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Citations sur Le livre de la grammaire intérieure (7)

Une fois cependant, il eut l'impression que le mécanisme se grippait : il était seul à la maison avec maman Brusquement, elle se précipita vers lui, que se passe-t-il, qu'est-ce que j'ai encore fait, le prit dans ses bras et l'embrassa si fort qu'il crut que ses os allaient se briser. Elle ne le faisait que très rarement quand il n'était pas malade. Elle lui prit le menton d'une main tremblante et attira sa tête vers elle. Voyant que ses yeux étaient remplis de larmes, il prit peur, elle ne pleurait jamais en public, elle se mordit violemment les lèvres mais ce fut plus fort qu'elle et elle éclata : nous avons assez souffert, balbutia-t-elle, Maître du monde, nous avons payé au centuple, si seulement ce que nous endurons avec mamtchu pouvait tout effacer et que les choses s'arrangent après..., effrayé par l'exaltation qu'il décelait dans sa voix, Aharon appuya son menton au creux de la main de sa mère, laquelle monologuait en réalité, elle saisit son visage entre ses doigts durs et, sans ménagement, elle le força à incliner la tête comme si c'était une pièce à conviction dans un procès ou une tractation, il aurait donné cher pour disparaître, la détresse qu'il perçait dans sa voix le troublait, et il était mal à l'aise qu'on lui eût permis à lui, un enfant, d'assister à un obscur phénomène, aux arcanes du réglement de comptes familial avec le destin.
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...ça s'enroulait autour de lui, ça l'enveloppait comme une syncope, un habit magique qui se dissoudrait dans sa peau et se consumerait sans bruit, ce n'était pas désagréable, il savait par avance que seule la mort était juste, le reste n'était que mensonges, ne te réjouis pas de cette découverte, elle ne t'appartient pas, fourre-la dans ta poche, motus et bouche cousue. Quand la première vague de douleur le submergea, il se sentit presque soulagé. Il était encore vivant.
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Il se reprit à se demander ce qu'il éprouverait dans très peu de temps, dans une année et demie environ, disons à la veille de sa bar mitzvah, quand il aurait lui aussi le corps couvert de poils noirs et drus, peut-être seront-ils dorés, puisqu'il est blond, mais drus quand même, comment est-ce que ça commence, quand ça vous arrive, y a-t-il une force invisible qui les fait pousser de l'intérieur, exactement comme on presse une figue de Barbarie pour l'extraire de son écorce, avec les pouces, est-ce que ça fait mal, il se jura que, quand il serait adulte, grand et poilu, avec une peau dure et rugueuse comme son père, il se rappellerait l'enfant qu'il était maintenant, il le graverait au fond de sa mémoire, parce qu'il y a peut-être des souvenirs qui s'oublient quand on devient grand, des choses indéfinissables, mais il y a sûrement un je-ne-sais-quoi qui rend tous les adultes semblables, pas physiquement, bien sûr, ni moralement, un je-ne-sais-quoi qui existe chez tous, qui concerne tout le monde, à quoi tout le monde obéit, et quand Aharon sera comme ça, grand comme eux, il se répétera au moins une fois par jour : I am ju-mping, I am fly-ing, I a aharoning ; et, de cette façon, il se souviendra que, sous les généralités, il y a quelque part un Aharon spécial.
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...il la regardait danser, lui faire miroiter devant les yeux les secrets d'un monde qui lui était entièrement fermé, et son âme se recroquevillait à la pensée que Gidéon et Yaeli auraient à leur tour, un jour, de tels souvenirs, une telle gaieté, grâce à leur enfance, aux camps, aux excursions, aux danses, voire à leurs disputes idiotes, et que lui - quoi lui, comme ses parents. Laissé-pour-compte. Aharoning.
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Il faut tellement d'intelligence et de circonspection pour ne pas proférer une seule parole blessante, humiliante, par exemple, quand maman avait dit aux femmes qu'elles avaient de la chance de ne pas avoir de filles, comme par hasard, elle avait choisi le moment précis où Rivché, la mère de la pauvre Lealé, entrait dans la cuisine. C'était une petite attention de rien du tout mais il y avait plein de minuscules flèches dans l'air, des phrases décochées qui retombaient par terre avant de se désintégrer en mille morceaux venimeux, des compliments à double fond, des regards cordiaux, lourds de secrets partagés, des mots soigneusement, tacitement contournés, le voile se déchirait à présent, il était fasciné, submergé de tendresse.
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Comment parler. Par quoi commencer. Dernièrement, à cause de la solitude, ses paroles étaient devenues si intérieures, comment dire, exprimées dans une grammaire si personnelle et si sinueuse, comment les extirper hors de lui, à la lumière. Il se racla la gorge, balbutia quelques mots, s'exerça en silence, mentalement, danses modernes, les Beatles, la jeunesse dorée, puis, dégoûté, il s'interrompit avant même que ses paroles ne parviennent à leurs oreilles.
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En revanche, quand il était obligé de parler avec les enfants de son âge, il devait constamment veiller à se servir de son langage habituel,c elui d'avant, et il se sentait en porte-à-faux, tel un touriste qui s'efforce de se faire aimer des autochtones, ou un espion en territoire ennemi, luttant pour sa vie.
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