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Critique de Presence


Ce tome est le treizième dans la collection Epic Collection consacrée à Captain America, dont les tomes ne sortent pas forcément par ordre numérique. Il fait suite à Society of serpents, le tome 12 de cette collection, qui contient les épisodes 302 à 317, et Marvel Fanfare 18. Celui-ci contient les épisodes 318 à 332 et annuel 8 de la série Captain America, 278 d'Amazing Spider-Man, 29, 31 et 32 de Marvel Fanfare et quelques pages extraites d'autres comics où apparait The Scourge. Ces épisodes sont initialement parus en 1986/1987. La série Captain America est écrite par Mak Gruenwald, et majoritairement dessinée par Paul Neary (épisodes 318 à 329 et 331). L'encrage est réalisé par Dennis Janke (épisodes 318, 320), Joe Sinnott (épisode 319), John Beatty (épisodes 321, 322, 323, 325, 326, 327), Vince Coletta (épisodes 324, 328, 329, 331). Les épisodes 330 et 332 sont dessinés par Tom Morgan, encré par Sam DeLarosa, puis par Bob McLeod.
L'épisode d'Amazing Spider-Man est écrit par Tom de Falco, Peter David et Jo Duffy, avec des dessins de Mike Harris. le numéro annuel 8 est dessiné par Mike Zeck et encré par John Beatty. le numéro 29 de Marvel Fanfare est écrit, dessiné et encré par John Byrne. Les numéros 31 & 32 de Marvel Fanfare sont coécrits par John-Marc DeMatteis et Kerry Gammil, dessinés par ce dernier et encrés par Dennis Janke.

Le tome s'ouvre avec 18 pages extraites de 9 comics différents dans lesquels un individu masqué appelé Scourge abat froidement à bout portant plusieurs supercriminels : Enforcer, Miracle Man, un constructe, Megattak, Melter, Titania, Basilisk, Human Fly. Dans Marvel Fanfare, Scourge abat Hammer, sous les yeux de Hulk. Captain America 318 à 320 - The Scourge abat encore plusieurs ennemis de Captain America, puis réalise un carnage dans le bar sans nom, un débit de boisson pour supercriminels. Annual 8 - Captain America et Wolverine se battent contre un robot en adamantium. Épisodes 321 & 322 - Captain America délivrent des otages détenus par Flag Smasher et son organisation ULTIMATUM. Il est obligé de tuer un des criminels avec une arme à feu. Épisode 323 - Captain America se bat contre Super Patriot, un individu qui estime que Captain America est devenu obsolète en tant que symbole des États-Unis. Épisodes 324 & 325 - Captain America fait équipe avec Nomad (Jack Monroe) contre un caïd de la côte Ouest se faisant appeler The Slug.

Épisode 326 - Captain America se retrouve face au fantôme de Red Skull, dans son manoir. Marvel Fanfare 31 & 32 - Captain America enquête sur un gourou indien fraîchement débarqué à New York, et prônant un amour fraternel trop beau pour être vrai. Épisodes 327 à 332 - Captain America se retrouve à nouveau face à Super Patriot (John Walker), ce qui l'incite à enquêter sur la source des superpouvoirs de ce patriote. Il commence par se rendre au siège de l'UCWF (Unlimited Class Wrestling Federation) où il reçoit l'aide de Dennis Dunphy qui décide de l'accompagner sous l'identité masquée de D-Man. La piste les mène à chercher le siège de Power Broker, l'individu à la tête de l'organisation proposant un traitement permettant d'acquérir une force surhumaine aux catcheurs qui participent aux tournois de l'UCWF.

Le tome précédent de cette collection marquait le début des épisodes réalisés par Mark Gruenwald (1953-1996) qui a été le scénariste de la série Captain America du numéro 307 à 443 (à l'exception du 423), soit pendant 10 ans de 1985 à 1995, ainsi qu'un responsable éditorial de premier plan pour Marvel. le lecteur retrouve les caractéristiques de sa narration : des histoires linéaires et encore assez simples, une narration directe, un peu alourdie par des bulles de pensées et des phylactères dans lesquels les personnages expliquent et commentent leurs actions, ainsi qu'un usage des cellules de texte encore très basique. Il s'agit donc d'une forme narrative portant les marques de son époque, des comics abordant des thèmes un peu plus matures, mais dans une forme encore fortement enfantine, destinée à un public de jeunes adolescents.

La narration visuelle relève de la même approche : descriptive avec une dramatisation pendant les combats. Au premier regard, les dessins de Paul Neary sont agréables à l'oeil, avec une petite tendance à arrondir les formes qui fait immédiatement penser aux pages de John Byrne, mais avec des postures plus classiques et moins dynamiques. Il est d'ailleurs possible d'effectuer la comparaison directe, avec la lecture du numéro 29 de Marvel Fanfare présent dans ce tome. Neary réalise des décors qui peuvent être assez détaillés dans leur représentation, mais qui évoquent une réalité édulcorée, simplifiée pour être plus facilement assimilable. Il ne faut pas escompter à des environnements pensés à l'échelle du déplacement d'un personnage sur plusieurs pages. À chaque fois, il s'agit d'un lieu stéréotypé : bâtiment industriel désaffecté, autoroute au milieu de nulle part, base secrète enneigée, base secrète souterraine, rassemblement politique sur une grande pelouse, etc. le lecteur voit bien que le dessinateur reprend les clichés en vogue pour chacun de ces endroits, sans s'inquiéter que leur globalité fasse sens. Par exemple, les bases souterraines disposent d'une hauteur sous plafond gigantesque, indépendamment de la logique de construction, ou même d'utilisation. À un autre moment, Captain America se retrouve enfermé dans une chaufferie qui a les dimensions d'une cathédrale, sans raison aucune pour de telles dimensions. Dans l'épisode 323, Captain America et Super Patriot s'affrontent dans un parking à ciel ouvert se projetant l'un l'autre contre les véhicules garés, en défonçant de nombreux, sans que cela n'inquiète personne, sans qu'une voiture endommagée dans une case n'apparaisse dans la case suivante. L'artiste a également du mal à donner un volume cohérent au van quand lequel se déplace Steve Rogers, assez étroit à l'extérieur, mais capable de contenir sa moto et une couchette à l'intérieur.

Dans ces épisodes, la présentation de qui a fait quoi indique que Paul Neary a réalisé des esquisses, plutôt que des dessins minutieux. En conséquence de quoi, chaque encreur réalise un apport significatif. le lecteur reconnaît tout de suite la manière dont Vince Coletta appose sa patte, avec des traits un peu secs, contrariant les quelques rondeurs voulues par le dessinateur. Il reconnaît également l'encrage plus gras et plus doux de Joe Sinnott. L'encrage de Dennis Janke est un peu plus sec, apportant une légère dureté. L'encrage de John Beatty est plus respectueux des traits de Paul Neary, par contre cet encreur manque cruellement de finesse pour les visages. Chaque encreur prend soin d'étoffer les décors, de manière à ce qu'il n'y ait pas de page ne comportant que des cases dépourvues de décors. Tom Morgan réalise des dessins descriptifs dans un même registre, mais avec des cases plus tassées, moins agréables à la lecture. En lisant le numéro annuel 8, le lecteur constate également que les postures des personnages par Neary sont assez appliquées et un peu figées, par rapport à celle plus énergétique de Mike Zeck.

Avec ce tome, le lecteur plonge dans un an de continuité de Captain America, dans des histoires datées, et une narration accusant le poids de son âge. Il se rend compte que John Byrne ne s'est pas foulé pour son numéro de Marvel Fanfare avec uniquement des dessins en pleine page, et une histoire qui tient sur un timbre-poste. L'histoire de John Marc DeMatteis et Kerry Gammill est très convenue en termes d'affrontement, et ne vaut que pour le second degré quand on sait que DeMatteis suivit lui-même les enseignements d'un gourou Meher Baba. L'épisode d'Amazing Spider-Man n'a d'intérêt que pour l'apparition de Sourge, et encore il rate son assassinat. le numéro annuel avec Wolverine fait plaisir à voir pour le retour de Mike Zeck pendant 38 pages, mais il s'agit d'une histoire sans incidence sur les numéros mensuels.

Mark Gruenwald continue de prendre en main le personnage de Captain America et s'en sert comme support de réflexion sur les valeurs de l'héroïsme et des États-Unis. En surface le lecteur découvre des épisodes aux textes copieux qui se lisent en près de 2 fois plus de temps qu'un épisode de même pagination du vingt-et-unième siècle. Il rencontre des personnages pas toujours très étoffés. Il assiste à des combats qui se limitent souvent à des échanges de coups, à l'issue desquels Captain America reprend le dessus par la force de sa volonté, ou par son expérience au combat. Les histoires se terminent souvent en 1 ou 2 épisodes. Pourtant le charme de ces épisodes opère encore, pour peu qu'on ne soit pas allergique aux caractéristiques de la narration datée. Pour commencer, le scénariste envoie son personnage se balader dans les États-Unis, d'un état à un autre, et pas forcément dans des grands centres urbains. Captain America a mis en place un réseau de correspondants qui lui signalent par radio des événements pouvant justifier son intervention.

Ensuite, les histoires conservent une dimension humaine. Captain America se bat contre des preneurs d'otages, des supercriminels avec un niveau assez faible de superpouvoirs, des catcheurs, un caïd atteint d'obésité morbide, d'autres supersoldats plus ou moins finis. Gruenwald a trouvé comment maintenir l'identité secrète de Captain America, le faire travailler (il est dessinateur de comics) tout en lui accordant une grande liberté de manoeuvre. Dans ses épisodes, il réconcilie les 2 facettes du personnage Steve Rogers / Captain America, montrant qu'il s'agit du même homme avec ou sans masque, sans risque de schizophrénie. En outre, sous ses 2 identités, Steve Rogers interagit avec des êtres humains civils et banals : un adolescent qui participe à son réseau radio, sa mère (qui lui sert une dinde aux dimensions peu naturelles), les catcheurs en train de s'entraîner, des officiers de police, une serveuse d'un diner, son responsable éditorial (dans une mise en abîme assez pataude, épisode 325), des hommes de main, des étudiants, etc.

La première aventure avec Scourge peut sembler sortir de nulle part. Il s'agissait pour les responsables éditoriaux de Marvel de se débarrasser de supercriminels de seconde zone, sans personnalité, sans avenir. Cela permettait aussi de libérer leur costume et leur nom pour d'autres pouvant leur succéder. C'est l'un des éléments narratifs qui étonnent dans ces épisodes : les ennemis ont un semblant d'histoire et ne sont pas interchangeables. Gruenwald se tient à cette approche pendant 2 tiers du volume, avant de revenir à des ennemis génériques dans le dernier tiers. L'histoire de Scourge est également l'occasion de confronter Captain America à une justice plus expéditive, et de réaffirmer ses valeurs. L'histoire suivante avec les preneurs d'otages l'obligent à abattre l'un d'eux pour sauver des innocents. À l'époque, il s'agit d'une ligne que les héros ne franchissent qu'exceptionnellement et Captain America va se voir conspué par une partie de la population qui ne lui pardonne pas son geste. C'est une question qu'il va devoir se reposer quand Nomad lui suggère de tuer The Slug pour éviter qu'il ne poursuive sa carrière criminelle.

La deuxième histoire s'étalant sur plusieurs épisodes concerne Power Broker, et cette possibilité d'augmentation de la force physique. Captain America est persuadé que Super Patriot n'est pas sincère dans sa démarche, mais dans le même temps il se rend bien compte que sa propre force augmentée au pinacle des capacités humaines ne fait plus vraiment le poids face aux individus disposant d'une super-force. Il se retrouve pris dans un conflit d'intérêt où il pourrait lui aussi acquérir une super-force sans se compromettre moralement, et il doit faire un choix. Il se retrouve aussi à s'opposer à des individus qui proclament comme lui incarner l'idéal américain, les valeurs américaines, un patriotisme de bon aloi. Si la forme peut prêter à sourire, le fond est honnête et reste d'actualité, encore dans les États-Unis de Donald Trump. Mark Gruenwald décrit Steve Rogers comme un individu disposant d'un compas moral sûr, et capable de se remettre en question. Il n'est pas animé par une foi inébranlable en sa rectitude morale, et il doute d'autant plus que même lui a tué un homme, avec une arme à feu. le scénariste confronte son personnage à des situations à taille humaine pour s'interroger sur le comportement juste et humain. Il utilise certes des ficelles un peu grosses, mais il ne manque d'une forme d'humour sous-jacent en mettant en scène des inspecteurs des impôts qui jouent un rôle déterminant dans la chute de Steve Rogers.

Cette tranche d'un an des aventures de Captain America ramène le lecteur dans des procédés narratifs datés et un peu lourds, mais aussi à une époque où Captain America représentait les valeurs de l'Amérique et se mêlait au peuple, aux individus qu'il représente et qu'il défend. Il ne faut pas faire beaucoup d'efforts pour se laisser emporter dans ces récits simples, mais dépassant le combat basique contre le supercriminel du mois. La narration appuyée incite le lecteur à se demander quel est le bon choix à faire d'un point de vue moral, et quelles valeurs il convient de défendre.
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