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Grossman dans son dernier livre attaque une histoire de famille complexe.
Touvia, veuf qui vit dans un kibboutz va s'unir à 54 ans, à Vera immigrée yougoslave de dix ans sa cadette, veuve elle aussi. Chacun a un enfant, deux sauvages, un garçon pour le veuf et une fille pour la veuve, les deux ayant été privés d'amour maternel dans leur petite enfance. le garçon, la mère étant gravement malade, et la fille étant abandonnée, le père mort et la mère arrêtée et torturée par la police antistalinienne du maréchal Tito. le garçon va s'éprendre de la fille, "un sphinx" , et de cette union compliquée naîtra notre narratrice "la malheureuse Guilli" ainsi nommée par sa mère . Voilà pour les débuts d'une histoire tragique, où trois femmes et un homme vont souffrir des suites des horreurs de la deuxième guerre mondiale et de ce qui en a suivi.

L'intérêt du récit vient de ce qu'il soit vu et raconté majoritairement à travers l'objectif d'une caméra. Guili filme son père Raphaël, sa grand-mère Vera , son père a filmé sa mère Nina.... Et tout ce monde étale son intime face à cette caméra, dans un "déballage presque obscène." On se croirait chez le psychiatre. le passé est peu à peu récupéré grâce à des vieilles pellicules dont certaines retrouvées dans le grenier de Vera, mais y manque la partie cruciale, ce pan de l'histoire de Vera avant son immigration en Israel, Goli-Otok, qui leur a "pourrit la vie depuis trois foutues générations". Elles y retourneront avec Raphael sur les lieux de ce passé manquant pour boucler le Film , cette fois-ci exclusivement tourné par Guili, ....... Une tâche difficile vu que chacune de ces femmes ont fait de leur souffrance leur fond de capital pour pouvoir continuer à exister, terrifiant, , “Que suis-je, au fond sans ma haine pour Nina? dit Guili parlant de sa mère.....Arriveront-elles à se laver de ce passé en renonçant à leurs souffrances ?

Comme dans son superbe livre "Un cheval entre dans un bar"., Grossman insuffle le malaise chez le lecteur-rice dés le départ. Un malaise qui s'accentue au fur et à mesure qu'on s'enfonce dans l'histoire, la forme narrative l'y aidant. Guili exprime sa propre souffrance à divers moments de son histoire, passant du "je" à "elle", car dit-elle "la première personne souffre trop”. le même procédé sa mère Nina s'en servira aussi pour d'autres fins.

Un livre inspiré de la vraie vie de Eva Panic-Nahir, une femme célèbre et admirée en Yougoslavie, que Grossman rencontra au siècle précédent et qui lui demanda d'écrire son histoire et celle de sa fille. Un texte magistral extrêmement fort sous la plume exceptionnelle de Grossman, avec des ressorts psychologiques complexes très intéressants, "Quand toi et moi, nous vivions ensemble à Jérusalem, être avec toi me protégeait un peu. Comme une sorte de ligne que tu dessinais autour de moi. J'avais une limite. Je savais où se trouvait le vrai, où la lumière finissait et l'obscurité commençait......."

"Qu'y a-t-il à dire quand il n'y a rien à faire."
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Eva Panic, une revolutionnaire juive yougoslave qui a eu une jeunesse mouvementee, tourmentee, jusqu'a son installation, a un age relativement avance, dans un kibboutz israelien. Danilo Kis (encore lui? Je le rencontre partout. Il me subjugue. Lisez-le, bon sang!) lui avait consacre un documentaire avec le realisateur Aleksandar Mandic: “Goli zivot" (que je n'ai pas vu). Et maintenant David Grossman en fait l'heroine d'un livre. Ou plutot Grossman se sert d'elle et de son histoire, car son livre a plus d'une heroine. Trois en fait. Eva, ici appelee Vera, sa fille Nina, et sa petite-fille Guili.

Trois generations de femmes. Trois revoltees, trois combattantes, chacune a sa maniere. Trois memoires differentes qui cherchent a se comprendre. Trois memoires en guerre, chacune contre une autre, des fois contre les deux autres. Toutes contre une et une contre toutes. Et entre elles un homme, qui les aime toutes, qui essaye de les apaiser.

Trois generations de femmes. En une histoire familiale qui, mutatis mutandis, a l'air de se repeter. Les meres abandonnent leurs filles et les filles couvent longtemps une colere qui devient hargne. Et elles s'eloignent. Mais pour le 90e anniversaire de Vera arrive a l'improviste sa fille Nina, annoncant qu'elle est malade, en phase terminale, et demande a son ancien mari et a sa fille, tous deux cineastes, de recueillir les souvenirs de Vera et ses souvenirs a elle, sinon pour comprendre, au moins pour laisser une trace. Et ils partent ainsi tous quatre pour ce qui avait ete la Yougoslavie.

Trois femmes s'engagent alors dans un periple vers leur passe. Vera, l'ancienne partisane, qui a prefere abandonner sa fille et etre emprisonnee trois ans dans le camp de travaux forces pour femmes de Goli Otok plutot que de signer un papier noircissant la memoire de son mari assassine par les sbires de Tito. Nina qui s'est jetee par defi dans des lits d'hommes qui la meprisent et l'avilissent avant de tout lacher et se clauster dans une ile perdue dans le grand nord. Guili, qui a du mal a s'attacher et ne veut surtout pas enfanter de peur de reiterer l'histoire, la “tradition" familiale de l'abandon.

C'est un periple vers l'inconnu. Vers les memoires blessees, estropiees, des trois femmes. Pour devoiler une certaine verite? Les actes etouffes qui ont provoque l'incomprehension, l'eloignement? Plutot pour comprendre les blessures, qui ont engendre des silences, qui ont a leur tour engendre de nouvelles blessures. A qui la faute? Mais y a-t-il faute? Un trop grand amour, l'exasperation de l'amour a amene cette famille non seulement a l'aversion mais jusqu'a la haine, avec toute sa ferocite. le voyage vers les rivages ou tout a eclos peut-il aboutir a l'expiation? Au rachat? Au pardon?

Grossman n'est pas un optimiste aveugle, mais il croit encore, against all odds, a la possibilite de redemption. Et il nous offre ici, en fin de compte, non seulement de remarquables portraits de femmes, mais surtout de belles histoires d'amour, de belles histoires sur les differentes – et controversiales – facettes que peut prendre l'amour. C'est un bon cru de Grossman. Partant d'une biographie reelle, se cachant derriere une biographie reelle, il ecrit un roman, il nous livre un recit emouvant, sur l'universelle enigme de l'amour et de ses avatars.

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J'étais curieux de lire un roman de David Grossman. Cet écrivain et intellectuel de gauche israélien avait obtenu, il y a une dizaine d'années, le prix Médicis étranger pour son livre Une femme fuyant l'annonce, écrit après qu'il eut perdu un fils de vingt ans, mort au combat.

Dans La vie joue avec moi, il explore les séquelles psychologiques frappant en cascade la famille d'une femme ayant survécu à des persécutions et des sévices. Il nous confronte aussi aux situations où l'on nous contraindrait de choisir entre deux solutions insupportables.

A cet effet, David Grossman met en scène trois Israéliennes, en 2008 : Véra, quatre-vingt-dix ans, sa fille Nina, sexagénaire, et la fille de celle-ci, Guili, bientôt quarante ans, à qui l'auteur confie la narration du roman.

Véra est née dans une famille juive de Croatie, un état qui faisait alors partie de la Yougoslavie. Elle vit dans un kibboutz depuis qu'elle a émigré en Israël avec sa fille, il y a plus de quarante ans. Cette femme toute menue est un concentré de vitalité et de dynamisme. C'est aussi une idéaliste inflexible au caractère intransigeant. Sa fille Nina est une femme insaisissable, instable, destructrice et autodestructrice. Elle a mené une vie dissolue, disparaissant et réapparaissant de façon imprévisible. Elle ne s'est jamais occupée de sa fille Guili, ayant mal supporté d'avoir été elle-même abandonnée par sa mère à l'âge de six ans. Guili, qui exerce la profession de cinéaste, est une femme très tourmentée, reprochant, elle aussi, à sa mère de l'avoir laissé tomber toute petite.

Dans la famille, il y a aussi Raphaël, la crème des hommes. Elevé par Véra, qu'il respecte, il est tombé tout jeune déraisonnablement et définitivement amoureux de Nina. Il est le père de Guili, qu'il a élevée et à laquelle il a transmis ses secrets de cinéaste.

Dans l'espoir d'une catharsis qui permettrait aux trois femmes de trouver un équilibre dans leur vie et de nouer entre elles des relations apaisées, tous les quatre partent à la recherche du passé de Véra. Une équipée filmée par Guili, en Croatie dans le village natal de sa grand-mère, puis sur l'île de Goli Otok, un ancien goulag voulu par le maréchal Tito, où elle était restée prisonnière pendant près de trois ans, à la fin des années quarante.

Petit rappel historique. Maître tout puissant de la République fédérative populaire de Yougoslavie de 1945 à sa mort en 1980, le futur maréchal Tito adhère au Parti communiste yougoslave en 1920, il en est nommé secrétaire général par Staline dans les années trente. Il participe à la résistance contre l'Allemagne nazie et prend le pouvoir à la fin de la guerre. En 1948, Tito rompt avec l'URSS, noue des relations avec l'Occident, mais fidèle aux méthodes de son ex-mentor, il crée le camp de Goli Otok pour enfermer ses opposants, et parmi eux les communistes restés staliniens.

Un livre pénible à lire. Les secrets annoncés ne sont pas vraiment des secrets, dans cette fiction très inspirée de la vie d'une authentique résistante yougoslave installée en Israël, Eva Panić Nahir, que l'auteur a rencontrée à plusieurs reprises. La narration de Guili traîne en longueur et s'encombre de considérations personnelles brouillonnes et tourmentées. « Normal, » me direz-vous, « Guili est une femme tourmentée, vous l'avez dit vous-même ». Oui, mais n'empêche que le texte est parfois difficile à suivre, d'autant plus que tout est sinistre dans cette sombre histoire ! Pour compliquer les choses, c'est Véra elle-même qui raconte sa jeunesse, dans un langage censé montrer qu'elle maîtrise mal l'hébreu. Et sa détention au goulag fait l'objet de phrases brutes et sèches que Guili a notées en script, quand elle ne pouvait pas sortir sa caméra.

Une lecture qui manque terriblement de fluidité. Les personnages sont toutefois intéressants, leurs rapports aussi. Peut-être la fiction gagnerait-elle à être adaptée au théâtre.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Comme dans : Une femme fuyant l'annonce, David Grossman dans son dernier roman : La vie joue avec moi, renoue avec la veine des histoires familiales traumatiques sur fond de conflits historiques générateurs de drames humains. Comme toile de fond, cette fois-ci, l'histoire de la Yougoslavie et du régime totalitaire de Tito. On retrouve également le goût de l'auteur pour les relations triangulaires souvent porteuses de conflits et/ou de non-dits ravageurs. Et c'est bien de cela qu'il s'agit dans ce dernier roman qui nous donne à voir trois femmes : Véra, juive israélienne mais aussi rescapée du goulag sur l'île de Goli Otok où Tito avait enfermé tous les opposants au régime. Elle vient de fêter ses 90 ans au kibboutz où elle réside, entourée des siens et notamment de sa fille Nina venue de Scandinavie et de sa petite fille Guili. Autre relation triangulaire celle qui existe entre Nina, Guili et Raphy, mari de Nina et père de Guili.
Le fil de l'intrigue repose sur le terrible secret à l'origine du traumatisme dont Nina a été victime à l'âge de six ans. C'est ce qui va motiver le départ des quatre personnages pour l'île de Goli Otok, sur la demande de Nina, désireuse de tirer au clair l'histoire familiale dont elle a été victime et qui l'enferme dans des conduites auto-destructrices dont elle cherche désespérément la clé...
J'ai beaucoup aimé la complexité des relations entre ces quatre personnages, vus à travers le double filtre du récit de la narratrice Guili et de la caméra dont elle va se servir pour recueillir et essayer de tirer au clair ce qui s'est réellement passé dans la vie de Véra, depuis son mariage avec un serbe Milosz, son internement au goulag de Goli Otok, lieu où sont détenus et torturés les opposants au régime et son retour en Israël avec Nina , sa fille âgée alors de douze ans.
Une étourdissante valse des émotions et des sentiments va décentrer ces personnages du rôle qui est le leur : les rapports de protection et d'amour, d'autorité et d'obéissance, de haine et de rejet vont devenir mouvants jusqu'à s'inverser parfois. Scène très émouvante, par exemple, que celle où Guili va se glisser dans la peau de Nina, petite fille et revivre avec elle le traumatisme initial qui l'a ravagée... Très belle scène également ou au contraire elle va endosser un rôle d'autorité face à sa grand-mère qu'elle adulait jusque là, et qu'elle va sommer de dire la vérité à Nina sur la raison de son abandon.
Ce roman est donc réussi dans la peinture de ce huit-clos familial où chacun des personnages va être à un moment ou à un autre confronté à ce qu'il fuyait et obligé d'accepter une vérité difficile à regarder en face.
J'ai pourtant regretté, contrairement à Une femme fuyant l'annonce, une contextualisation de ce drame qui reste à mon goût trop en arrière-plan, hormis le terrible récit de la vie de Véra au goulag.
Je trouve également le dénouement un peu hâtif, surtout au niveau de la psychologie des personnages, notamment celui de Nina dont la complexité avait été parfaitement décrite, jusqu'à un final trop spectaculaire pour moi...
Même bémol pour la plume de l'auteur qui n'est pas toujours aussi percutante que je l'aurais souhaitée, d'où ma note...
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Après Une femme fuyant l'annonce, l'auteur israélien propose un nouveau roman bouleversant, inspiré de la vie de Eva Panic-Nahir, héroïne yougoslave.
Il y a un peu de Sarah Chiche dans ce dernier texte de David Grossman tant dans l'urgence de l'écriture, que dans le propos, où il est question, comme dans Saturne, de famille dysfonctionnelle et des ravages de l'absence. Ce que d'ailleurs ces 2 auteurs narrent à merveille.
Ici, face caméra, 3 femmes racontent et se racontent : Vera, victime du goulag et des camps de Tito. Sa fille Nina née de sa grande passion pour Milosz, marquée par l'abandon de sa mère lors de son emprisonnement. Enfin Guili, issue des amours de Raphaël, fils du second mari de Véra, et de Nina. Élevée exclusivement par son père, elle entretient une relation forte avec celui-ci, une relation professionnelle aussi (elle est la scripte de Raphaël sur tous ses films). Il lui a manqué (il lui manque encore) une présence maternelle.
A l'occasion des 90 ans de Vera, tous décident de partir sur les traces de leur passé et de dérouler le film de leur vie...
Un livre poignant par tant de non-dits et d'amour refoulé.
Un roman passionnant sur la maternité, la maladie, la transmission, porté par une plume virevoltante, haletante, intense.
Un moment fort !
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Après avoir lu " Une femme fuyant l'annonce" et "Un cheval entre dans un bar", il était évident que je renoue avec David Grossman tant son écriture sans détour aborde les contours de la psychologie avant de se lover dans chaque anfractuosité de celle-ci.
Avec " La vie joue avec moi", nul repli de sa part, les sinuosités de l'esprit sont abordées à travers le portrait de trois femmes, trois générations, et ce sous forme d'excursion cinématographique.
Des insensibilités craquelées naissent les abasourdissements des non-dits, des abandons persistent les rancoeurs écrasantes. Les traversées de trois vies se heurtent, naviguent en eaux troubles à l'instar de chalutiers n'ayant connus que les tempêtes.
Regarder dans son rétroviseur un passé morcelé, décider d'entamer une rétrospective afin de combler les fissures béantes, se reconstruire ou se réinventer, telle est l'epreuve d'une famille fauchée par un secret et la brutalité de l'existence.

Les flots de pensée distribués telle une salve d'artillerie peuvent rendre cette lecture fastidieuse pour certains, me concernant, ils n'ont fait que me précipiter au creux d'une vague scélérate, ballottée par la puissance des mots, bouleversée par cette justesse d'une éloquence rarissime, puis rejetée, sonnée, sur la rive telle une écume disloquée.
J'ai bu la tasse, non pas celle que l'on sert lors d'une Bat Mitzvah, mais celle qui nous coupe le souffle, délivrant un concentré de destruction tant physique que morale et d'amours indisposés.
Une douleur qui se niche dans chaque interstice de ses êtres se prostitue avec le mensonge pour mieux duper la réalité, enduie d'amertume elle protège les apparences bientôt écaillées à jamais dans un baraquement de Goli Otok.

Un roman tourmenté qui excelle tant par ses descriptions que par l'intensité des émotions retranscrites , un espace temps d'une exécution parfaite à l'instar de la mise en lumière du régime communiste yougoslave de Tito.



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La vie joue avec moi est un roman d'une rare complexité dans lequel on n'entre pas sans effort. David Grossman est l'un ds écrivains israéliens les plus reconnus, très critique sur son propre pays. Quatre personnages dans ce livre qui explore la transmission, les silences et les secrets au travers de l'Histoire de Véra, 90 ans fêtés au kibboutz, sa fille Nina, sa petite-fille Guili et le père de cette dernière, Raphy. Véra s'et trouvée broyée par le régime de Tito, en lutte contre Staline, et qui aboutira à une fédération yougoslave qui se révélera invivable. Les méthodes du Maréchal n'ont rien à envier à celles d'Oncle Jo. En ces années d'après-guerre la liberté ne se conjuguait guère de ce côté de l'Europe.

C'est à travers le film de Guili et Raphy que nous sont exposées les relations, bien compliquées, entre les trois femmes. Ainsi les deux tiers du livre nous immergent dans les dialogues, nous immergent... et nous noient presque, tant les névroses des trois femmes sont prégnantes et nous débordent. J'ai souffert un peu, ayant souvent des difficultés à bien saisir qui parle, l'osmose de la mère, de la fille et de la petite-fille étant assez éprouvante. J'ai trouvé que le récit manquait quelque peu de limpidité, ce qui ne remet pas en cause la qualité du roman. Disons que La vie joue avec moi n'est pas une récréation.

Mais le souffle de l'Histoire est bien présent, la littérature israélienne y excelle, et la dernière partie du livre, sur une île solitaire de Croatie, une geôle de rochers et de garde-chiourmes, où Véra fut recluse près de trois ans, nous redonne une grande empathie avec Véra, Nina et Guili, et leur "témoin" Raphy. Eva Panic Nahir était une résistante yougoslave qui a inspiré le romancier. Victime du goulag de Tito elle a permis de faire savoir la tragédie de l'après-guerre dans la célèbre poudrière des Balkans.

Guili, la petite-fille, 40 ans. Plus tard, à l'hôtel, j'ai visionné le film et découvert quelque chose: chez elles, toutes les quelques secondes, le globe ocuclaire glisse lentement de sa cachette sous la paupière, apparaît à moitié sur le fond blanc, puis remonte et s'éclipse de nouveau sous la paupière. Je n'ai pas pu me retenir. Je me suis précipitée avec la caméra dans la chambre de Raphy. "Ces deux-là, a-t-il réagi avec un éclat de rire, ne s'autorisent jamais à fermer les yeux, même en plein sommeil.
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Trois femmes habitent ce roman : Vera, militante communiste croate dès les années 30, Nina la fille qu'elle a eue de Milosz et dont l'enfance sera saccagée, sa petite-fille Guili abandonnée enfant par Nina. Une famille démolie par L Histoire. Car, la guerre contre les nazis terminée, Vera sera internée par le régime de Tito, accusée de stalinisme. Sa fille Nina, recueillie par la famille sera marquée à vie par ce drame au point qu'elle abandonnera plus tard sa propre fille Guili. Vera immigrera en Israël et refera sa vie. le non-dit planera sur cette famille jusqu'à ce que Guili et les hommes de la famille décident de le lever.
Si les femmes paraissent ici comme les victimes de l'Histoire, il y a aussi ces hommes, les conjoints, qui sont des pôles de stabilité.
Ce drame intergénérationnel, s'éclairera peu à peu au fur et à mesure que la parole des uns et des autres se libérera.
A noter l'éclairage qui est fait sur Goli Otok, le camp d'internement que Tito avait réservé à ses adversaires accusés de stalinisme - Staline dont en l'occurrence il reprenait les méthodes - épisode peu connu de l'après-guerre européen.
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J'ai abordé l'univers de David Grossman à l'envers, si tenté qu'il y ait un envers et un endroit. le premier livre de sa main que j'ai lu ce n'est pas un roman mais une série d'interventions, discours, tribunes parus chez Point et intitulée « Dans la maison de la liberté« . Lui qui a perdu un fils lors du conflit israélo-palestinien, n'a de cesse de défendre la paix et je n'ai pas pu m'empêcher de penser au très beau livre Apeirogon (le livre le plus surprenant et marquant pour moi de 2020). J'ai trouvé chaque texte stimulant (il nous interroge beaucoup sur notre responsabilité individuelle), brillant, intelligent et j'ai alors retiré de ma pile de livres à lire, La vie joue avec moi, son dernier roman.

Au début j'avoue avoir été un peu paumée entre ces trois femmes et leur histoire respective : Véra, sa fille Nina et sa petite fille Guili. Je n'ai pas compris tout de suite pourquoi elles semblaient si liées et à la fois si déchirées, si animées par des sentiments contradictoires. Pour moi, le roman a pris un véritable tournant quand ces trois femmes partent sur les terres natales de Véra, la Croatie et sur l'île de Goli Otok.

A travers l'histoire de Véra, j'ai découvert cette île-goulag où Tito a envoyé tous ceux qu'ils soupçonnaient n'être pas de « bons camarades », ceux qu'il pensait être des partisans de Staline, lui même ayant créé sa propre idéologie communiste et faisant partie des pays non alignés. Comme dans toute dictature (il se fit élire président à vie !), il en profita pour écarter tous ceux qui auraient pu lui faire de l'ombre ou prendre trop de place.

Le talent de David Grossman (et de son traducteur Jean-Luc Allouche) est de nous offrir une intrigue dont l'intensité et l'émotion vont crescendo. A partir de la moitié du livre, je n'ai plus réussi à le lâcher, happée par les révélations de Véra, par ses choix impossibles et les répercutions qu'ils ont eu sur sa fille et sa petite fille.

Non seulement La vie joue avec moi nous offre trois portraits de femmes saisissants et complexes mais il dissèque avec justesse et sans concession les relations mère-fille. Il dit aussi le poids de l'histoire familiale et de ses silences souvent lourds de conséquences.

Quand j'ai appris que le personnage de Vera a été inspiré par Eva Panic Nahir, femme célèbre et admirée en Yougoslovie qui a vécu les horreurs de Goli Otok, cela a donné une épaisseur supplémentaire à ce très beau roman.

Dans ma bibliothèque, du même auteur, m'attend Une femme fuyant l'annonce. J'en ai jusque là, repoussé la lecture, un peu « découragée » par son épaisseur mais j'ai maintenant hâte de me plonger dedans !

Et vous, vous avez déjà lu des romans de David Grossman ?

Lien : https://www.chocoladdict.fr/..
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Tiroirs et double-fonds. Poids du destin sur 3 générations. Je est un futur autre. Psychanalyse à travers l'oeil d'une caméra. Récit non linéaire, avec incidences, changements de direction. Humour.
Comme dans "Une femme fuyant l'annonce", D.Grossman raconte du point de vue d'une femme. Et on se laisse envoûter, malgré la difficulté de cette lecture, et on a envie de finir la lecture pour rassembler les pièces du puzzle. Les trois personnages centraux, grand-mère Vera, mère Nina, fille narratrice Guili, me sont a priori peu sympathiques, mais ont fini par me toucher. Et, là au milieu, un homme, le père, Raphaël, d'apparence pataud mais ciment de ces trois destins.
L'atmosphère est lourde, allégée par une bonne dose d'humour. Je retiendrai l'expression "Joviale comme une vésicule biliaire".
C'est le deuxième roman de D.Grossman que je lis. Difficile, mais univers littéraire dont je ne connais pas d'équivalent.
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