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EAN : 9782070301300
224 pages
Gallimard (29/05/1969)
3.84/5   16 notes
Résumé :
«Dieu ne vivrait pas sans ce bond hors de soi dont l'élan fait l'espace. Dieu ne se contente pas d'être Dieu, il crée pour exister le vide où il se jette. Ainsi, dès le principe, y a-t-il délai et distance, de quoi permettre à Dieu d'être ailleurs qu'en soi, autre que soi. Dieu s'invente soi-même à ce prix.

Le dieu se quitte pour vivre et surtout ne pas vivre à son insu, mais s'entendre, du fond de son absence, lentement revenir à soi sous forme nouv... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Poète, écrivain, traducteur et commentateur de textes bibliques, directeur de publication chez Nrf Gallimard, étonnamment peu connu du public, Jean Grosjean est pourtant une figure majeure de la littérature du XXème siècle.
Édité en 1969 sous le titre de "La Gloire" qui rassemble d'autres textes antérieurs du poète "Apocalypse" (1962), "Hiver" (1964) et "Élégies" (1967), ce recueil a été pour moi la première rencontre avec Jean Grosjean.

Dans l'écriture de Jean Grosjean, la parole se scinde en deux, faisant égale part entre l'image et son retentissement, entre la beauté et le regret, entre l'espoir et le désenchantement. Une écriture grave, toujours à la recherche d'une signification qui ne soit pas ultime, pas figée.
Jean Grosjean est l'auteur d'une poésie du sacré dans laquelle il fait part d'une tension intérieure, celle d'un reproche fait à Dieu de s'être retiré du monde, d'être devenu absent de la vie des hommes, de s'être dilué dans une parole passante… C'est pourtant au creux de la parole, au coeur de la poésie que l'auteur veut faire surgir un Dieu qui ne soit pas éternel mais qui soit bien présent. Jean Grosjean interroge, plus qu'il n'apporte des réponses, suggère plus qu'il n'affirme.

Dans ce beau recueil, ma préférence est allée aux "Élégies". Toujours sur le thème de la disparition, ce sont ici de courts textes en prose qui disent l'absence de l'être disparu, de la femme aimée :

" Jamais ne fut ni ne sera rêvé plus de lumière que n'en tinrent nos mains ni plus d'espace que n'en ouvrirent nos pas quand nous marchions vers cette ombre où ton ombre me sert de blessure et de baume. "

Logée entre mémoire et présent, la parole restitue à la conscience le poids de l'absence, du regard de l'aimée, de sa chevelure, de sa respiration, d'une ancienne promenade partagée, d'une saison traversée, d'un temps que l'on pensait à portée de main et sur lequel le regard se pose aujourd'hui :

" Puisque personne n'a pu dénouer ma soif , c'est la clarté de tes lèvres bientôt qui rouvrira la primevère troublante et peut-être mes yeux."

Une poésie intime, qui ouvre la conscience, qui se resserre un peu plus dans le souvenir de l'autre, dans la possibilité d'une mort qui puisse offrir d'ultimes retrouvailles. Car tout n'est que passage. Il ne reste que la parole.
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
II - Hiver


Le soir est entré dans le monde à notre insu.
Chaque arbre a déjà moins de feuille et plus grande ombre.
C’est maintenant la dernière heure. Entends se taire
la batteuse au sommet et la pie dans la haie.

Le pays n’a plus de guerriers que ses vieux arbres
courbés déjà sous les ornières du soleil.
Les jours nous ont désertés mais tu vas les suivre
à travers les filandres d’or. Rien que l’éteule
et le chemin puis une autre éteule et les arbres.

Ta pâleur se retire au fond de ses terriers
à travers les vergers cueillis. Rien que le soir
avec ton ombre et puis la tristesse et la nuit.

Seule un instant brille encor la plus haute feuille
mais les mares se sont déjà voilées de brume
de peur qu’on ne voie dans leurs yeux mourir le ciel.

p.87

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Apocalypse


   L'oiseau sans sommeil qui se retourne dans l'arbre
précipite de minces bronzes. Le croissant descend dans
l'abreuvoir à la rencontre du croissant qui monte sur la
forêt.

   Obsédé d'une torche enfuie, tu passes, ange ivre,
parmi les aîtres. Je me prosterne, ma cause est sue.

   La fête est qu'il n'y ait point de fête mais cette
trame seulement d'une passion. Je suis ta jalousie.

   Je suis en toi ce qui me ne me tolère point. Ta façon
de me regarder te dépossède et je ne peux le souffrir.

   Je te veux sans l'amour de moi. Est-ce que tu sup-
portes une femme maintenant ? une grande menteuse
en bonnet phrygien ?

   Je suis la clé de l'abime et la gubernatrice des morts,
il ne faut pas que tu m'aimes.

   Mon zèle t'interdis de m'aimer de peur que je ne te
haïsse, je ne pourrais pas.

   Que le malheur ou le triomphe te défigure, j'y
veux reconnaître encore tes yeux.

   Que l'horrible durée que tu inventes ait vidé d'âme
et de flamme tes yeux, ils demeurent le puits d'en haut
où s'est jetée ma vie.

   Qu'outragée de soie ou de lèpre soit ta chair, il n'est
aucune lumière ailleurs.

   Quoi le dieu ? quel dieu ? nuit, nuit, silence, mais
tu es l'existence de l'être.

p.34-35
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Élégies

V


   Septembre vient nous habiter timide comme une
lampe regarde au crépuscule s’ouvrir l’armoire sur des
scintillements sombres et le jardin se clore sur ta rougeur
quand tu n’aurais plus dû venir.

   Sous l’arbre mort de quel morne printemps ai-je
oublié mon nom pour aller voir se coucher dans la mer
mes songes quand je n’avais presque plus à t’attendre ?

   Mes délires voguaient au fil de l’eau vers d’obscurs
échouements jusqu’à cette heure où tu vainquis les puis-
sances d’espoir par ta façon railleuse d’en douter.

   Surprendre encore pour toute merveille à l’aube,
avec une longue respiration pensive, comme telle
empreinte de cheval sous les rosées dans une clairière
impraticable, ton pas entre deux marjolaines !

   Que j’ai connu de signes admirables sous la brin-
dille morte et dans la nue avant le soir où m’atteignit,
pareille au cher allongement de l’ombre, ta main pour
t’acquitter de leurs promesses….

p.119-120
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Apocalypse

LA VEHME À L'ŒUVRE


 Orages qui passâtes au loin la nuit sur vos chars
de ferraille, vous dispensez après vous des jours d'infinie
bruine, et les toits luisants de larmes s'accoudent contre
le ciel aveugle.

 Un coquelicot crie dans l'orge bleue. Les bourdons,
ci et là, plus lourds d'humidité que de pollen. De jeunes
pommes ont le ventre qui gonfle. Comme tu te voiles
le visage!

 Et tout le jour procédèrent de grandes averses,
défaisant les gloires d'églantiers, couchant sur le talus
la sauge, échevelant les saules du ru. À peine entre le
bruissement des robes si le soleil montra son égide.

 Dans le soir calmé l'ombre des arbres s'égoutte
sur les prêles, un rossignol mouillé bégaie, la plus haute
feuille du tremble chuchote. Salut pâles jambes des
avoines comme à l'heure où le faucheur affûte….

p.72

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L'abeille, l'azur, la groseille et les pavots fréquentent sans façon ton apparence mais ton âme est tramée
d'un tel hiver qu'il y' a des braises dans ma nuit et des nimbes dans ma source depuis que ta pâleur existe.

L'oiseau qui aurait chanté sur tes neiges m'eût
moins surpris que la teinte d'orage dont tes longs yeux
emplirent à marée haute le ciel quand mon île écumait
comme un écueil.

O gage pareil aux vergers d'Avril avant que grêle
ou foudre les visitent, je prévoyais tes antiques lendemains sur un rivage dont les flots se retirent en laissant
des lacs de lumière dans les sables.

La maison dont la treille s'amarre aux roches ne
pensait pas crouler mais nous savions que l'été décou-
ronne les corymbes et que la nuit lapide de gemmes notre refuge avant que la phrase de l'aube n'expire

Vulnérable en qui j'ai reconnu ma race mieux que dans l'épaisseur des certitudes.

Ton nom est l'arbre dont j'ai désiré l'ombrage et,
quand tes cheveux se défirent en averse, aucun automne
avec ses frondaisons exsangues n'aurait exhalé tant de buées impondérables.

Et quel givre aux lisières fut plus pur, quel coeur cessa mieux de battre aux portes de Chalindreyque le baiser dont se saluèrent nos lèvres quand les feuilles
descendues de l'octobre couvraient de flammes le noir glissement des fleuves ?
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Videos de Jean Grosjean (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean Grosjean
Jean GROSJEAN – Dans l’univers de la Parole (Chaîne Nationale, 1956) L’émission « Le poème et son image », par Pierre Emmanuel, diffusée le 12 avril 1956 sur la Chaîne Nationale.
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