La Ménopause des Fées, tome 2 : Crimes et chatouillements

— L’Affrontement… Enfin… Le Grand Affrontement prédit par les astres ! De l’ombre et de la lumière jailliront deux armées, d’Anges et de Démons composées, qui, dans le fracas des éléments déchaînés, lutteront, l’une pour le Bien, l’autre pour le Mal… Sonnez hautbois, résonnez trompettes, voici venu le Temps de l’Apocalypse !

Dans sa voix perçait une subite inquiétude : celle d’être non conforme, aussi, dans l’Au-delà. D’un hochement de tête, Dieu le rassura.
— Homme sans nom, lui dit-il, tu m’évoques une grenouille que j’ai beaucoup aimée. Désormais, tu t’appelleras Kermythe, et sur ce mythe, je bâtirai mon Église.

Merlin rota et demeura prostré, l’œil dans le vague et la lippe baveuse. Ah, il était bien loin le temps où un jovial « Enchanté ! » soulignait benoîtement ses rumeurs stomacales ! À présent, il ne desserrait plus les lèvres – sauf pour y introduire le goulot de l’infâme picrate qu’une âme charitable déposait chaque jour, à son intention, dans un coin de la station de métro Brocéliande.

(...) Et pour corser le tout, ce décor familier peuplé de ménestrels chantants :
"Ai-je bien emporté mes capotes / Pour m'amuser avec mes potes ? / Si point ne les avait / Sage je resterais / Car sans preserve-quéquettes / La maladie me guette"
sur fond de viele, flûte et tambourin...

L’affirmation atteignit le père Cheval là où ça faisait le plus mal : dans sa dignité. Un chapelet d’insultes (dont l’auteur épargnera l’inventaire au lecteur, ce livre étant, n’en déplaise à certains critiques, d’une haute teneur morale) lui monta aux lèvres, mais il se retint.
Se fâcher avec cette putain de bordel de chiasse d’enflure d’assistante sociale de mes couilles, c’était perdre sa dernière chance de récupérer Lulu.

Jugez de la joie du pauvre Enchanteur !
- « Alléluia ! psalmodiait-il à pleins poumons, le front levé vers les étoiles. L’Épreuve est terminée, voici venu le temps des Félicités ! Après ce long exil, je retrouve enfin mes racines ! Que les Puissances Occultes qui régissent l’Univers en soient remerciées ! »
Irrité par ses cris, le motard qui l’avait pris en croupe lança (...) :
- « Ta gueule, pépère, on ne s’entend plus penser ! », ce qui témoignait quand même d’une sacrée mauvaise foi, les chevrotements d’un vieillard chenu étant à peine audibles dans le rugissement des moteurs.