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Critique de Eve-Yeshe


on fait la connaissance de Yamina, qui a traversé tant d'épreuves : quitter la ferme en Algérie pendant la guerre d'Indépendance, l'exil avec se famille au Maroc, se cacher, le retour à la fin de la guerre, abandonner l'école qu'elle aime tant pour donner un coup de mains à sa mère : elle coud des vêtements pour tous sur sa machine à coudre à pédale, tricote avec des aiguilles de fortune, plumes d'oiseaux puis, rayons de vélo récupérés dans une décharge.

Elle reste la dernière à la maison, son père ayant refusé tous les prétendants éventuels, jusqu'à ce qu'elle devienne trop vieille et que plus personne ne se présente. Alors, c'est le mariage arrangé avec Brahim, qui a dix ans de plus qu'elle et dont les mains immenses la terrorisent.

Yamina et Brahim vont avoir quatre enfants, trois filles et un garçon, le petit dernier, le chouchou à sa maman qui aurait pu virer au macho pur et dur mais ils ont été bien élevés, on est pauvre chez les Taleb, mais on est respectables et chacun pourra faire des études même si le travail n'est pas au bout.

L'aînée, Malika s'est mariée, un mariage arrangé, mais son mari avait une double vie, un enfant, elle a divorcé, le premier coup dur dans la vie de son père.

Hannah est la deuxième de la fratrie, elle cherche l'homme idéal, et tous ceux qu'elle rencontre ont forcément un défaut rédhibitoire, le manque de virilité est un problème pour elle …

Imane la troisième fille a toujours l'impression de décevoir : lorsqu'elle essaie de quitter l'appartement familial, on frise le drame, alors qu'elle a plus de trente ans mais n'est toujours pas mariée.

« Imane est la troisième fille, celle qui vient juste avant le fils, celle qui aurait dû être le fils. Imane a le sentiment de décevoir une fois de plus. »

Omar dit avec ironie qu'il est devenu un Arabe « calvitieux », c'est très bien quand il s'agit de Zinedine Zidane mais quand on est chauffeur Uber… Il est très attachant, au volant de sa voiture, toujours impeccable, même s'il a des clients ivres qui vomissent dedans. Un jour, une jeune femme le prend pour chauffeur via la célèbre application spécialiste en esclavagisme moderne, payant ses chauffeurs à coup de lance-pierre, et le courant passe entre eux. Mais elle a l'air d'avoir mieux réussi que lui, alors comment résister à l'inhibition, au manque de confiance en soi…

Yamina ne pardonnera jamais, d'avoir été obligée de quitter la ferme, les siens pour le suivre en France, à Aubervilliers. Elle sera toujours la discrète, celle qui passe en essayant de ne pas ne faire remarquer, consensuelle, se taisant même quand le chien de la voisine lui renifle le postérieur alors qu'elle en a peur et que la maitresse n'essaie même pas de le contenir.

Une éclaircie dans sa vie : quand on leur attribue un jardin ouvrier, où elle fait pousser, des fleurs, des légumes, elle a si bien appris à la ferme… Elle partage Yamina, les plats cuisinés, les desserts qu'elle confectionne, alors que souvent on ne lui rend même pas les assiettes…

Si elle essaie de se couler dans le moule, de ne pas faire de vague, ses enfants râlent, ils aimeraient bien que leurs parents qui se sont usés au travail soient un peu mieux reconnus.

On suit cette famille de 1949 à 2020, donc on traverse le 11 septembre, les attentats de Charlie, du Bataclan et là encore, eux qui ont toujours été discrets, pratiquant leur religion dans le sens noble du terme et non dans le sens dévoyé de l'islamisme radical, ils se sentent montrer du doigts, et en plus ils ne peuvent même pas montrer qu'ils sont en deuil eux-aussi !

J'ai adoré mettre mes pas dans ceux de Yamina, car elle force le respect, la discrétion dans son cas, ne signifie pas qu'elle s'écrase à tout prix, subissant les affronts sans broncher ; elle part simplement du principe qu'il ne sert à rien de se révolter pour le moindre détail, comme elle dit. Elle traverse les tempêtes, les désillusions de l'Indépendance, le visage dur de Boumediene dont il convient d'éprouver un vrai chagrin lors des funérailles nationales dignes de l'ex URSS…

Ce roman est bien écrit, bien construit, Faïza Guéne ne sombre jamais dans le pathos et j'ai laissé cette famille à regret.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Plon qui m'ont permis de découvrir ce roman et son auteure. Ce fut vraiment une lecture belle et bouleversante.

#rentreelitteraire2020 #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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