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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Vie et Destin offre une peinture réaliste de la société russe et de la très rude bataille de Stalingrad. Cette lecture ardue nécessite du temps mais cet effort en vaut la peine car il aide à mieux comprendre le monde et, en particulier, la Russie.
Vie et Destin marque un tournant dans la pensée philosophique et politique de Vassili Grossman. Fervent communiste et partisan du régime soviétique dans Pour une juste cause, il analyse désormais la dérive totalitaire de Staline, qui n'a rien à envier à celle d'Hitler et du national-socialisme, et dont on trouvait déjà des bribes dans la pensée de Lénine. Cette prise de conscience le fait basculer dans le camp des opposants qui sont appelés "les ennemis du peuple ", il craint d'être arrêté, son manuscrit est saisi par le KGB, la police politique, et ne sera sauvé que grâce à l'action de quelques hommes de bonne volonté, désireux de sortir de cet enfer qu'est le totalitarisme. Vassili Grossman montre, d'une manière inacceptable pour les autorités, la convergence entre les systèmes nazi et soviétique (camp de concentration/goulag, police politique : Gestapo/KGB, nationalisme d'État, élimination des minorités et des opposants grâce à la terreur et la répression). Sa réflexion rejoint celle d'Hanna Arendt sur la banalité du mal qui se nourrit de la peur individuelle, légitime lorsque règne ce genre d'ambiance effrayante.
Le personnage de Strum, physicien nucléaire, est isolé car ses recherches sont accusées d'être de la physique juive, occidentale, qui contredit les travaux du maître à penser, Lénine. Puis, lorsque Staline l'appelle, il retrouve son poste et ses amis, ne risque plus d'être arrêté. Alors qu'il avait toujours été courageux, il accepte de signer une lettre qui nie les exactions commises envers des scientifiques et les arrestations arbitraires. Il a honte de sa faiblesse et est tourmenté. Pour Vassili Grossman, le régime soviétique, en détruisant la liberté, a fait régresser son pays et restauré une servitude identique à celle de la Russie des tsars et des serfs. Il s'interroge sur la nature pernicieuse des idéologies, surtout celles qui ont pour but le Bien de l'humanité et sont érigées en systèmes dogmatiques qui font sombrer l'Homme dans la barbarie. Que reste-t-il après un tel chaos, à part l'espoir incertain que la bonté humaine parviendra à vaincre, malgré tout, ces entreprises de déshumanisation ?
Ce roman m'a bouleversée. Il est, pour moi, un des chefs-d'oeuvre du XXe siècle. Il est à la fois un témoignage rare et poignant de la Shoah en Europe de l'Est et de l'univers totalitaire dans lequel des milliers de personnes, en U.R.S.S., ont été obligées de rester enfermées et de survivre. Certains passages m'ont durablement marquée : les descriptions horribles de ce que les historiens ont appelé « la Shoah par balles » et plusieurs dialogues, expressions des tourments philosophiques et politiques de l'auteur.
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Vertigineux ! Un livre à lire au moins une fois dans sa vie. Au moins … Il est tellement foisonnant et bouillonnant qu'une relecture apporterait, j'en suis persuadée, un plaisir égal et un regard encore plus incisif. Si ce livre avait pu paraître en 1960, du vivant de l'auteur, il aurait déclenché une gigantesque déflagration. Encore aujourd'hui, il n'a rien perdu de sa force.

Ce qui est frappant par rapport au premier volet (Pour une juste cause), c'est qu'il s'agit pour ainsi dire d'un miroir inversé : alors que dans le premier volet, l'élan patriotique, l'espoir, le triomphe de la liberté s'amplifient à mesure que l'armée russe recule, dans Vie et Destin, c'est au contraire les doutes et les désillusions qui s'intensifient à mesure que l'armée russe progresse ; l'armée ou le Parti…

A travers une multitude de personnages, l'auteur s'interroge et interroge sur ces formes d'Etat-parti qui étouffent la liberté pour assoir leur emprise. La convergence qu'il établit entre les régimes nazi et communiste est admirablement amenée ; les mécanismes de la délation, de la terreur, de la soumission sont également évoqués avec une effrayante acuité.

Mais c'est aussi et surtout une aventure humaine qui grouille de points de vue, d'aspirations différentes. Elle raconte des hommes, des femmes, des enfants de toutes les classes sociales, dans des camps allemands et russes, dans des villages et des villes, des soldats, des colonels, des membres du comité, des civils, sur le front ou à l'arrière, des bolchéviques, des tchékistes, des léninistes, des anciens propriétaires terriens, des Allemands, des Russes, des Juifs, des Ukrainiens, des Tatars, des Kalmouks, des personnes ayant la confiance du parti et d'autres ne l'ayant pas etc. jusqu'à ce passage hallucinant sur le regard d'un gamin dans une chambre à gaz. J'en ai encore des frissons ! Elle raconte la vie qui continue envers et contre tout avec ses joies et ses souffrances. Cette diversité de regards apporte selon moi une force incommensurable à ce livre.

Si Vie et Destin est souvent comparé à La Guerre et la Paix de Tolstoï – Et pour cause : il s'agit là aussi d'une fresque historique à hauteur d'hommes mettant en scène une famille et ses nombreuses ramifications autour de batailles emblématiques (la campagne de Russie de 1812 pour l'un, Stalingrad pour l'autre), mêlant personnages fictifs et réels et considérations philosophiques – j'ai plutôt eu le sentiment que Vassili Grossman se revendiquait davantage de Tchekhov. (Il va me falloir le lire !)

Ainsi quand, Madiarov, l'un des personnages de Vie et destin, s'exclame « La voie de Tchekhov, c'était la voie de la liberté. […] Tchekhov a fait entrer dans nos consciences toute la Russie dans son énormité ; des hommes de toutes les classes, de toutes les couches sociales, de tous les âges… Mais ce n'est pas tout ! Il a introduit ces millions de gens en démocrate, comprenez-vous, en démocrate russe. Il a dit, comme personne ne l'a fait avant lui, pas même Tolstoï, il a dit que nous sommes avant tout des êtres humains ; comprenez-vous : des êtres humains ! », c'est selon moi précisément l'intention de Vassili Grossman : dire simplement, sincèrement les êtres humains.

Mais, d'après moi, ce qu'il montre aussi, c'est que les hommes ne changent pas. Ce sont les circonstances qui, elles, changent et exhortent ce qu'ils avaient déjà en eux. Strum est sans doute l'un des personnages qui va le plus se révéler à lui-même et je me suis demandé, vu les similitudes avec le parcours de l'auteur, si ce n'était pas une projection de son double.

J'ai malgré tout retiré une demi-étoile en raison de la structure éclatée du roman, celle-là même qui m'avait tant dérangée dans le premier volet et qui a continué à me déranger par intermittence dans la première partie de ce volet-ci. Encore que, en refermant le livre, j'ai hésité à la retirer car cette construction est sans doute autant une force qu'une faiblesse, à l'image de la diversité des hommes qu'elle fait vivre.

Vous l'aurez compris, ce livre est monstrueux autant que magnifique.
Monstrueux, car il nous fait toucher du doigt avec une justesse de ton effarante et une puissance évocatrice saisissante ce qu'est la vie en temps de guerre sous un régime totalitaire.
Magnifique, car la confiance en l'homme de l'auteur transpire entre les lignes, elle est là en filigrane, impuissante mais inébranlable. Elle se manifeste dans la bonté humaine, celle de la vie de tous les jours, une « bonté sans témoins, une petite bonté sans idéologie. » Une « bonté folle » comme la nomme encore Vassili Grossman. « C'est la bonté d'une vieille, qui, sur le bord de la route, donne un morceau de pain à un bagnard qui passe, c'est la bonté d'un soldat qui tend sa gourde à un ennemi blessé, la bonté de la jeunesse qui a pitié de la vieillesse, la bonté d'un paysan qui cache dans sa grange un vieillard juif. » Un grand moment de lecture en ce qui me concerne.
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Dans la plupart des appréciations critiques, dans les très nombreux commentaires de lecteurs de VIE ET DESTIN, certaines expressions semblent revenir régulièrement : « monument de la littérature du XXème siècle », « oeuvre majeure », « fresque monumentale », « chef d'oeuvre de la littérature russe moderne », « Guerre et Paix du XXème siècle »...
Alors moi, en rédigeant cette 70ème critique ici à Babelio, je me dis que je ne saurai certainement pas trouver d'autres adjectifs, d'autres superlatifs pour mieux exprimer, avec la plus grande humilité dont je pourrais faire preuve en tant que lecteur, mon sentiment profond d'avoir été confronté en lisant VIE ET DESTIN à quelque chose de véritablement.. monumental!

Monument à quoi exactement ? A l'Homme avant tout, dirais-je tout simplement ! Tout vit, tout meurt, mais l'homme reste, nous rappelle sans cesse Vassili Grossman. On entend tout au long de VIE ET DESTIN à la fois "les morts qu'on pleure et la joie furieuse de vivre". On y est invité sans cesse "à vivre et à mourir en hommes", car "c'est là, pour l'éternité, [notre] amère victoire d'hommes sur toutes les forces grandioses et inhumaines qui furent et seront dans le monde".

Oeuvre totale, à la fois document de guerre, réflexion philosophique et roman, ancrée dans l'histoire des crimes contre l'humanité perpétrés par les régimes stalinien et nazi au XXème siècle, VIE ET DESTIN ne cède pourtant à aucun moment à la tentation du nihilisme. Au contraire, elle transcende cette réalité tragique, notamment par cette éloge de l'Homme scandée au milieu même des décombres engendrés par une des catastrophes les plus terribles de l'histoire de l'humanité.
L'auteur réussit ce tour de force avec éloquence. Personnellement, je ne suis guère convaincu par les argumentations assez nombreuses qui cherchent à classer Vassili Grossman parmi les optimistes. A mon sens, son propos dépasse largement ces catégories, trop réductrices en l'occurrence, comme le seraient tout aussi bien, par ailleurs, celles de bien ou de mal dont l'auteur ne cesse d'illustrer le caractère relatif (voir par exemple les chapitres à propos du mal que l'homme, depuis toujours, a pu déclencher au nom du bien, ou sur le fait que beaucoup de partisans des thèses du nazisme étaient profondément convaincus de défendre des idées « humanistes », d'agir pour le bien de l'humanité !). A mon avis, il serait plus judicieux ici de parler d'une position de "compassion raisonnable", à la fois compatissante et compatible avec la condition humaine. En tout cas, ce récit m'a paru totalement exempt de mièvrerie ou de toute autre forme d' optimisme défensif face à l'horreur parfois insoutenable de ce qui est raconté.

Dans VIE ET DESTIN une large place est faite à ce que j'appellerai (par opposition à une dimension « supra-réelle » et historique) : « l'infra-réel », constitué ici par les innombrables vies et individualités qui défilent tout au long de ses presque 1 200 pages. Environ 150 personnages (nommés) y auraient été recensés – ce dernier point semblerait d'ailleurs avoir découragé bon nombre de lecteurs ! Un record tout de même pour une littérature (russe) nécessitant souvent qu'on fasse une liste des noms des personnages, et de leurs petits-noms, pour pouvoir s'y retrouver au bout d'un moment... !
De cette profusion dans laquelle parfois on peut effectivement s'égarer, émerge en même temps un sentiment que je qualifierais de "continental", sentiment reliant d'un fil invisible tous ces îlots insondables que chaque homme, que chacun de nous constitue. Je me suis donc parfois simplement abandonné au récit, à ces innombrables personnages, parfois à peine ébauchés par quelques phrases au détour d'une courte parenthèse, hommes emportés par une même et seule vague de l'Histoire ; l'Homme à travers les hommes, au gré des courants et des remous provoqués par cette dernière, l'Homme au travers de tous ces hommes pour lesquelles les rôles peuvent se ressembler, s'inverser, s'effacer, resurgir intacts, alors qu'à d'autres moments, des symétries improbables se créent entre eux, des amours naissent sans lendemain ou leur bonté se révèle malgré tout plus grande et puissante que la haine...Tout vit, tout meurt, mais l'Homme reste.

Cette expérience continentale, ce sentiment de partager tant de vies et de destins en si peu de temps sont soutenus en même temps par une écriture d'une grande simplicité, empreinte d'un lyrisme franc, non-recherché, d'une humanité et d'une empathie envers la condition humaine comme j'ai rarement eu l'occasion de rencontrer chez un auteur. Ce sont là des éléments qui, une fois réunis, sont susceptibles de créer un tel sentiment de proximité et de densité émotionnelle qui auront réussi à faire éprouver au lecteur que je suis une sensation omniprésente de lire au plus près de son être et de son corps.

Vassili Grossman ne verra jamais cet ouvrage publié. Trois années après la saisie de VIE ET DESTIN par les autorités russes, il mourra dans d'atroces souffrances, seul, indigent. Jusqu'au bout, il n'aura cessé d'écrire.

Une lecture en essence inoubliable.




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Le destin de ce livre est fabuleux : deuxième tome d'une colossale saga à la Tolstoi, il marque la révolution politique de son auteur qui, de fervent communiste, aura profondément évolué dans ses convictions en comprenant autour de l'axe de la bataille décisive de Stalingrad les ressorts profonds du pouvoir stalinien, ce qui l'amènera à être le premier auteur à renvoyer dos à dos communisme et national socialisme en soulignant leur glaçante proximité. On mettra du temps à découvrir cette oeuvre : rédigée en 1960, elle fut l'une des très rares à être confisquée, manuscrit et copie stencyl saisis, par les autorités soviétiques. Censure plus forte encore que l'interdiction, cette confiscation marque bien à quel point le propos du livre inquiétait le pouvoir qui s'est ainsi assuré que personne n'y porte les yeux, ne serait-ce que sur quelques copies privées! Ce n'est que vingt ans plus tard que "Vie et destin" sera publié en Occident, et qu'il acquerra sa réputation de roman majeur du 20ème siècle.

Une toile de fonds pareille, ça ouvre mon appétit de lectrice, et même s'il faut avoir un bel estomac pour avaler les 1200 pages du roman, je vous garantis qu'il se dévore avec beaucoup plus de facilité que je ne le craignais. Certes, les scènes de guerre sont nombreuses puisque la bataille de Stalingrad constitue le socle du roman, mais pas que : on suit un nombre important de personnages dans des contextes différents, en exil loin des villes, dans un camp de concentration allemand, au coeur de Stalingrad assiégée et à l'arrière du front. Partout, on croise des personnages forts, tragiques, broyés par l'histoire. Ce qui frappe et fait la force de ce roman, c'est le parallélisme troublant entre les situations tragiques dans lesquelles ils se retrouvent et les mécanismes de mort et de terreur infligés du côté soviétique comme du côté allemand : sur l'horreur des chambres à gaz se superpose celle des purges de 37 ou la mise à l'écart pour des motifs arbitraires des révolutionnaires de la première heure, l'antisémitisme présent des deux côtés.

Un roman riche de figures et réflexions politiques profondes, qu'il faut effectivement avoir lu dans sa vie pour comprendre le 20ème siècle et les ressorts du pouvoir totalitaire, voire du pouvoir tout court.
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Né dans une famille juive, en 1905, sur une terre ukrainienne appartenant alors à l'Empire russe, l'écrivain soviétique Vassili Grossman a peu à peu pris conscience de la complexité de son identité et de l'impossibilité pour un citoyen de construire librement son destin dans un régime soumis aux dogmes totalitaires du Parti Communiste. Il est mort en 1964, à Moscou. Considéré aujourd'hui comme son chef d'oeuvre, son roman Vie et Destin, achevé en 1962, avait été aussitôt saisi par les autorités soviétiques. Il ne sera publié qu'à partir des années quatre-vingt.

Vie et Destin raconte la bataille de Stalingrad, engagée à l'été 1942 entre les forces armées du Troisième Reich et celles de l'URSS. Les combats s'achèvent par l'encerclement des troupes allemandes et leur reddition pendant l'hiver. Une victoire salutaire de l'armée soviétique ! Son retentissement inversa le cours de la Seconde Guerre mondiale. Elle reste la page la plus glorieuse de l'histoire de la Russie.

Pendant que la bataille fait rage dans le centre et les quartiers industriels de la ville, l'auteur se penche sur le quotidien des membres d'une famille soviétique et de leurs proches. Des personnages incarnant des stéréotypes de leur société, dispersés sur un territoire vaste, exposés à des destins changeants ou contrariés, et qui s'emploient à survivre.

Les profils sont bigarrés : des officiers supérieurs, au combat sous le feu allemand et marqués à la culotte par des commissaires politiques veillant au strict respect de la ligne du Parti ; un spécialiste de physique nucléaire, fin observateur de l'âme humaine, y compris de la sienne ; un vieil ouvrier aux convictions bolcheviques inaltérables, prisonnier dans un camp allemand ; une femme médecin militaire, juive, déportée en camp d'extermination et menée jusqu'à la chambre à gaz, une scène horrifiante ; d'autres femmes, plus ou moins éloignées de leur compagnon, s'efforçant de subsister en ville, en dépit des pénuries et des bombardements ; des communistes déchus de leur aura et échoués au Goulag. A noter aussi quelques apparitions d'officiers allemands, nazis zélés ou soldats fatigués.

Au travers de ces personnages fictifs et de figures historiques réelles, l'auteur trace les contours d'une comédie humaine, dans laquelle chacun s'adapte et se comporte comme en temps de paix et de prospérité (relative). Emotions sentimentales, vanités ridicules, jalousies irrépressibles, lâchetés déniées, compromissions minables : personne ne manque à ses petits travers humains courants.

Grossman avait assisté de bout en bout, comme journaliste, à la bataille de Stalingrad. Il avait ensuite suivi l'armée soviétique jusqu'à Berlin et était entré dans les camps d'extermination nazis (Treblinka). Il n'hésite pas à renvoyer dos à dos les régimes totalitaires hitlérien et soviétique, qui confisquent les libertés individuelles au profit d'une collectivité fantasmée. Il avait aussi noté les failles de leur commandement militaire : pour nourrir l'hystérie du chef suprême, on sacrifie des hommes dans des assauts sans espoir, pour en saluer ensuite l'héroïsme. Grossman avait aussi perçu les limites de ce que les communistes appellent le centralisme bureaucratique, qui implique de se conformer aux décisions venues d'en-haut, même si le bon sens et la conscience conduisent à d'autres options.

Dans le roman, le Parti reproche au spécialiste de physique nucléaire de se consacrer à des théories contraires aux principes matérialistes de Lénine et d'être imprégné d'« abstractions talmudiques ». Un relent d'antisémitisme qui n'est pas un détail de l'histoire. Dès les purges de 1937, Staline s'en prend aux Juifs, qu'il accusera plus tard de « cosmopolitisme sans racine ». le rejet des Juifs prendra de l'ampleur au début des années cinquante, lors du prétendu complot des blouses blanches. En 1953, la mort de Staline aura peut-être évité une seconde Shoah.

A l'instar de Guerre et Paix de Tolstoï, dont Grossman s'était inspiré, la lecture de Vie et Destin manque de fluidité, en raison de la diversité des sites, du découpage des scènes et du nombre de personnages. Une complexité amplifiée par la tradition russe de désigner ceux-ci tantôt par leur prénom et patronyme, tantôt par leur nom, tantôt encore par leur surnom. Une lecture très longue, mais passionnante, qui apporte un certain éclairage aux événements actuels de Russie et d'Ukraine.

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Il y a des livres qu'il faut désirer avant de les rencontrer et même, lorsque vous en avez commencé la lecture, il continue à se dérober. C'est progressivement que je suis rentrée dans celui-ci. le nombre de personnages ne facilitait pas ma compréhension. Sans doute, cela aurait-il été plus aisé si j'avais lu" pour une juste cause". J'ai dû m'accrocher résister contre l'ennui qui me prenait à certains moments. je ne regrette rien bien au contraire. D'emblée, l'incipit de cette fresque donne le ton." le brouillard recouvrait la terre" . Dans la lignée d'un Tolstoï, et de son Guerre et Paix, Vassili Grosmann plonge le lecteur au coeur des années sombres que furent la guerre de 39-45 plus précisément en 1942 en plein siège de Stalingrad. le brouillard, c'est l'incertitude quant à l'issue de ce conflit, mais c'est aussi celui qui s'est emparé des esprits, et qui les a empêchés d'y voir plus clair et de percer les discours des tyrans qui les gouvernent
Derrière les destins de Lioudmilla et de son mari le physicien Strum, de leur fille Nadia, de Tolia, fils que Lioudmilla a eu d'un premier mariage avec Abartchouk, de sa soeur, Evguénia, qui a quitté son mari le commissaire Krymov, pour le colonel Novikov, commandant une colonne de blindés, Sofia, une amie d'Evguénia qui se prend d'affection pour le petit David, dans un train, dont ils ne reviendront jamais, derrière le destin du vieux léniniste Mostovskoï, prisonnier dans un camp allemand, ou celui de la jeune Katia, envoyé comme radio, dans la maison "n°6 " qui résiste contre les assauts répétés des mitrailles allemandes, Vassili Grossmann dépeint la vie d'une multitude de personnages secondaires . Leurs destins se croisent et s'enchevêtrent.
Au delà de leurs conditions de vie, de leurs angoisses, de leurs réflexions, il revient plus d'une fois sur la similitude entre les systèmes nazis et les systèmes communistes, ne se privant pas de dénoncer tout ce qui fait de l'Union soviétique un état totalitaire : les famines des années 1920, les arrestations arbitraires, les camps de prisonniers, l'antisémitisme sournois, qui va s'amplifier après la guerre, et la nécessité de surveiller ses actes avec la peur de "lâcher brusquement une parole imprudente".
La vie et la liberté sont précaires à plus d'un titre ; personne n'est à l'abri d'une dénonciation. La méfiance qui surgit dans les moments les plus insignifiants, c'est aussi ce brouillard, qui empêche les êtres humains d'être clairvoyants. Dès la fin du premier chapitre, l'auteur révèle une des questions centrales qui le tourmente. " La vie devient impossible quand on efface par la force les différences et les particularités. "
Son roman est aussi une grande réflexion philosophique sur la liberté, l'instinct de liberté, l'instinct de conservation, sur la violence qui s'exerce sur l'homme , au point de le contraindre et de neutraliser ses capacités de défense. Pourtant , malgré les nombreuses pages sombres, l'optimisme de Vassili Grossman, ne cesse de couler tout au long de son livre. Sa foi en la bonté de l'homme est le souffle qui lui permet sans aucun doute de continuer à écrire et qui pourrait peut-être aussi expliquer sa naïveté en livrant son manuscrit à l'édition.
Achevé en 1960, le livre ne parait qu'en 1980. Que s'est -il passé entre les deux ? Quand Vassili Grossman, remet son manuscrit à la revue Znamia, qui avait déjà publié en 1952 la première partie "Pour une juste cause", son rédacteur après l'avoir lu, le fait parvenir au KGB. Chacun des membres du comité de rédaction semblent avoir pris peur et préféré dénoncer Grossman. Quelques temps plus tard, 2 hommes du KGB frapperont à la porte de son domicile et réquisitionneront tous les exemplaires, y compris des sacs remplis de brouillons ainsi que les rubans de sa machine à écrire et les feuilles carbones. C'est dire l'importance que revêtait un tel manuscrit aux yeux du KGB.
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Tout d'abord c'est l'histoire de ce livre qui m'a beaucoup intrigué, car Vie et Destin est le premier détenu placé sous les verrous par le KGB en 1962. L'auteur ne fut pas arrêté, mais sa vie fut brisée après la confiscation l'oeuvre de sa vie. Sous l'ère de Khroutchev et malgré une certaine distension, ce livre a fait très peur aux responsables du KGB de l'époque parce qu'il dresse un tableau parfaitement réaliste et effrayant de la société soviétique d'alors. La bataille de Stalingrad est le fil conducteur qui est le tournant déterminant de l'affrontement entre le nazisme et la démocratie. Dans ce moment charnière, l'auteur nous fait vivre à travers différents personnages ce moment historique: Strum le physicien juif déclassé, la vie des soldats russes et allemands, l'ouverture d'un camps de concentration nazie, les destinées mêlées d'une famille russe. Il en faut du courage pour dénoncer un fait désormais évident, le stalinisme n'est que l'autre face de la médaille du nazisme hitlérien! Car la victoire de Stalingrad a jeté le peuple russe dans les mains cruelles de Staline qui a instauré la terreur, à travers la délation, les milliers de camps où du jour au lendemain on recrutait n'importe quel citoyen sous forme d'arrestation et de déportation pour travailler aux grands projets voulus par Staline. La Kolyma, un territoire grand comme chez nous où on aurait compté 476 camps entre 1929 et 1953 et jusqu'à 18 millions de déportés dans tous ces bagnes. Une main d'oeuvre à bas coûts pour des chantiers gigantesques! Je recommande de voir si c'est encore possible la série sur ARTE sur l'histoire des Goulags, stupéfiant!
Mais ce livre est plus qu'un roman, il nous apporte une profonde réflexion sur des thèmes importants: l'homme face à l'Etat, l'antisémitisme, et un des textes les plus beaux que j'ai découvert, sur la nature de la bonté.
Si aujourd'hui, ce livre est est un chef d'oeuvre reconnu dans le monde occidental, il n'en est toujours pas de même en Russie, ce qui peut nous donner à réfléchir sur l'évolution des sociétés actuelles, même si la notre est loin d'être parfaite, elle a encore le mérite de nous laisser libre de lire le livre de Grossman.
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Quoi que j'écrive dans cette critique je ne saurais rendre justice à la grandeur de ce roman.
« Vie et Destin » embrasse le champ de bataille de Stalingrad lorsque le destin de la Russie, de l'Allemagne, du Monde se joue.
Il le fait à hauteur d'Homme. Ou plutôt à hauteurs d'Homme. de la plus élevée à la plus terre à terre.
Dans un même chapitre, il vous emmène vers les plus hautes réflexions humaines sur le bien, le bon, l'État et vous ramène juste après dans une maison de Stalingrad assiégée par l'ennemi tous mourant de faim.
Le récit semble englober toute l'humanité au travers de personnages marquants.
Il y a le scientifique craignant pour sa vie à Moscou.
Il y a la mère prise au piège du Ghetto qui écrit sa dernière lettre à son fils. Quelle lettre. Elle rassemble à elle toute seule une force, une émotion qu'on ne retrouverait qu'au centième dans un autre roman.
Il y a l'officier qui lutte pour sa vie.
Il y a l'affamé.
Il y a le couard.
Il y a le juste.
Il y a le planqué.
Il y a le torturé par les remords et la culpabilité. Il y a le commissaire politique.
Il y a le prisonnier du camp. Tellement prisonnier de ses propres co-détenus, de son idéologie, du chef de camp qui lui parle de leur proximité.
Il y a la femme qui marche vers la chambre à gaz.
Il y a tant d'humanité dans ce roman.
La fresque est gigantesque. Vassili vous emmène avec lui dans l'isba au milieu de la forêt, dans l'abri pilonné par l'artillerie, dans la plaine à bord d'un char qui se prépare à foncer sur Stalingrad.
Le roman fut saisi par le KGB. Trop dangereux.
Un roman avec des personnages fictifs, une menace pour l'URSS ? Oh que oui et bien plus.
Il établit avec une grande force que l'état totalitaire qui oeuvre pour le « bien » de son peuple écrase l'Homme.
Qu'il soit Communiste ou Fasciste.
Il y a quelques chapitres du côté allemand. Mais seule la consonance des noms et patronymes différencie les protagonistes.
Le discours, l'attitude sont horriblement proches.
Dans cet océan de violence, de haine, d'emprisonnent, de torture… que reste-t-il à l'humanité ?
Peut-être la bonté simple individuelle modeste pure désintéressée et d'une bien plus grande noblesse que toutes ces grandes idéologies qui broient les corps.
En conclusion ?
Sans doute une des plus grandes lectures de ma vie.
Lecture qui rejoint « le Maître et Marguerite » de Mikhaïl Boulgakov, Siddartha de Hermann Hesse.
Attention quand même
Plus de 1000 pages qui pourraient décourager (il ne faut pas).
Ce n'est pas un roman sur les mouvements de troupes de la bataille de Stalingrad. le centre du récit c'est l'être humain.
Cela parle beaucoup de l'histoire de la révolution soviétique. Ne pas connaître son histoire comme les purges et procès de 1937 serait pénalisant
Les noms Russes avec les patronymes. Parfois seul le patronyme est utilisé, parfois le diminutif.
Cela peut être difficile à suivre, parfois.
Lien : https://post-tenebras-lire.n..
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Troisième lecture pour ce Livre-Monde.
L'émotion est vive, la sidération intacte, le choc peine à être amorti.
Deux mois de lecture attentive et patiente, crayon en main, pour relever les coups de poings, portés par l'auteur, contre cette perversion de la révolution qu'est devenue l'URSS de Staline, bien avant, et bien après les années de guerre, et jusque au plus profond des combats contre le nazisme.
Ma pensée va d'abord à l'auteur, à ses doutes, ses interrogations, ses angoisses, au fur et à mesure de l'écriture du livre. Dix années d'écriture qui coexistent avec la perte de ses dernières illusions sur le régime, au fur et à mesure des exactions de l'État stalinien, jusqu'après la mort de Staline et après le 20ème congrès en 1956. Croit-il encore le changement possible lorsqu'il écrit à Nikita Krouchtchev en février 1962, un an après avoir vu le KGB perquisitionner chez lui et saisir son manuscrit.
« Je vous prie de rendre la liberté à mon livre …»
« Ce livre ne contient ni mensonge, ni calomnie, seulement la vérité, la douleur, l'amour des hommes »
Je reprends ses mots, qui disent si bien ce qu'il a écrit : la vérité, oui, dans la bouche de ses personnages, une foule de personnages autour de la famille Chapochnikov de près ou de plus loin, à Stalingrad, en Ukraine, à Kazan, Kouïbychev, Saratov, Moscou, en Sibérie ou dans la steppe kalmouke.
Grossman les saisit dans leur quotidien, à hauteur d'homme ou de femme. Ils sont mécaniciens, gardien d'usine, aviateur, tankiste, paysan, commissaire politique, ingénieur, militaire, ils travaillent à l'arrière dans les villes de la Volga où la population de Moscou s'est repliée, ils se battent sur le front, ils ont été faits prisonniers en aout 42 par les allemands, ils ont été envoyés en camp par la Tchéka, ils découvrent qu'ils sont juifs et parqués pour cela dans des guettos avant de subir la sélection et de mourir dans une chambre à gaz, ils sont russes mais aussi allemands, officier SS ou soldat dans les camps, au sein des sonderkommandos ou sur le front, dans les éventrements de Stalingrad, dans l'encerclement final, vivants sous les bombes puis morts quelques minutes après, comme ceux d'en face.
« Vie et destin » est un hymne à l'humanité, dans ses doutes et ses erreurs, dans sa diversité, et la radicale individualité de chacun. C'est un hymne à la liberté, et certains en ont une idée plus précise que d'autres, comme Grekov qui assure le commandement de la maison 6bis à Stalingrad, face aux allemands, là où, sous les bombes, le soldat Serioja Chapochnikov parle de « La chartreuse de Parme » avec Katia la jeune radio de 19 ans : « t'as aimé ? ».
Grekov, « le franc-tireur », accusé de n'être pas dans l'orthodoxie, le commandement lui envoie Krymov, commissaire politique, en redresseur de tort, ce dernier finira dans les geôles de la Loubianka, le régime se méfie de ses larbins.
La vérité des personnages de Grossman, c'est souvent la peur, il y a bien sûr la peur des soldats, viscérale, terrible, « son angoisse était si grande qu'il ne la sentait pas » dit-il de Novikov avant l'assaut des blindés qu'il doit lancer. Il y a aussi la peur loin du front. Nul mieux que Victor Pavlovitch Strum ne l'incarne dans le livre, éminent physicien, replié à Kazan, il est l'exemple même de l'individu conscient d'être écrasé par la force et la puissance de l'État mais incapable de résister. Torturé par le doute, il s'interroge sur les suites de cette soirée chez les Sokolov, il se souvient de ses peurs passées comme après qu'il ait jeté la Pravda par terre alors qu'il était étudiant et toutes ces nuits à se lever pour guetter la voiture qui ne passerait pas par hasard. Soumis à un véritable lynchage par ses collègues, une fois revenu à l'Institut à Moscou, il renonce au dernier moment à écrire une lettre de repentir. Quand Staline lui téléphone pour lui demander comment vont ses recherches, il s'extasie, mais derrière le retour en grâce, on lui fait signer la dénonciation d'un collègue. Il prend conscience alors, qu'il le fait contre son intime conviction, mais s'aperçoit qu'en 1937 déjà il avait accepté d'accuser ce collègue, le piège se referme.
La vérité des personnages de Grossman se vit aussi dans la douleur, et cette douleur est partout : dans les camps, au front, à l'arrière. Parce qu'il parle de sa mère à travers elle, la douleur d'Anna Semionovna qui adresse à Victor Pavlovitch cette lettre qu'elle sait être la dernière, la douleur de Sofia Ossipovna, du guetto, au train, du train à la sélection, jusque dans la chambre à gaz. Les douleurs causées par l'amour, les lettres de l'autre qui n'arrivent pas, les trahisons, les abandons, le désamour. Tout ce qui touche profondément à la nature humaine, rejaillit des personnages de « Vie et destin » et ces personnages sont sublimes jusqu'au plus allusif d'entre eux, comme cette vieille femme qui accueille Semionov agonisant. Elle le cache, elle le nourrit, elle le lave. Les personnages de femmes ont dans le roman une force incroyable, elles assument leur vie, leurs amours, elles résistent, elles incarnent l'humanité et souvent la bonté.
L'amour des hommes oui, Grossman le porte tout au long de ses pages, avec la conscience que leur destin, en Russie ne va pas dans le sens de la liberté à retrouver, au contraire il s'en éloigne et la troisième partie du livre porte un pessimisme lourd, celui d'un homme résigné. Il fait dire à Krymov dans les fers de la Loubianka : « les temps nouveaux n'avaient besoin que de la peau de la révolution et on écorchait les hommes encore vivants »
La révolution bolchévique resterait dans ses fondements une différence de taille avec le nazisme, mais qu'en reste il ? Grossman construit dans le livre une comparaison minutieuse des deux états totalitaires qui oppriment et écrasent. Il fait prophétiser par Liss le SS, la victoire de l'URSS et la défaite du nazisme, pour dire alors : « Si c'est vous qui gagnez, nous périrons, mais nous continuerons à vivre dans votre victoire. »
Que reste-t-il donc aux hommes sinon d'être des hommes ? de vivre au plus près de ce qu'ils ont d'humain, comme Novikov qui retarde l'assaut des blindés de 8minutes pour permettre de neutraliser les batteries qui auraient massacré ses tankistes. Staline au téléphone hurle de foncer.
Tout est dit.
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Choisir un livre pour l'île déserte ? Ca me semble hors de portée. Comment dire que celui-ci est plus important que cet autre-là ? Comment sacrifier tant de livres qui m'ont étonnée, ravie, fascinée, subjuguée, qui m'ont appris des mondes et des temps que je ne connaitrai que par eux ?
Et puis… et puis j'ai ouvert « Vie et destin ». Je n'ajouterai rien à tout ce qui en a été dit, et bien dit. Il n'y a sans doute pas une seule page à oublier de ce livre. Mais j'ai été sidérée par les monuments à l'intérieur du monument : la dernière lettre bien sûr, les « gribouillages » d'Ikonnikov, l'inspection des ultimes préparatifs de la chambre à gaz, la maison 6 bis, la fin de Sofia et David, la déroute morale de Strum.
Ces moments-là laissent sans voix. Qu'y ajouter ?
Puisqu'ils disent tout, ce sont eux qui me parleraient encore sur une ile déserte. Donc, voilà, j'ai trouvé le livre que j'emporterais.
Il m'a fallu du temps : six décennies depuis que j'ai appris à lire ; pas sûr que j'aurai celui d‘en découvrir cinq autres…

PS : pour ceux qui prennent le livre pour la première fois, il y a sur la toile des sites qui récapitulent les noms des personnages et leurs liens. Je me mords les doigts d'y avoir pensé à la moitié de ma lecture seulement !
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