Ce serait bien de pouvoir dire, comme le philosophe allemand Hegel, à qui l’on objectait que ses théories ne correspondaient pas à la réalité : « La pauvre, c’est bien elle qui est à plaindre ! »
Les poètes peuvent écrire des choses comme ça.
Les philosophes peuvent dire des choses comme ça.
Mais nous, qui avons été mis à l’asile, internés dans des institutions, nous ne savons quoi dire quand nos idées ne correspondent pas à la réalité, car dans notre univers, ce sont les autres qui ont raison et qui savent faire la différence entre le vrai et le faux.
J’impute l’intérêt pour la généalogie à l’absence d’arbres en Islande. Du fait de la rareté de la végétation, les gens s’adossent aux arbres généalogiques et se trouvent des forêts d’ancêtres...
Dans le journal, il y avait un article sur deux pages qui parlait de l’ivrognerie des jeunes. Cela ne m’intéressait pas outre mesure, mais la photo qui accompagnait l’article retint mon attention. […]
Au bas de la photo, il y avait cette légende : Ce jeune homme voulait exposer ses tableaux au commissariat.
Je reconnus aussitôt l’imper et le pantalon, mes cheveux et le bas de mon visage au-dessous de la barre noire, mais je ne me rappelais pas avoir été arrêté, et encore moins avoir fait la moindre déclaration au sujet d’une exposition de peinture au commissariat.
Et puis, Dieu est arrivé.
Il m’a dit que j’étais le dernier homme sur la terre, qu’il fallait que je commence à construire et à transformer ma chambre en arche.
La tendance est de faire en sorte que l’hôpital psychiatrique ressemble autant que possible à un foyer, peut-être parce que les foyers ressemblent comme deux gouttes d’eau à des maisons de fous […].
Non, chère belle-sœur, […] je ne mens jamais. Je ne fais tout juste qu’enjoliver.
Quand les montagnes enlèvent leur blouse blanche, c’est l’heure de la visite des oiseaux. Le docteur prend les ténèbres et les verse dans une tasse, puis il disparaît dans la nuit d’hiver de son bureau.
Du temps d’avant les médicaments, certains services n’étaient que de grandes salles où les malades circulaient tout nus. On n’avait pas le droit d’accrocher des tableaux aux murs, ni d’avoir des fleurs sur les appuis des fenêtres, car on pensait que les malades mangeraient les fleurs et se tabasseraient avec les tableaux.
On voyait les internés nus aux fenêtres. Ils se tenaient aux barreaux et tiraient la langue. Derrière eux, il y avait des murs nus et des sols brunâtres, à peu près de la couleur des excréments qu’ils excrétaient.
Ces gens-là ne sortaient jamais à l’air libre, non plus qu’ils ne se lavaient, se peignaient ou se brossaient les dents. Les savonnettes étaient rares et les brosses à dents n’existaient pas. Lorsqu’on prêta attention à ces conditions déplorables et au fait que ce type d’enfermement et d’isolement était injustifiable, on rappela, entre autres, qu’il existait des règlements obligeant les fermiers à faire prendre l’air à leurs bêtes.
Les malades avaient-ils moins de droits que le bétail ? Valait-il mieux pour eux qu’on n’en entende plus jamais parler ?
La mort ! Tu parles de la mort ! D'enterrement ! D'amitié ! Tout cela n'est que de la connerie magnifiée par la rubrique nécrologique du journal et gonflée par le baratin funèbre des prêtres à la Noël. La mort ! Notre mort fait faire des économies à la santé publique. Si tu veux rendre service aux contribuables, va te faire pendre.
Dans ma situation, nul ne devrait caresser le rêve d’arriver plus haut dans la société qu’à l’étage supérieur de l’un des immeubles réservés aux handicapés.