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EAN : 9781612272856
288 pages
Riviere blanche (30/11/-1)
4/5   1 notes
Résumé :
Les courts récits de cet ouvrage sont autobiographiques. Du vécu pur jus, comme on dit. Des souvenirs rédigés au fil de la plume, mais pas n'importe lesquels : les événements en apparence anodins qui, lorsqu'ils ont eu lieu, m'ont tellement fait honte que j'en rougis encore. Mes « grands moments de solitude », ce sont ces instants d'humiliation, de désarroi glacé, de ridicule-qui-tue que nous connaissons tous un jour ou l'autre, et dont notre égo garde les cicatrice... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique

De gros moments de solitude, j'en ai vécu quelques-uns dans ma vie.
Je ne les énumérerai pas tous mais je peux toujours vous en raconter deux.
1 / Un jour, une collègue avec laquelle je m'entendais bien m'envoie un e-mail professionnel avec plusieurs fautes d'orthographe. Je n'y comprends pas grand chose, mais je lui réponds illico très familièrement en lui demandant ce qui lui prend de m'envoyer ce genre d'informations, soulignant au passage d'un ton moqueur ses erreurs de français. Et je clique sur "envoi".
Aussitôt fait, je me rend compte de ma grosse boulette. Cette collègue avait les mêmes initiales que mon chef de service, AV, qui était en réalité le véritable expéditeur. Mon cerveau a fait un étrange raccourci que je ne m'explique toujours pas. Je fonce donc dans le bureau de la hiérarchie et avertit le receveur de ma méprise, rouge de honte, le suppliant de ne pas ouvrir ce message envoyé par erreur et de le supprimer. Mais il l'a ouvert quand même, l'a lu alors que j'attendais à ses côtés plus gêné que jamais. Et ne m'en a heureusement jamais tenu rigueur.
2 / Je devais avoir une trentaine d'années et je me promenais dans les couloirs de l'ENI ( école nationale des impôts ) pendant ma formation de contrôleur quand quelqu'un de mon groupe me fait remarquer :
- Euh, je crois que tu as un slip qui dépasse de ton jean.
Et effectivement, en baissant mon regard, je constate que le sous-vêtement de la veille pendouille de ma jambe droite, coincé entre la chaussure et le pantalon. L'explication est simple : Après les ablutions matinales je m'étais changé, remettant mon jean qui contenait encore sans que je n'y prête attention le slip de la veille, et qui a du se frayer un chemin le long de ma jambe tout au long de la journée. J'avais l'impression que tout le monde m'avait vu ainsi, sans oser me le dire, ou en plaisantant à mon insu. J'ai essayé de jouer à celui que ça ne troublait pas plus que ça, m'emparant du vêtement et le glissant dans une poche ni vu ni connu. Mais intérieurement, je me sentais vraiment très seul. Il n'y a qu'à moi que ça pouvait arriver ...
"Rire de soi, n'est-ce pas le meilleur antidote aux mille et une vacheries de l'existence ?"
Et vous, avez-vous de grands moments de solitude à partager également ?

Gudule en a quant à elle à proposer à la pelle. Ce recueil ne comporte pas moins de 216 courts textes autobiographiques, que Gudule publiait régulièrement sur son blog, et qui ont par ailleurs continué à être diffusés même après son décès. Et ces grands moments de solitude, de maladresses, de honte, de quiproquos sont si nombreux qu'après ce premier volume un second devrait voir le jour.
Par exemple, lorsque Gudule a passé une nuit dans une maison qu'elle ne connaissait pas et lors de laquelle elle a été prise d'une envie nocturne d'uriner, elle n'a pas retrouvé où étaient les toilettes. N'y tenant plus, elle s'est servi d'un cache-pot pour se soulager. Mais dans l'obscurité, elle ne s'est pas rendue compte que celui-ci était percé de multiples petits trous.
Une fois, elle s'est retrouvée avec une vache dans sa cuisine. Les ruminants du pré voisin étaient plusieurs à avoir défoncé la clôture qui les séparait de son jardin, et à y avoir pénétré, broutant allègrement son gazon.
A sept ans, elle s'est confessé au curé, et lui a avoué avoir manqué de chasteté sans avoir la moindre idée de ce que ce mot signifiait.

Ce cumul d'anecdotes, s'il suit parfois un ordre précis, passe surtout constamment du coq à l'âne, d'une époque à l'autre, d'une thématique familiale à une autre professionnelle, éditoriale, amicale, géographique ou professionnelle. Et pourtant, cumulées, elles laissent entrevoir un portrait assez précis de la biographie de Gudule, qu'on arrive à retracer comme on construit un puzzle.

Profondément anticléricale, Gudule en profite ici pour régler ses comptes avec sa mère, d'un puritanisme exacerbé. Or, la charité chrétienne ne semblait pas toujours faire partie de la panoplie maternelle.
"Tout ce qui se situait en-dessous de la ceinture était tabou, péché, et voué d'office aux feux de l'Enfer."
Elle redoublera plusieurs fois au collège, puisque la seule matière qui l'intéressera sera le français. Elle éprouvera l'envie d'écrire dès la sixième.
Âgée de dix-sept ans, elle tombera enceinte d'un relieur de trente ans son aîné, qui n'assumera pas cette paternité.
"Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si Dame Nature, inopinément, ne s'avisait de bénir mon ventre."
Peu de temps plus tard, elle se rendra au Liban, où vit son frère.
"Une jeune fille de dix-neuf ans, nantie d'un lardon illégitime, débarque de sa Belgique natale pour tenter de se refaire une vie, loin des préjugés et des malveillances."
Là-bas, elle y rencontrera Alex ( en réalité Paul Carali ), qui adoptera légalement Frédéric, et de cette union qui durera dix-sept ans, le couple aura deux autres enfants.
De retour en France, leur situation financière sera particulièrement compliquée. Ils travailleront ( l'un, l'autre, ou les deux ) dans la presse de charme, pour Pif poche, pour des revues comme Hara-Kiri, Fluide glacial, Psikopat, Charlie Hebdo ou encore l'écho des savanes.
Gudule a également été animatrice de radio en 1983, et c'est là qu'elle rencontrera Sylvain qui sera son compagnon durant vingt-huit ans.
Ils quitteront par la suite la région parisienne pour emménager à Puycelsi, charmant petit village du Tarn.

De nombreuses histoires concernent ses amis à quatre pattes. le chien Freddy, un pinscher défiguré atteint de priapisme, ou Phiphi souvent confronté lors de ses promenades à un molosse du nom de Brigand.
Les chats ne sont pas en reste : Lisette et bien sûr Gudule, une chartreuse à laquelle Anne Duguël empruntera son futur nom de plume.

Mais les petites histoires qui m'ont le plus intéressé sont incontestablement celles qui parlent de sa carrière littéraire, et de ses critiques du milieu éditorial.
Saviez-vous par exemple qu'après une vingtaine de novellisations de la série "L'instit'" en bibliothèque verte, elle a refusé de travailler pour un certain Luc Besson, préférant s'attaquer cette fois à son propre imaginaire ? Elle se mordra pourtant les doigts par la suite de ne pas avoir écrit Arthur et les minimoys ...
Son manuscrit de la bibliothécaire a d'abord été refusé par les éditions pocket jeunesse, mais accepté ensuite par Hachette.
"La bibliothécaire a aujourd'hui largement dépassé le million d'exemplaires, et est traduit dans une dizaine de langues."
C'est l'éditeur cette fois qui a du vivre un moment de solitude...
Elle a reçu le prix de la société des gens de lettres pour J'irai dormir au fonds du puits.
"C'aurait été le Goncourt, l'Interallié ou le Femina, j'aurais pas été plus contente."
Autre prix, le fantastic'arts de Gérardmer pour le chien qui rit. Qu'elle a récupéré dans un restaurant chic vêtue de boots ridicules et démodées.
Elle avoue que ses premiers romans jeunesse étaient couverts de gros mots, évoque un de ses manuscrits retouché par l'éditeur sans son consentement, qui a ainsi profondément changé ( et ridiculisé ) le contenu.
J'ai appris que son chef d'oeuvre, Mon âme est une porcherie, a failli paraître sous le pseudonyme de Julie Rivière, récemment ( et faussement ) suicidée. Mais la manoeuvre éditoriale n'aura jamais lieu, les éditions Florent Massot ayant fait faillite.
L'héroïne de la petite fille aux araignées est inspirée de sa tante Bernadette.
Sont également relatés des déboires de publication ( Dans la bulle de l'ange a bien failli ne jamais voir le jour ). Ou tous les soucis tournant autour de ses deux principaux pseudonymes : normalement Gudule pour les enfants, Anne Duguël pour les adultes, mais ça n'aura jamais été aussi simple ...

Elle nous raconte également ses piètres performances d'actrice, puisqu'elle a joué une nonne dans le film de Jean Rollin : Les orphelines vampires.
Elle a aussi failli écrire pour la télévision à la fin des années 90, avec une héroïne infirmière. Mais l'un des personnages de son scénario était trisomique, ce que l'équipe de production n'a pas pu cautionner à une heure de grande écoute. Un black ferait davantage l'affaire.

C'est ce qui m'a parfois choqué d'ailleurs dans ces anecdotes : N'est-ce pas en partie le rôle des médias, éditeurs ou producteurs, de lutter contre les différentes formes de discriminations ? Gudule s'y est particulièrement employé, notamment vis à vis de la jeunesse, et pourtant si un de ses personnages était transsexuel, le manuscrit était refusé : trop provocateur. Parler de la découverte du sexe par des adolescents ( L'amour en chaussettes ), des premiers émois amoureux, des sensations, des émotions lui a valu de voir son roman retiré de la sélection du grand prix de la ville de Rennes par un jury scandalisé. Même sa famille avait parfois des idées bien arrêtées, il n'y a pourtant pas si longtemps. Une de ses tantes par exemple était horrifiée par son nouveau voisin, homosexuel.
"Quelle honte, conclut-elle. Un détraqué pareil, à quelques mètres de l'église."

Toutes ces petites anecdotes n'ont pas le même intérêt. Mais la majorité fait sourire, fait parfois grincer des dents, et nous rappelle parfois nos propres souvenirs enfouis.
Comme ça avait déjà été le cas avec le bel été, j'ai découvert bien d'autres facettes de cette auteure que je chéris tant. Les écrivains sont des gens comme vous et moi, avec leurs galères et leurs joies.
Peut-être que ce recueil intéressera davantage les personnes déjà familières de la longue bibliographie de la romancière, qui y reconnaîtront tous les clins d'oeil et qui apprécieront d'autant plus de découvrir cet autre côté plus personnel, ces nombreux déboires dont elle a su plaisanter avec recul. Sans oublier de nombreuses mises au point avec les personnes qui l'ont blessé un jour ou l'autre.

J'aime particulièrement Gudule. Elle m'a profondément marqué avec un grand nombre de ses livres et, pour une raison que je ne m'explique pas vraiment, j'ai d'autant plus l'impression qu'elle est comme une amie que je la connais désormais davantage, avec ses forces et ses failles. Ses horribles romans cachaient une personne sensible ... et parfois vraiment très maladroite.

Disparue depuis bientôt trois ans, l'avoir retrouvée provisoirement me procure de nouveau une sensation de vide qu'aucun autre écrivain ne pourra combler.

Gudule, tu me manques.

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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
123 - Camping 2

Parmi les habitués du camping des Colombes, il y avait Costa, un Grec d'une trentaine d'années, bon vivant, grande gueule et cul-de-jatte. Enfant, un tram lui était passé dessus, tranchant net ses membres inférieurs.
Il vivait ce handicap avec beaucoup d'humour ( "Tu me casses les pieds" "Ca me fait une belle jambe" ou "Lâche moi les baskets !" faisaient partie de ses vannes habituelles ), maniait son fauteuil roulant de main de maître, conduisait sa voiture et pratiquait de nombreux sports, dont la natation.
Je n'ai jamais compris comment on pouvait nager sans jambes, mais c'était un fait : dans l'eau, Costa flottait aussi bien que vous et moi. Que dis-je ? Mieux que moi qui bois la tasse pour un oui ou pour un non.
Ce jour-là, c'était justement le cas. La mer était très agitée. Bousculée par une vague un peu trop turbulente, je paniquai et me raccrochai à ce que je pouvais.
Le slip de bain de Costa, en fait.
Qui me resta dans les mains, forcément.
Vous imaginez la honte ?
Costa éclata de rire. Puis il récupéra son bien et le réenfila vaille que vaille en gloussant :
- Oups ! Pas facile de mettre un caleçon sans avoir pied !
Ah, c'était un seigneur, Costa !
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En ce qui concerne les quatrièmes de couv', rédigées d'ordinaire par le directeur de collection ( ou son assistante ), nous avons plusieurs cas de figure :
1 ) Le résumé est si éloigné de l'intrigue que l'auteur lui-même s'y perd. Cette interprétation subjective peut aller jusqu'à trahir totalement sa pensée, et lui faire dire l'inverse de son propos.
2 ) Le truc dévoile, en trois lignes, un suspense distillé parcimonieusement sur deux cent pages.
3 ) C'est tellement mal écrit que ça ne donne pas du tout envie de lire le livre.
4 ) La personne, trop pressée, n'a eu le temps de parcourir que quelques chapitres, et base tout son argumentaire sur une anecdote sans le moindre intérêt.
Rares sont hélas les éditeurs qui ont l'intelligence de confier cet exercice à l'auteur, pourtant le mieux placé pour faire la synthèse de son propre texte - enfin, il me semble.

( 197 - Les couvertures qui grattent )
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Videos de Gudule (12) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de  Gudule
Si je vous dis que mon métier, c'est bibliothécaire, ça vous évoque quoi ? Des lunettes ? Un chignon ? Une personne qui adore fait "chuuuut !" ?
Et si l'on balayait les idées reçues ? Et si l'on partait à la découverte de bibliothécaires de fiction qui ont le pouvoir de changer une vie, pour le meilleur et pour le pire ? Venez, je vous emmène...
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