en aidant à développer des jardins familiaux, en échangeant graines et plants avec son voisin. C'est peu et c'est beaucoup à la fois. Et c'est un premier pas.

Voilà en tout cas un essai à mettre entre toutes les mains, clair et abordable même pour une hermétique à la philo comme moi, à lire et relire. Merci à Babelio et Albin Michel.
Lien : https://labibliothequedefolf..
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Cet opus est une révélation !

Les notions d'obéir/désobéir sont complexes.
Entre responsabilité ou non, entre volonté ou soumission...
Sommes-nous des "malgré-nous" ?
Peut-on dire "Je ne suis pas responsable, j'avais des ordres" ?
Désobéir n'est-ce pas accepter d'obéir à quelqu'un d'autre ou à sa conscience ?
Obéir, n'est-ce pas se commander à soi-même d'obéir ?

L'auteur nous transporte des grecs anciens aux philosophes contemporains (avec des étapes), il nous propose une synthèse des différentes pensées et de leurs histoires.

J'ai été séduit.
Mon ressenti de 1ère lecture est +++.
Mais il devra être conforté (ou infirmé) par des lectures ultérieures.

A lire, ne serait-ce que pour titiller vos neurones et votre propre pensée.
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Le point de départ de cet essai magnifique, splendide, merveilleux, superbe, magistral (en lice pour mériter le titre de mon coup de coeur de l'année), c'est l'aphorisme de Wilhelm Reich, qui peut être reconduit directement à La Boétie : « La vraie question n'est pas de savoir pourquoi les gens se révoltent, mais pourquoi ils ne se révoltent pas. »
Il ne s'attarde cependant ni sur les raisons de la désobéissance politique, ni sur les instances réelles de contestation. Ce qui s'y développe, c'est une redéfinition des concepts, à partir de la déclinaison des notions relatives à ou parentes de l'obéissance et qui contiennent la notion opposée, dans la pensée philosophique – pas uniquement éthique ni uniquement politique –, en opérant des allers-retours surprenants entre les penseurs anciens (les Grecs en particuliers) et les contemporains (Hannah Arendt et Michel Foucault étant très souvent conviés). Mine de rien, cette catégorisation par couples de contraires conduit l'auteur à tester ses propres idées sur la possibilité et, incessamment, la nécessité de la désobéissance, en termes de la découverte du « moi irremplaçable » plutôt que par une morale universelle, métaphysique ou surplombante. Pourtant, la construction n'est pas progressive et unidirectionnelle ; le procédé ressemble davantage à une maïeutique par laquelle on s'achemine sur plusieurs sentiers, on les abandonne au profit d'autres, avant de découvrir presque fortuitement qu'ils convergeaient...

Table expliquée :
Chapitre introductif : « Nous avons accepté l'inacceptable », où l'on liquide en quatre points la question de ce qui est inacceptable dans l'état actuel du monde ;
Ch. 1 : « Le renversement des monstruosités », où il est question de Dostoïevski hanté par le Christ et l'Église et de Kant à qui on a fait un mauvais procès ;
Ch. 2 : « De la soumission à la rébellion », où l'on parle avec Aristote des esclaves, d'hier et d'aujoud'hui, l'on dresse une typologie de l'obéissance du soumis, l'on évoque l'éventualité que la soumission aboutisse à la rébellion, et où fait apparition la notion de responsabilité ;
Ch. 3 : « Surobéissance », où l'on interroge surtout La Boétie ;
Ch. 4 : « De la subordination au droit de résistance », où l'on décrit des hiérarchies, peu ou prou « naturelles », depuis Aristote jusqu'à Marx, en passant par Augustin (« concordia ordinata ») et par beaucoup d'autres philosophes chrétiens, y compris les mystiques de l'abnégation ;
Ch. 5 : « Fille d'Oedipe », ou les enjeux de la désobéissance d'Antigone, depuis Sophocle jusqu'à Brecht ;
Ch. 6 : « Du conformisme à la transgression », où apparaît la question de la Shoah, et l'on fait remonter l'antidote (la transgression) à Diogène – mais l'argumentation est plus complexe, dont l'excipit est : « L'universel, c'est toujours la protestation d'une différence » (p. 118) ;
Ch. 7 : « L'année 1961 », sur le procès d'Adolf Eichmann, son interprétation par Arendt, le récit noir, le récit gris, ce qu'Eichmann dit lui-même, ainsi que sur l'expérience de Stanley Milgram à Yale, sur les électrochocs, qui, en fin de comptes, démontre la « banalité du mal » tout autrement que ne le supposait Arendt... ;
Ch. 8 : « Du consentement à la désobéissance civile », où l'on parle beaucoup des contractualistes et de Rousseau, « mais il demeure cependant – Arendt et Habermas l'ont bien compris – quelque chose d'explosif, de secrètement subversif dans l'idée du contrat social [...] » (p. 157) : c'est ce qu'on nomme pour finir la « démocratie critique »...
Ch. 9 : « La promenade de Thoreau » ou la raison pour laquelle, au premier degré, tant de lecteurs (même Tolstoï, Gandhi, Martin Luther King !) ont tellement surestimé la « désobéissance civile » de ce monsieur, sans doute par effet projectif provoqué par sa célèbre phrase : « Si je ne suis pas moi, qui le sera à ma place ? » [effet projectif qui opère spectaculairement sur Frédéric Gros aussi...] ;
Ch. 10 : « Dissidence civique », retour sur Kant – sur les Lumières –, retour sur Socrate – sur son « démon » –, pour aboutir à une définition de la dissidence ;
Ch. 11 : « L'obligation éthique », où l'on chemine de l'inactualité de la démocratie athénienne et de l'obéissance hoplitique selon Aristote – relation entre commandement et rapport d'égalité – au moi comme « deux-en-un » d'Arendt ou du « rapport de soi à soi » de Foucault, en d'autres termes : de la morale à l'éthique...
Ch. 12 : « La responsabilité sans limites », où sont déclinées quatre figures de la responsabilité « illimitée » : intégrale, absolue, infinie et globale ;
Ch. 13 : « Penser, désobéir. Sous forme d'envoi : la République », lecture détaillée par Fr. Gros de la République de Platon, en particulier sur l'histoire de l'anneau de Gygès ;
Chapitre conclusif : « L'humanité nous décale » : « Désobéir, c'est donc, suprêmement, obéir. Obéir à soi. […] Obéir, c'est se faire "le traître de soi-même". » ou le « pari insensé » du « soi indélégable »...
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Frédéric Gros, je vous en avais déjà parlé pour Marcher, une philosophie (sorti en 2009), est prof de Philo à Sciences Po Paris. C'est dommage, j'aurais bien aimé l'avoir !
Un peu comme pour Marcher il s'agit ici d'une sorte de cours sur la désobéissance, l'ouvrage fourmille de références (heureusement les notes sont bien faites et l'explication est claire). le tout découpé en chapitres assez courts et très articulés. En somme pour quelqu'un qui n'est pas expert de la question et qui ne tient pas à lire une vingtaine d'ouvrages sur le sujet avant d'en avoir une vision d'ensemble ce livre est une mine d'or !

En ce moment je vois passer pas mal de livres sur ce thème (mentionnons juste la parole contraire dont je parle par ici), je ne sais pas vraiment à quoi c'est du… peut-être à la nécessité criante de bouger ? C'est de ce postulat que part l'auteur : Comment faisons nous pour être si immobiles ? Pour accepter ainsi ? Les philosophes ne nous ont donc rien appris ?

Finalement ce n'est pas la désobéissance qui est surprenante mais notre constance à supporter un monde qui part en vrille. L'obéissance, qui est tour à tour présentée comme un élément fondamental de la société, une aliénation ou une acceptation consciente est peut-être encore plus étudiée que son opposée. Car plus présente dans nos vies, par notre obéissance aux lois mais de façon plus insidieuse dans notre conformisme. On sent l'interrogation permanente de l'auteur nous rappellent du Reich à Antigone ce que l'obéissance donne : des bourreaux et des injustes. La paix clique mise en avant n'est pas forcément le synonyme idyllique du bonheur qu'on nous vend. Mais comment ne pas comprendre que ceux que cette paix place au plus haut de l'échelle, nous en vantent les vertus ?

J'ai particulièrement apprécié les résumés qu'il nous offre, notamment de la pensée de Platon : l'écriture est si vive et légère ! On saute de Kant à Dostoïevski, de Thoreau à l'expérience de Milgram, tout ça sans que ça pose le moindre problème.
Le tout avec ce qu'il faut de provocation pour réveiller le lecteur et le confronter véritablement à sa propre situation, plus efficacement (car plus contemporain) que le discours de la Boétie.
Notre propre jugement est finalement le garde fou de notre comportement : pourrais-je vivre avec telle ou telle action sur la conscience ? Même en obéissant aux ordres qui me sont donnés, puis-je me pardonner mon action ? L'exemple de l'homme ayant fait les repérages pour le lancement de la bombe atomique à Hiroshima est frappant. J'ai obéis mais je ne peux le supporter : c'est MOI qui l'ai fait. Cet aspect de la réflexion m'a vraiment intéressée. Au delà de la classique accumulation de références, replacer l'individu conscient au centre me semble fondamental. Certes depuis l'école (coucou Kant) nous sommes formés à l'obéissance mais ce n'est peut-être pas la finalité absolue que cela semble être… Notre conscience (notre « bonne » conscience dirais-je) nous accompagnant également dans cette obéissance parfois nécessaire.

Vivre avec soi est après tout une nécessité, autant se faciliter la cohabitation !

Le dernier chapitre m'a beaucoup plu, il résume très bien l'ouvrage Tout en reprenant l'avis réel de l'auteur, le « sourire de la pensée ».

Ce n'est pas de ces ouvrages de philo qu'il faut reprendre 10 fois pour espérer parvenir à la fin (d'autant qu'il est plutôt court), C'est prenant et bien mené. Logique et rieur.
Un peu dans la veine de « ceci n'est pas un manuel de philosophie » de Charles Pépin bien que ce dernier soit ouvertement plus scolaire. La simplicité d'accès de ce livre est un vrai point fort : parler philo sans devenir chiant c'est agréable !
Un ouvrage nécessaire que j'aimerais voir dans toutes les bibliothèques…
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L'avantage du livre de Frédéric GROS c'est avant tout sa couverture rouge et son titre aux résonnances subversives, “Désobéir”, qui aura sûrement attiré l'oeil de plus d'un lecteur sur les rayonnages de leur librairie préférée. L'intérêt du bouquin ? Poser les fondements d'une réflexion sur l'obéissance et sa grande diversité d'exécution.

Hors, comme le rappelle Etienne KLEIN « Si on dit mal les choses, on risque de mal les penser » (probablement inspiré par Camus) et c'est sans doute obéissant à ce précepte de bons sens que Fréderic GROS entreprend de recontextualiser l'obéissance et son cortège de concepts connexes en les définissants posément, prenant soin de faire appel à différentes personnalités, cultures, oeuvres littéraires et philosophiques.
On navigue ainsi entre les termes « conformisme, obligation, dissidence, surobéissance… » qui seront tous un-à-un défini, à la lumière d'une étude de texte ou d'anecdote particulièrement bien choisie pour illustrer la globalité de l'idée sous-tendue par le mot.

Comme le souligne d'entrée la 4ème de couverture, il ne s'agira pas ici d'utiliser ces « nouveaux » outils de différenciation dialectique pour analyser différentes situations historiques de désobéissance et leur potentielle légitimité ; on est bien là dans un essai purement philosophique dont l'objectif est de sonder les mécanismes variés qui intiment à l'Homme d'assourdir ses pulsions de justice, d'égalité, de liberté… au profit bien souvent du confort douillet de la délégation de ses responsabilités.
D'ailleurs, le thème des responsabilités est bien-sûr lui aussi décortiqué, à l'aide de multiples exemples et a des degrés divers. Adolf EIHCMANN en sera un excellent cas d'école.

Ce tour d'horizon est une invitation à remettre en question son rapport à l'ordre établi, d'autant plus quand ledit ordre contrevient de manière flagrante à l'humanisme le plus basique. Malgré les thèmes et certaines figures abordées (fictives ou réelles), le ton n'est pas excessivement critique ce qui fait de cet essai une lecture agréable. On appréciera également les nombreuses références littéraires, historiques et philosophiques qui donne au livre son aspect de patchwork culturel, s'étalant de la Grèce antique aux périodes plus contemporaines.

Une lecture agréable sans être pour autant, à mes yeux, indispensable.
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