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EAN : 9782915255560
382 pages
Asiatheque L&M (11/01/2008)
4.5/5   2 notes
Résumé :
"René Grousset était de ces savants qui sont capables de rédiger d'excellentes synthèses couvrant un vaste champ, et de mettre ainsi à la portée du public cultivé les connaissances qu'ils ont acquises au prix d'un long travail de recherches et de méditation", écrit André Bareau dans sa préface à l'édition 1991 de cet ouvrage (1° édition 1929) ... Et de fait, ce livre intemporel, qui conte les aventures incroyables des deux pèlerins chinois Hiuan-tsang et Yi-tsing pa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Entre le III° et le VIII°s, de nombreux moines bouddhistes chinois firent le long voyage de l'Inde, par voie de terre à travers l'Asie Centrale et l'Himalaya, ou de mer quand la voie terrestre était bloquée. Ils partaient vers ce qui était pour eux une Terre Sainte, les lieux où le Bouddha était né, avait médité, trouvé l'Illumination, et était mort. Mais ce pèlerinage était aussi une quête de livres sanskrits contenant la doctrine et la discipline bouddhiques. Ils les recopiaient ou les rapportaient, et les traduisaient en chinois. Ils laissaient aussi le récit de leur voyage, qui souvent, au fil des siècles, enrichissait l'imagination des romanciers et des librettistes d'opéra. L'un de ces voyageurs, Faxian, est publié dans la collection des Classiques asiatiques des Belles-Lettres ("Mémoire sur les pays bouddhiques").

L'Asiathèque a eu la bonne idée de rééditer le livre de René Grousset consacré au pèlerin traducteur Hiuan-tsang (Xuanzhang, 602-664), publié pour la première fois en 1929. L'auteur a soin de ne pas livrer au public une traduction du récit de voyage de Xuanzhang : un texte ancien peut avoir quelque chose de déroutant, et nous découragerait, comme Faxian ou, plus près de nous, Ibn Battûta, le voyageur et pèlerin arabe. Donc René Grousset nous raconte lui-même ce voyage, en supposant que nous ne savons rien de la Chine des T'ang, ni de l'Inde, ni du bouddhisme. En cela il a raison, et il écrit son livre comme parlerait un guide de voyage compétent qui apprendrait à des touristes comment voir des paysages, des oeuvres d'art et des idées, car ils ne savent pas les déchiffrer eux-mêmes. Le regard s'éduque, et le regard de l'ignorant ne voit rien.

Enfin, René Grousset est de la vieille école, de la culture telle qu'elle était avant que ne tombe la nuit progressiste. Il sait évoquer admirablement l'épopée guerrière des débuts de la dynastie T'ang, il sait faire voir sa grandeur, comme il sait faire sentir la beauté plastique de l'art des cités indo-européennes de l'Asie Centrale, celui de l'Inde gangétique, ou du sud. Il parvient même à résumer la difficile métaphysique bouddhique du Grand Véhicule. Il ne se donne pas la peine de rappeler que la guerre, c'est mal, que les Indo-européens, ça n'existe pas, et que la religion est l'opium du peuple, sauf l'islam qui prêche la tolérance. C'est un vrai plaisir littéraire de lire un auteur qui ne nous prend pas pour des imbéciles et ne colporte pas des évidences vertueuses. René Grousset est le témoin d'une autre époque, comme en témoigne sa fiche Wikipédia, rédigée par deux flics historiens du Parti du Bien, indignés, forcément indignés.

C'est donc à un double voyage dans le passé que nous sommes conviés : dans notre culture européenne aujourd'hui éliminée, et dans l'Asie Centrale et l'Inde avant la conquête musulmane.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
[Art gréco-bouddhique]
... On se croirait en présence d'oeuvres gothiques. Telle tête d'ascète, barbue et grave, évoquerait presque notre Beau Dieu d'Amiens ; des têtes de "barbares" assez analogues nous rappelleraient les saints du portail sud-ouest de Reims. Telles têtes de l'armée de Mâra, traitées en grotesques, s'apparentent non plus à l'art grec, mais aux démons caricaturaux, tortionnaires de nos Enfers, têtes décoratives et gargouilles du XIII°s...
C'est là une révélation. A l'heure où on le croyait (comme l'art romain de la même époque) à peu près épuisé et réduit à des poncifs, l'art gréco-bouddhique était en train de se renouveler entièrement. Ou plutôt dans ces cantons abrités de l'Afghanistan que l'esprit humain avait élus pour y réaliser ce miracle, les écoles hellénistiques du Gandhâra venaient de céder le pas à un art sorti de leurs ateliers mais tout différent. Art aussi distinct de ses premiers modèles que notre art roman et gothique devait l'être un jour du gréco-romain d'Occident ...
Si les conditions religieuses et politiques qui lui avaient donné naissance - le bouddhisme, et une relative indépendance, ou tout au moins la présence de maîtres libéraux et tolérants - se fussent maintenues, si ces antiques provinces gréco-bouddhiques de Kapiça, de Lampaka et de Gandhâra n'étaient pas devenues terre d'Islâm, on peut imaginer que la courbe de l'évolution artistique eût continué. C'eût été peut-être là que l'esprit humain, après avoir comme ébauché le passage du gréco-romain au gothique, eût mûri et réalisé neuf siècles avant nous cette dernière formule.
Mais nous représentons-nous les Huns et les Arabes s'abattant sur la Gaule à l'aube de Reims et de Chartres, à l'heure où le génie de nos imagiers prenait son essor ? ... C'est ce qui arriva à l'art gothisant du Kampiça et du Lampaka : à partir de 475 la vallée du Kâbul est envahie par les Huns Hephtalites, les plus iconoclastes des barbares ; puis, après le répit qui s'étend du milieu du VI°s au milieu du VII°s, les Arabes arriveront. Dès 652 et 664 leurs bandes razzieront le pays, et leur pieux vandalisme ne le cèdera en rien au vandalisme sauvage des Huns. Un rayon de génie humain s'éteindra à peine apparu ...

pp. 118-120
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VII°s. C'était en effet l'époque mémorable entre toutes où, sous l'influence des missionnaires chinois, le Japon entrait résolument dans la voie du bouddhisme, et, par le bouddhisme, dans la société des vieilles civilisations. Ce fut avant tout l'heure de deux politiques de génie qui se révélèrent aussi comme deux grands esprits, le régent Shotoku Taishi et le prince Nakanoé, qui gouvernèrent le Japon, le premier de 591 à 621, le second de 645 à 671. La base du Japon historique fut la Constitution de 604 dont le second article disait : " Les trois Joyaux (le Bouddha, la Loi, la Communauté) sont le suprême refuge de tous les êtres et la fin dernière de toutes les existences ... Il y a peu d'hommes foncièrement vicieux. Chacun est capable de réaliser la vérité si elle lui est enseignée." Appliquant le premier ces maximes, Shotoku Taishi éleva sur les bords de la Mer Intérieure des collèges monastiques où on apprenait les Ecritures sino-sanscrites, et des hôpitaux pour les vieillards et les malades.
Le temple de Horuyji, fondé par Shotoku Taishi à Nara en 667, reste le témoin vénérable de cette transformation. Tandis que tout a changé en Asie, que l'Inde a oublié jusqu'au nom du Bouddha et que la Chine elle-même ne se souvient guère de l'immense effort intellectuel de l'époque T'ang, c'est là qu'est conservée encore dans toute sa pureté la doctrine de l'idéalisme mystique, telle que Hiuan-tsang et Yi-tsing étaient allés l'étudier dans l'Inde voici treize cents ans.
p. 311
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Surtout Harsha est dans l'Inde le dernier des grands souverains bouddhistes. Malgré la prospérité matérielle et la floraison intellectuelle dont témoigne le récit de Hiuan-tsang, il est indéniable que le bouddhisme déclinait lentement aux Indes devant une reprise brahmanique, pacifique encore mais continue. Les empereurs bengalis de la dynastie gupta qui avaient gouverné l'Inde presque entière pendant les IV° et V°s étaient déjà plutôt hindouistes ; malgré leur tolérance ou même leurs sympathies envers le bouddhisme, la plupart d'entre eux se rattachaient de préférence aux sectes vishnuites. Ce n'étaient encore là que des tendances personnelles que neutralisaient encore le syncrétisme et la religiosité éclectique du temps. Mais l'heure des persécutions brutales allait commencer.
(...)
Certes Harsha, pas plus qu'aucun prince indien de son temps, ne rompit jamais avec les sectes hindouistes. Hiuan-tsang nous le montre comblant les brahmanes de cadeaux et dans ses oeuvres il se proclame lui-même adorateur de Shiva ; son confident et son ami, le romancier Bâna, était d'ailleurs de caste brahmanique et de foi hindouiste. Mais les sentiments personnels du monarque allaient nettement au bouddhisme, et dans le bouddhisme, au Mahâyâna... C'est dire combien il devait s'entendre avec [Hiuan-tsang]. De fait, pendant les quelques semaines qu'ils allaient passer ensemble, une étroite amitié devait s'établir entre le mahârâja indien et le pèlerin chinois.

pp. 227-229
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[Retour en Chine]
Le Maître de la Loi fut admis à présenter ses hommages à l'empereur. Cette réception eut lieu au palais du Phénix, à Lo-yang - aujourd'hui Ho-nan-fou - la seconde capitale impériale où résidait pour lors la Cour.
T'ai-tsong demanda à Hiuan-tsang pourquoi il était jadis sorti de Chine sans l'avoir averti - euphémisme pour désigner la défense transgressée. C'était la question délicate. Hiuan-tsang s'en tira en bon lettré chinois,en faisant valoir qu'il avait adressé plusieurs placets à la cour, mais qu'à cause de l'obscurité de son nom on avait négligé de les soumettre au Fils du Ciel. Avec sa franchise habituelle aussi, il ajouta qu'il n'avait pas pu contenir l'élan de son zèle passionné pour le bouddhisme.
Cette sincérité plut à l'homme supérieur qu'était T'ai-tsong. Loin de lui adresser des reproches, l'empereur le félicita d'avoir exposé sa vie pour le salut et le bonheur de tous les hommes, "et il lui témoigna son étonnement de ce qui, malgré les obstacles que lui opposaient les montagnes et les rivières, la distance des lieux et la différence des moeurs, il ait pu parvenir heureusement au but de son voyage".
De fait la randonnée accomplie par le pèlerin ne pouvait qu'exciter l'intérêt du conquérant chinois. Elle pouvait être d'une singulière utilité - utilité d'information et de précédent - pour les visées du protectorat chinois sur les confins indo-iraniens.

p. 267-268
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[Le pèlerin Hiuan-tsang dans le Dekkan]
En même temps, les Pallava sont une des dynasties qui ont le mieux travaillé pour la culture indienne. De bonne heure, ils avaient créé une architecture à eux, d'où devaient dériver tous les styles du Sud, et, lors du passage de Hiuan- tsang, Mâvalipuram, leur métropole, commençait à se peupler des oeuvres admirables qui en ont fait une des capitales de l'art indien. On connaît par les beaux travaux de M. Victor Goloubev cet ensemble peut-être unique dans l'Inde : temples monolithes qui couvrent toute la plage, en rappel de leurs répliques chames et indonésiennes, rochers sculptés en forme de statues animales, d'un naturalisme merveilleusement large et puissant, falaises entières ouvrées en fresque de pierre, en immenses tableaux d'une ordonnance, d'un mouvement, d'une vigueur lyrique jusque-là sans exemple aux Indes.

p. 202
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