![]() |
L'auteur a été inspiré pour écrire ce livre d'un événement réel : la mort tragique du journaliste Gabriel Grüner le 13 juin 1999 au Kosovo, où il se trouvait pour rendre compte de la guerre en cours. le roman de Norbert Gstrein a donné lieu à une forte polémique en Allemagne, au point qu'il a écrit en réponse à un certain nombre d'attaques l'ouvrage intitulé « A qui appartient une histoire » pour expliquer sa démarche et sa conception de la littérature. Car le roman de Norbert Gstrein est avant tout de la littérature, et de la grande littérature. Au-delà d'un événement, de faits précis, et même s'il connaissait Daniel Grüner, le livre interroge sur la guerre, sur la façon d'en rendre compte, sur la responsabilité de chacun, et avant tout de ceux qui écrivent, qui donnent à voir aux autres, qui créent des mythes, des stéréotypes, des représentations à partir desquelles les autres vont se bâtir leur vision des choses, qui les fera juger et agir. Un narrateur anonyme, journaliste second couteau, rencontre un nouveau venu au journal où il travaille, un collaborateur occasionnel, encore moins bien situé dans la hiérarchie professionnelle, Paul. Rapidement, ce dernier se met en quelque sorte à phagocyter le narrateur, à lui raconter le roman qu'il compte écrire. Très vite, Paul décide de consacrer son livre en gestation à Allmayer, un célèbre journaliste de guerre, qui vient d'être tué au Kosovo : il dit avoir été très proche de ce dernier, et essaie de rencontrer un maximum de gens qui peuvent lui en dire plus sur sa mort. Il fait également des voyages dans les pays de l'ex-Yougoslavie, facilités par le fait que son amie, Helena, est d'origine croate. L'enquête prend un tour obsessionnel, entre identification et réécriture de la réalité, Paul accumule les notes, harcèle les gens dont il pense qu'ils détiennent un bout de vérité, et fait jouer à ses proches, dont Helena des rôles de plus en plus dangereux et malsains. le narrateur, sous une sorte d'emprise pendant un moment, commence à essayer de prendre de la distance, d'autant plus qu'il tombe de plus en plus amoureux d'Helena. Loin de tout sensationnel, le livre plus qu'une enquête, est une réflexion sur la distance inévitable entre la réalité et ce qu'on peut en savoir, sur la fragilité de nos certitudes, sur le questionnement de la distance qui sépare ceux qui commettent des actes terribles, ceux qui les observent, en vivent, ceux qui s'en repaissent, se les représentent. Un livre dense, qui évoque des aspects les plus terribles de la nature humaine, avec intelligence et sensibilité, en refusant les jugements sommaires et les certitudes rassurantes mais illusoires. Tout cela dans une belle écriture, non dépourvue d'une forme de poésie. + Lire la suite |