Un livre que j'ai pris à la médiathèque à défaut des "Vaisseaux du coeur", dont je lisais de très bonnes critiques sur Babelio...
Je ne connaissais rien de
Benoîte Groult, si ce n'est son nom, et que je confondais en plus avec
Antoinette Fouque ! Bref, un désastre.
Le texte est une autobiographie non exhaustive, qui revient sur les différents événements qui ont sorti l'auteure de sa "léthargie" (c'est elle qui le dit), c'est à dire de son apathie devant une société patriarcale qui ne lui laissait -à elle et à toutes ses compagnes-qu'une fenêtre excessivement étroite pour exister.
Elle présente d'abord sa famille, son éducation peu machiste qui la prépare mal à la réalité de la société...Même si l'unique horizon d'une femme née en France en 1920 reste le mariage...Elle fait apercevoir au lecteur le dégoût (et la peur ?) de la société à cette époque pour les femmes non mariées, considérées en somme comme des êtres sans raison d'exister, des ratées, car elles ne font aucune de leurs deux missions sur terre : s'occuper d'un grand "bébé-homme" (sic), et de petits bébés...
Ensuite, elle nous relate ses trois mariages...Et son évasion...Comment elle a réussi à devenir écrivaine dans un monde qui n'acceptait même pas que les termes d'auteur et d'écrivain aient un féminin...
J'ai appris avec grand intérêt que c'est elle qui a féminisé ces termes, d'ailleurs : professeure, auteure, écrivaine, la juge, la ministre, en présidant la commission de terminologie pour la féminisation des noms de métiers...Et qui a essuyé les quolibets grossiers, orduriers, pathétiques d'un grand nombre de messieurs, qui auraient mieux fait de se taire : " "Comment ? Des précieuses ridicules allaient papoter sur notre belle langue autour d'une tasse de thé", ironisait
Bruno Frappat dans le Monde." "Delirium épais, écrivait
Alain Gillot-Pétré.
Benoîte Groult a peut-être gagné sa croisade pour devenir écrivaine. Mais je pose la question : quel est le masculin pour "enculer les mouches à merde" ...Violent, le mister météo, bête et méchant. "
Le Figaro magazine saluait notre "commission de futilité publique qui entendait enjuponner le vocabulaire""...Violent aussi, le mépris pour les femmes, dans cet aimable journal. "Au secours, voilà la clitocratie", titrait
Jean Dutourd dans son billet en page 1 de
France-Soir"...Que ces beaux messieurs aient cédé leur place sur notre belle terre me réjouit assez...Mais il y en a qui sévissent encore : "à la fin de notre commission,
Bernard Pivot avait consacré une émission à la féminisation...Qui croyez-vous que Pivot avait choisi pour parler linguistique avec nous ?
Guy Bedos ! (jamais il n'aurait fait ça à des hommes...) Alors il en a sorti quelques unes : "vous allez proposer" enseignette de vaisselle", maintenant que les femmes sont dans la marine, et "majordame", bien sûr." ..."Je vous citerai encore
Marc Fumaroli, professeur au collège de France qui dans un article du Figaro nous proposait quelques féminins censés mettre les rieurs de son côté : pour les femmes recteurs, il nous proposait Mme La Rectale." Marc, si tu nous écoutes, toi qui te préoccupes du niveau des élèves, occupe-toi d'abord du tien, qui est complètement nul.
Un petit tour qui fait assez froid dans le dos, somme toute, sur la violence qui se déchaîne sur les femmes à chaque petit pas qu'elles font...Mais au moins, là, chère Benoîte, vous avez gagné la bataille et les petits messieurs se sont tus : "Cela dit, je crois au dynamisme du langage, et je suis convaincue que dans dix ans, on trouvera ridicules les "précieuses" qui continueront à dire "Mme Le..." Effectivement, je confirme.
A lire, donc, rien que pour se rappeler de cette violence et de ce mépris toujours menaçants.